Le pitch ? Banal, à première vue. Davis Mitchell, jeune investisseur au sein de la boîte de son beau-père, perd sa femme, Julia, dans un accident de voiture. Alors qu’il apprend la mort de son épouse à l’hôpital, l’envie lui prend de s’acheter des M&M’s au distributeur le plus proche. En 5 minutes à peine, le décalage de l’action par rapport à la situation se crée déjà. Car Davis ne peut profiter de son paquet de M&M’s, resté coincé dans le distributeur. Cela nous est déjà tous arrivé. A une différence près. Quand mon Kinder Bueno daigne descendre, je m’énerve un peu, puis frappe discrètement la machine jusqu’à obtention du produit. Ou bien, je remet quelques piécettes pour le même produit en espérant repartir avec les deux exemplaires, le premier tombant comme il aurait du et le second, non désiré mais bienvenu. Davis, lui, reste calme, et décide alors d’envoyer une lettre de remboursement (cinq pièces de 25 cents englouties, on a vu pire perte, mais ça reste chiant, admettons-le) à la société privée responsable du distributeur. Point de lamentation sur le décès tragique de sa femme, la priorité de Davis est ailleurs, en l’occurrence réparer l’erreur de ce maudit distributeur, et même, pourquoi pas, de démonter sa vie de façon matérielle. C’est décidé, le mobilier va prendre très cher.


Alors que tout indique un drame pesant, DEMOLITION s’avère souvent très drôle. L’élément déclencheur du récit donne alors lieu à une succession de situations au comique étonnant. Le film joue habilement, dans sa première partie, sur la déréliction des sentiments de Davis vis à vis de sa vie (yeah). Le drame qu’il vit le rend attachant tandis que son nouveau comportement tendrait à faire de lui un salaud. Pourtant, l’écriture du personnage de Jake Gyllenhaal finit par s’éloigner des archétypes. L’acteur, formidable, confirme encore une fois que sa carrière prend depuis déjà quelques années une tournure très intéressante, et offre une palette de jeu variée, visage tout de suite sympathique pour le spectateur à l’appui.


DEMOLITION s’avère, à l’image de son titre, peu subtil. Mais c’est sans doute dans cette volonté de mettre en scène de façon très premier degré ce titre que le film puise sa force. Car DEMOLITION est un film sur le besoin d’extériorisation des sentiments. Davis, incapable de ressentir quoi que ce soit au décès de sa femme, cherche à rebâtir sa vie. Dans ses meilleurs moments, DEMOLITION prend des airs de divertissement curieux et étonnamment gratifiant, où voir le personnage principal démolir au sens propre tout ce qui l’entoure fait ressentir au spectateur une émotion universelle. Qui, à un instant précis ou lors d’une période de sa vie, n’a pas eu envie de tout détruire, par colère ou frustration, ce qui l’entourait ? C’est sur ce terrain que l’empathie envers Davis se fait la plus présente. Problème : quand le récit finit par dériver sur une reconstruction relationnelle, à l’arrivée du personnage de Naomi Watts, Karen, DEMOLITION redevient plus terre à terre et perd son enveloppe d’étrangeté dans laquelle il se déroulait. Jusque là, Jean-Marc Vallée, comme dans DALLAS BUYERS CLUB et WILD, se jouait des conventions de montage pour créer un profond climat d’intérieur, par le biais de voix off sur une succession d’images presque uniquement rythmée par les mots de ses personnages et un silence envoûtant. Dans DALLAS BUYERS CLUB, une scène onirique à base de papillons volant autour de Matthew McConaughey, dans WILD, un renard en guise de fin de parcours. DEMOLITION applique la méthode comme un leitmotiv durant une heure avant de revenir sur un chemin plus prosaïque. Les étrangetés du film trouvent une révélation, et sans crier gare, Davis Mitchell se repentit. Il aurait sans doute été plus puissant de faire de la voix de Naomi Watts au téléphone une hallucination de Davis, une prestation vocale à la Scarlett Johansson dans HER de Spike Jonze. Mais DEMOLITION finit sur un chemin plus balisé. Sorti de la bulle de Davis et de son quasi non-sens, le spectateur finit par retomber également dans un premier degré dommageable et très différent de celui qu’il s’amusait à expérimenter dans sa première partie. C’est la faiblesse du film que de rediriger le parcours mental de Davis Mitchell sur le droit chemin. Pourtant, le long-métrage se rattrape sur la complicité que Davis se crée avec le fils de Karen, Chris, en pleine quête de lui-même également.


DEMOLITION est un film maladroit, souvent très drôle, parfois touchant, dont l’approche du deuil a quelque chose d’original. Mais en l’absence de finalité (le récit ne semble pas trop savoir où il va et ce, malgré le retour à la réalité imposé), il ne tient pas toutes ses promesses. Dommage, certes, mais la bizarrerie qu’il entretient la plupart du temps suffit à en faire une oeuvre très intéressante et, tout compte fait, relativement accessible.


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martinlesteven
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le 9 avr. 2016

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Marty Lost'evon

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