Ours mal léché mais ours bien drogué

Malgré toute la sympathie que l'on peut avoir pour la comédienne Elizabeth Banks, on ne peut pas dire que sa volonté d'accéder à un statut de réalisatrice ait été suivie des mêmes louanges qui entourent souvent ses prestations devant la caméra. Entre ses premières armes effectuées au cinéma sur "Pitch Perfect 2" et surtout le naufrage "Charlie's Angels" version 2019, rien ne pouvait vraiment susciter une adhésion extrême à une possibilité de nouveau long-métrage de sa part.

Mais, cette fois, grand bien lui en a pris, l'actrice a frappé fort avec ce qui est sans doute un des pitchs les plus barrés de ce début d'année 2023 : un ours au museau plein de cocaïne et croquant tout ce qui passe entre ses griffes dans le but d'en sniffer plus ! L'argument est redoutable, la bande-annonce a évidemment déclenché la curiosité hilare d'Internet et des pastiches à base de requin ou de crocodile rendus euphoriques par cette même poudre ont déjà été annoncés avant même la sortie de leur modèle... Bref, alors que le fait divers derrière cette histoire se résume à un simple ours mort d'avoir dévoré une brique de cocaïne égarée en forêt par un trafiquant notoire (sa dépouille empaillée est ensuite devenue une mascotte), "Crazy Bear" a réussi à marquer les esprits de sa grosse patte avant même de montrer de quoi il était capable, il restait donc à voir si le délire allait être à la hauteur...

Et on ne peut dire que la première partie du film nous rassure vraiment en ce sens. La promesse de cet ours fou furieux en quête de coke a beau être remplie (il sera d'ailleurs le MVP incontestable de l'ensemble), Elizabeth Banks démontre aussi une volonté d'élever le niveau derrière la caméra par rapport à ses précédents travaux, cependant, quelque chose n'est définitivement pas aussi fou que prévu dans "Crazy Bear" et la faute en revient principalement à ses humains prêts à être réduits en bouillie par le prédateur junkie ! Le casting est pourtant riche et des plus sympathiques (avec une des dernières apparitions de Ray Liotta au cinéma) mais les personnages semblent tout bonnement lâcher dans le film sur un mode "Regardez comme ils sont tous décalés, ils sont forcément drôles !!" sans autre grand effort d'écriture et surtout sans que la mayonnaise comique prenne réellement entre eux et un spectateur qui les regarde déambuler chacun de leur côté à coups d'extravagances ou de bons mots peinant à arracher un sourire. Et, s'il n'y avait pas cet ours toxicomane pour cavaler après tous ces humains aux contours pathétiques artificiellement gonflés comme dans tant d'autres films voulant vainement titiller notre zygomatiques, autant dire que "Crazy Bear" ne vaudrait pas un grand pot de miel.

Heureusement, en parallèle d'attaques ursines de plus en plus brutales (et souvent réussies visuellement, que cela soit en termes de FX ou de violence), notamment une virée en ambulance très mouvementée, "Crazy Bear" élague de fait plusieurs de ses parasi... protagonistes secondaires et trouve enfin un équilibre plus habile entre le survival animalier en pleine forêt et la pure comédie en se resserrant sur un groupe de survivants bien plus drôles, et même un poil plus intéressants sur la durée, en termes d'interactions face à une bête qui trouve le moyen de nous surprendre en permanence par son comportement absurde. Et, on mettra au crédit de la réalisation d'Elizabeth Banks le très chouette dernier acte du film, arrivant à tutoyer avec tendresse le premier degré des films 80's de son contexte, où une forme d'innocence parvient à répondre à la violence la plus bestiale, pour une confrontation finale jouissive, dotée d'un vrai sens du spectacle à la croisée des genres.

Pas la claque délirante espérée à cause de sa première partie étonnamment poussive, "Crazy Bear" a le mérite de vraiment monter en gamme en même temps que les doses de cocaïne aspirée par la truffe de son ours et parvient à délivrer un bon shot de fun, et même un peu plus, dans ses derniers virages. Pas sûr qu'Elizabeth Banks nous aurait cru si on lui avait dit un jour que sa meilleure réalisation concernerait un ours complètement défoncé...

RedArrow
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le 21 mars 2023

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