Departures
7.6
Departures

Film de Yôjirô Takita (2008)

La représentation de la mort au cinéma a beau être une chose courante, son approche dans un cadre réaliste perturbe et dérange toujours autant. Il faut dire que celle-ci demeure un tabou bien ancré dans nos sociétés qui, de toute façon, ne manquent pas d'imagination pour ne pas aborder directement la question. En cela, il est véritablement salutaire de regarder un film tel que Departures : en adoptant le regard d'un employé de pompes funèbres, on sort de la dimension purement émotionnelle de la personne en deuil pour tendre vers une véritable réflexion sur l'acceptation de la mort. Seulement, aussi bonnes étaient ses intentions, Yôjirô Takita ne mène pas son projet à son terme et finit par se vautrer dans le mélodrame glucosé. Dommage ! Remarquez, l'attribution de l'oscar du meilleur film en langue étrangère aurait dû nous mettre la puce à l'oreille : n'est pas Six Feet Under qui veut !


Il faut reconnaître que le début du film réussit plutôt bien son approche du sujet : on nous introduit dans cet univers pour le moins macabre avec une douceur et une simplicité effarante, la légèreté latente voire l'humour burlesque permettent bien souvent de dédramatiser les situations, facilitant ainsi l'approche du deuil, sa représentation et le questionnement que cela suppose. Pour contourner nos appréhensions, Takita s'emploie dès les premiers instants à donner une image humaine à cette entreprise de pompes funèbres ; ainsi Daigo, par le biais de cet étrange job, va donner du sens à sa vie et va tenter, par la même occasion, de renouer avec la mémoire de son paternel ; quant à son patron, il deviendra rapidement son père de substitution. Même si tout cela est un peu convenu, on se laisse facilement porter par cette histoire qui sent bon l'humanisme du cinéma d'antan ou des films de Kore-eda. La réussite serait totale si les personnages féminins avaient le droit au même traitement de faveur. Or ici, que ce soit l'épouse ou la secrétaire, elles sont toutes stéréotypées et inintéressantes.


Jouant aussi bien sur le terrain de l'humour que du drame, Departures parvient à retranscrire, faute d'approfondir, le difficile cheminement du deuil, la survivance du défunt dans l'esprit des proches, rendant nécessaire le devoir de mémoire. C'est la démarche de Daigo qui se rend sur les terres de son enfance afin de mettre un visage sur celui de son père, condition sine qua none à un avenir radieux et épanoui. C'est la situation commune à toutes ses familles qui assistent aux cérémonies funérailles et à la "résurrection" de l'être aimé : lavé, habillé, maquillé, le corps du défunt passe soudainement de simple dépouille à un être de chair envers lequel on peut témoigner adieux et regrets. Le grand moment du film reste bien sûr cette cérémonie de mise en bière, représentée comme un numéro d'artiste gracieux et pudique, transformant un moment d'infinie tristesse en instant de communion ou de réconciliation. L'idée est bonne, la démarche est plutôt audacieuse, dommage que Takita ne finisse par s'engluer dans le mélodrame navrant avec ces séquences tires-larmes, son sentimentalisme exacerbé par une musique affreusement violoneuse et sa morale bon marché. La réflexion entrevue au préalable finit par se transformer en quelque chose d’extrêmement simpliste. Devant ces échecs probants, on retiendra surtout les portraits attachants, plein d'humanisme, la description de ces paysages hivernaux et la vision gracieuse de ces séquences mortuaires qui ont le mérite de nous montrer, avec tact, ce qui est habituellement soustrait à notre regard.


Procol-Harum
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le 24 janv. 2023

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