Dead Zone
7.1
Dead Zone

Film de David Cronenberg (1983)

"You"re looking good". "Yeah, it's called the coma diet - lose weight while ya sleep."

Comme beaucoup, je connaissais surtout Dead Zone "grâce" à la série diffusé sur M6 il y a quelques années. Une série pas nulle, mais pas géniale non plus, et assez molle. Et avec un acteur plutôt moyen, aperçu depuis chez Hughes, et en méchant chez Burton. Bref.

Là, tout de suite, c'est déjà autre chose: on a Christopher Walken devant la caméra, et Cronenberg derrière. J'ai également eu l'avantage de ne pas me souvenir de l'intrigue principale de la série, ce qui m'a permis d'être plus ou moins surpris. En gros, c’est l’histoire du professeur Johnny Smith, qui a un terrible accident après avoir raccompagné Sarah, sa copine. Il tombe dans le coma, et à son réveil, il découvre qu’il est capable de voir le passé et le futur des gens en leur serrant la main..

Le premier constat que l'on peut faire, et que le film est profondément ancré dans une imagerie eighties. Cela se ressent principalement dans l’esthétique un peu vintage du film, notamment l’image, qui fera peut-être un peu téléfilm pour certains.

Sinon, j’ai été particulièrement content de retrouver une actrice aperçu chez Malick, à savoir Brooke Adams. Quand je l'ai vu démarqué dès les premières minutes du film, j'ai tout de suite pensé "trop cool, c'est l'actrice des Moissons du ciel !" Vous savez, la chérie à Richard Gere. Quel film sublime quand même (la scène de l'incendie, rolala). Bon, j'arrête ma propagande.

Ici, dans les 10 premières minutes du film, elle a une coupe bien ridicule comme seules les années 80 savaient en proposer. Et justement, Cronenberg en joue, car lorsque Johnny se remet enfin de l'accident, elle a changé de coupe (normal, certes), alors que lui n’a évidemment pas changé d’un pouce : il est le même qu'il y a cinq ans. Bref, le décalage est bien vu, et le personnage de Walken le fait d’ailleurs remarquer lorsqu'il la revoit pour la première fois après être sorti du coma. Donc on pourrait supposer que Cronenberg se moque un peu de tout ça, au fond.

Mais bien plus que cela, c'est la direction que prend le film qui s'avère la plus étonnante. Ainsi, même si le personnage principal a le pouvoir de voir et donc modifier l'avenir, c'est emmené dans une réalité pour le moins crédible. De ce fait, le côté fantastique du récit aura bien évidemment son importance, mais le film s'apparentera surtout à un drame, avec comme sujet principal la solitude. Celle-ci sera provoquée d’une part par le long coma dont sera victime notre héros à la suite de son accident, et d’autre part par le regard des habitants de Castle Rock sur les pouvoirs de Johnny, tout autant admiratifs que méfiants, et obligeant Smith à vivre en reclus pour y échapper. Sans compter que sa mère vient tout juste de mourir.

Mais surtout, il a du mal à encaisser la rupture amoureuse. Pour preuve, chaque apparition du personnage de Brooke Adams sera un crève-coeur pour Johnny Smith, qui l'aime encore comme au premier jour, alors qu'elle, a eu le temps de se construire une nouvelle vie. Sarah est désormais mariée, et a un gosse. En somme, la vie qu'ils s'étaient eux deux promis. Gros bad donc. Le pire étant surement la rencontre involontaire avec le nouveau conjoint de Sarah, qui réveille forcément des émotions difficiles.

Bien entendu, si les ressorts dramatiques marchent si bien, cela repose en grande partie sur l’empathie que l’on a pour Johnny Smith. Pour cause, Christopher Walken est excellent. Je ne sais pas vous, mais pour des raisons que j’ignore, j’ai surtout une image de Walken assez négative. Enfin disons qu’on l’a souvent vu jouer des rôles de méchants, donc ça fait assez bizarre de le voir en « monsieur-tout-le-monde ». Et pourtant, force est d’avouer qu’il colle très bien au rôle. Bon et puis bien évidemment, il garde tout de même sa tête un peu flippante, d’autant qu’il est assez pâle dans le film. Il fait un peu vampire, pour résumer. Donc ça colle bien quoi. Et puis quel charisme, il bouffe tout le monde (Tom Skerritt semble insignifiant) !

Ensuite, je pourrais ajouter que la mort pèse sur le film du début à la fin. Alors oui, à travers les pouvoirs du héros, puisqu’il va apprendre à lutter contre, mais surtout dans sa composition plastique. Ainsi, les couleurs utilisées sont la plupart du temps assez froides, avec une dominance d’un blanc assez moche. Et puis c’est l’hiver, on ne voit jamais de scènes illuminées par un soleil radieux. Bref, c’est globalement sous-exposé, et ça contribue bien à l’ambiance mortuaire du film.

Après, le film n’est pas non plus parfait. Pour moi, son principal problème provient dans le déroulement du récit. Ainsi, le film semble souvent aller d’une scène à une autre sans forcément beaucoup de liant. Enfin je ne sais pas trop comment dire, mais ça fonctionne un peu par épisode en fait. Pour être un peu plus clair, disons que les visions de Johnny Smith oblige le film à répéter plusieurs fois le même schéma cyclique suivant : Vision - Smith prévient du danger – Résolution de la vision, le tout entrecoupé par une rencontre avec Sarah. Comme si on avait condensé la série en film. Le film a donc le mérite de suivre une certaine logique du début à la fin, mais c’est aussi sa limite, car pour cette raison, les enjeux ne sont jamais très « lourds ».

Aussi, la partie « politique » qui survient dans la deuxième partie du film, fonctionne un peu moins que la première selon moi. Je pense que si le film avait gardé comme trame principale la partie policière, ça n'aurait pas forcément été un mal.

Enfin, chose rare, la musique n’a pas été compensé par Howard Shore (flemme d’aller sur wiki pour plus de détails), mais fonctionne plutôt bien, et la scène de la découverte du meurtrier de Castle Rock est superbement mis en scène.
Et on évite le happy-end, c'est bien.

En conclusion, même si ça ne vaut clairement pas les grands « délires » du cinéaste comme Vidéodrome ou La Mouche, ça fait du bien de découvrir un bon Cronenberg après le fatiguant Maps to the Stars.

N.B. Pour la petite anecdote, au début du film, lorsque Christopher Walken donne un cours, il lit un passage de.. Sleepy Hollow. Le hasard fait bien les choses !
New_Born
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le 13 juil. 2014

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