Bancal mais touchant, Des enfants gâtés est en premier lieu un portrait de femme à la belle subtilité dont la force est paradoxalement tirée de la faiblesse relative du film. A savoir le parallèle fait par Tavernier entre les pauvres adultes qui hantent tout un tas de cage à lapin louées aux plus dociles d'entre eux et les enfants qui tentent de grandir dans un monde vaporeux, qui semble par moment contre-productif, notamment aux moments où les sessions de pédopsychiatrie coupent l’intrigue sans crier gare.


Et pourtant, dans un second temps, c’est bien ce parallèle qui donne au personnage de la jeune Anne sa complexité. Son physique de femme enfant, son caractère taciturne et changeant, enjoué puis méfiant dans le même instant, font d’elle un être insaisissable, un cœur pur qui cherche sa place, dans le même état de mutation perpétuelle que l’espace où elle vit qui la dévore.


Un contexte social qui constitue le second effet de la charge menée par Tavernier, à travers l’état des lieux saisissant qu’il livre sur le marché de la location immobilière en île de France dans la fin des années 70. Une époque de matraquage financier si abusif que des locataires pris au collier n’hésitent plus à mener leur enquête jusqu'aux cahiers de compte de ceux qui les escroquent ni même à défigurer leurs balcons en y placardant des banderoles agressives comme unique moyen d'interpeler les détenteurs du pouvoir, même s'il est bien difficile d'atteindre ceux dont ils aimeraient chatouiller le complexe de supériorité.


Un côté frondeur qui fait penser à Boisset ici, tant il est assumé par moment et qu’il ne s'embarrasse d'aucune nuance. L’approche est intéressante, le bilan noir dressé ne manque pas de passionner, mais il se fait rapidement éclipser par les performances conjuguées de la fausse apathie portée par Piccoli et la rage féroce d’une Christine Pascal on ne peut plus émouvante. Ne serait-ce que pour l’alchimie née de leur rencontre, Des enfants gâtés vaut le coup d’œil. Elle m’a permis en tout cas d’entendre le cri du cœur de Tavernier jusqu’au bout, même s'il peut paraître longuet sur la fin.

oso
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le 5 mars 2017

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