Lors d'un début d'année 2020 marqué pour ne pas dire flingué par une certaine pandémie, sort en salle le dénommé Dark Waters. Sa sortie coïncidant avec un contexte chaotique ne facilitant pas sa visibilité, il convient donc de mettre en lumière autant que faire se peu le film de Todd Haynes, probablement l'un des plus importants de l'année et dont le visionnage s'avère aussi crucial que nécessaire.


Dark Waters dépeint une autre catastrophe sanitaire, plus ancienne et plus organisée : le résultat d'un scandale environnemental qui perdure salement depuis plus de 40 ans, et qui a marqué pour des millions d'années toute forme de vie sur Terre. Probablement plus visibles aux Etats-Unis, les faits contés dans Dark Waters ont globalement rencontrés une médiatisation disons... particulière. La chose a de quoi surprendre lorsqu'on songe à toute l'horreur qui ressort des malversations du groupe DuPont. D'où l'importance du film et la nécessité d'en parler autour de soi, chacun à son échelle. Ce thriller social et judiciaire mené par un Mark Ruffalo habité raconte le combat d'un avocat d'affaires spécialistes des grands groupes chimiques, et qui s'est finalement attaqué au plus puissants d'entre eux. Pas loin du récent Spotlight dans sa verve dénonciatrice et son apport à un certain cinéma de vérité, Dark Waters met à jour une autre forme de monstruosité, cette fois observable au travers d'une énième institution prétendument intouchable. Passé son statut de gigantesque réquisitoire pas loin du docu-fiction (décors et acteurs en partie authentiques au récit conté), le long-métrage s'avère également être un excellent moment de cinéma : tour à tour drame haletant, film-enquête et surtout film d'épouvante, il renvoie alors à la pas si lointaine mini-série d'HBO, Chernobyl. La comparaison peut paraitre farfelue, mais force est de constater que les deux productions dépeignent chacune à leur façon une catastrophe humaine et environnementale dans une retenue et une classe presque complémentaires : l'horreur est bien réelle, la menace invisible, et les drames qui en découlent sont d'autant plus critiques qu'ils sont aussi authentiques que voués à perdurés dans le temps.


Mais là où Chernobyl fait figure de fiction historique forcément plus iconisée et romancée (la série ne s'en cachant de toute façon pas), Dark Waters secoue et effraie par le caractère trop récents des faits exposés, et un rapide détour sur la législation encadrant le C8 (et quelques 47 000 autres produits chimiques) suffit à témoigner du caractère très actuel et donc très inquiétant du film. La portée documentaire de Dark Waters s'avérant donc salutaire, il se paie en plus le luxe d'aborder quelques autres sujets plus globaux : des rapports de classes de l'Amérique profonde au sexisme institutionnel qui perdure dans les cellules sociales et familiales, le tout se greffe intelligemment à un récit déjà franchement ambitieux. En résulte un film ô combien important dont on espère une pérennité et un bouche à oreille qui lui rendra enfin hommage, et qui pourquoi pas, l'érigera comme un nouvel incontournable en matière de cinéma militant. A cette ère d'angoisse environnementale et sanitaire encore marquée par l'administration Trump, c'est tout ce qu'on peut lui souhaiter.

Bukowski-Bags
8
Écrit par

Créée

le 2 déc. 2020

Critique lue 76 fois

Bukowski-Bags

Écrit par

Critique lue 76 fois

D'autres avis sur Dark Waters

Dark Waters
Sergent_Pepper
6

Years and tears

Film dossier traditionnel sur lequel les américains ont coutume d’exercer leur efficacité, Dark Waters est déjà légitime quant à son sujet, à savoir la toxicité des produits fabriqués et vendus à...

le 26 févr. 2020

59 j'aime

6

Dark Waters
AnneSchneider
8

Les ambiguïtés d’une nation...

Les Etats-Unis forment une nation suffisamment riche, puissante et multiple pour nourrir en son sein les deux dragons qui seront en mesure de s’affronter. C’est ainsi que ce vaste pays pourra porter...

le 29 févr. 2020

50 j'aime

13

Dark Waters
PierreAmo
10

Le pot de terre contre le pot de Téflon

"Non jamais la Cour, ni ses serviteurs ne vous trahiront dans le sens grossier et vulgaire, c’est-à-dire assez maladroitement pour que vous puissiez vous en apercevoir assez tôt pour que vous...

le 11 juil. 2020

27 j'aime

16

Du même critique

Outlast
Bukowski-Bags
7

La plus belle et morbide des illusions

Outlast restera quoi que l'on en pense le bon jeu sorti au bon moment. Attendu par une horde d’aficionados du survival-horror délaissés depuis trop longtemps, qui ont qui plus est vu les deux plus...

le 19 sept. 2022

Mobile Suit Gundam: Iron-Blooded Orphans
Bukowski-Bags
8

L'essence de la vie n'est PAS sur le champ de bataille

Véritable phénomène culturel au Japon, la franchise Mobile Suit Gundam à connu en quelques quarante années d’existence un nombre quasi-incalculable de séries et de films plus ou moins confidentiels...

le 14 juin 2021

Dark Waters
Bukowski-Bags
8

L'horreur invisible

Lors d'un début d'année 2020 marqué pour ne pas dire flingué par une certaine pandémie, sort en salle le dénommé Dark Waters. Sa sortie coïncidant avec un contexte chaotique ne facilitant pas sa...

le 2 déc. 2020