D'habitude, le remake, c'est un truc que l'on dédaigne, que l'on ne goûte que du bout des lèvres, et qu'on en parle qu'avec une moue de dégoût, parce que le cinéma, c'est pas de la vulgaire repompe, mais un geste artistique unique, tu vois...

Encore plus quand c'est ricain.

Et là, on s'en donne à coeur joie dans la critique acerbe, surtout quand on dit que cette sale civilisation yankee s'approprie les autres cultures, en vue de les simplifier et les avilir, pour mieux les mettre au niveau des idiots gras du bide qui composent son public.

Mais bizarrement, quand il est français, l'art du remake ne subit presque plus aucune critique. Parce qu'il est forcément parfait (parce que cela rime avec français, allons !).

Mais alors, quand le remake est signé Michel Hazanavicius, soit un nom de réalisateur sanctifié en forme de totem d'immunité Koh Lanta pour ma part incompréhensible, on encense, on célèbre, au point d'éclipser un film original confidentiel. Pas grave, c'était japonais...

Le même parfum de remake entoure la promotion de Coupez ! . En effet, un film de genre à base de zombies qui fait l'ouverture du festival de Cannes 2022, cela a de tristes relents, assez rances du reste, de l'ouverture du même festival millésimé 2019. C'était avec The Dead Don't Die, une imposture assez lamentable tant devant la caméra que derrière, avec tous ces pingouins mondains qui se tapaient sur les cuisses. Et qui n'en revenaient pas de la facilité avec laquelle ils avaient fait passer des vessies pour des lanternes aux yeux du public et de la critique.

Pourquoi donc ne pas recycler les vieilles recettes du succès, après tout ?

Sauf que là, le remake est à des années lumière de l'original.

Sauf que stop ! On vous jurera la main sur le coeur que le père Michel (parce que la mère Michelle, elle est dans son transat à Cannes, suivez un peu) s'est réapproprié le matériau qu'il adapte. Parce qu'il tient compte de l'existence de l'original et disserte sur les difficultés de l'adaptation. Parce que Michel est aussi un cinéaste qui pense et qui ajoute des niveaux de lecture, vois-tu...

C'est vrai qu'un film énergique et nerveux comme Ne Coupez Pas !, en 2017, nécessitait les ajouts capitaux d'un preneur de son anecdotique et de quelques blagues sur les japonais histoire de rappeler à ses fans que l'on a écrit deux OSS 117.

C'est vrai aussi que, pour raconter au final exactement la même histoire, en un peu plus d'une heure trente en 2017, on en prend presque vingt minutes de plus en 2022.

Peut être pour supprimer toute forme d'urgence qui emporte tout sur son passage. Ou plus surement de se mettre au niveau du français moyen...

Sauf que Michel Hazanavicius brise le charme d'entrée de jeu. Car dès les premières secondes de l'entreprise, on surligne que l'on est dans un film, avec le gros grain de la pellicule qui, dans mes souvenirs, n'était pas à ce point surligné au Japon. Un film à l'interprétation tristement nulle. Parce qu'un film de série Z en France ne peut avoir qu'une interprétation tristement nulle.

Hazanavicius semble constamment désamorcer, minute après minute, le concept du film original, histoire de ne pas trop désorienter son public. Histoire d'annihiler toute forme de surprise quant à la nature réelle de ce qu'il met sous nos yeux. Histoire enfin d'affirmer que son humour qu'il désire si fin, mais cependant toujours aussi lourd et empesé, est encore une fois de la partie. Tout comme les étirements de ses situations jusqu'à la gêne.

Sauf qu'avec Coupez !, Michel Hazanavicius réussit une sorte d'exploit.

Car on se servant allègrement dans une mine d'or d'inventivité et de malice qui illustrait à merveille son sujet, en reprenant au plan près nombre de séquences iconiques, il transforme une ode à la débrouille et à la passion du cinéma à la Gondry en un triste film mettant en scène une bande de fonctionnaires cyniques, dont beaucoup prennent le genre de haut, à l'image peut être du réalisateur lui-même.

Et ce qui était naguère une oeuvre qui filait une banane incroyable suscite aujourd'hui, à peine plus qu'un sentiment de gâchis et d'inutilité qui aura pour seul mérite de donner envie de regarder à nouveau l'original. Pour se remettre en mémoire le plaisir éprouvé. Pour renouer avec une certaine forme de sincérité et de magie suscitée par l'envie de cinéma, peu importe son échelle.

Coupez ! s'en trouve aujourd'hui absolument dénué, de magie et de sincérité. Et en ce sens, son titre s'avère, en 2022, tristement prémonitoire.

Behind_the_Mask, qui n'aime pas les faux-semblants.

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le 28 mai 2022

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