lorsqu’il n’y a aucune adéquation entre scénario et réalisation

Si nous chroniquons ce film, 13 ans après, c’est pour tenter de percer le mystère CHARLIE KAUFMAN – si tant est que cela soit possible – avant la sortie de son prochain long métrage Anomalisa, le 3 février 2016. Retour donc à CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX, où il n’est encore « que » scénariste (George Clooney réalise), pour constater ce qui se passe lorsqu’il n’y a aucune adéquation entre scénario et réalisation.


Mais avant de commencer à parler de Charlie Kaufman, il me faut évacuer toute ma bile envers George Clooney-réalisateur. Si j’adore la classe et le flegme de l’acteur, je ne supporte en rien sa réalisation. Je trouve qu’il n’a aucune conscience de la portée de l’image, qu’il ne sait pas comment générer de l’empathie (un comble pour un réalisateur qui se borne à parler de personnages antipathiques), ni de comment donner du rythme à ses œuvres. Il semble se contenter d’illustrer platement (mais reconnaissons-le, avec style) des scripts au fort potentiel, de mettre en scène « à la manière de » (Coen, Soderbergh…) sans jamais trouver son ton propre. Pourtant, Clooney s’attaque à de passionnants sujets, parfois riches en interprétations, parfois politiques – jamais exploités avec sensibilité.
Si l’on ne peut vraiment défendre The Monuments Men, étalant tous les problèmes sus-cités plus un souci de fond quant à l’idée scénaristique de départ ou des ambitions esthétiques réduites à zéro ; on conseillera néanmoins l’efficace Good Night and Good Luck, où malgré le manque d’acuité de Clooney, David Strathairn s’empare du film pour donner de multiples enjeux à chacun et ainsi dépeindre une époque conservatrice et dirigiste comme reflet de la nôtre.


Quant à CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX, il apparaît comme une illustration linéaire et très superficielle du potentiel psychologico-analytique inhérent aux scripts de Charlie Kaufman. Clooney, au contraire de Michel Gondry et surtout Spike Jonze, n’a aucune empathie pour les névroses de l’auteur. Il semble ne voir en lui que « le mec nominé à l’Oscar du meilleur scénario » et l’opportunité d’une bonne histoire… Il n’en tire donc qu’une bonne histoire et se bride énormément sur tous les autres points, empêchant par exemple ses acteurs d’exprimer une quelconque subtilité alors qu’on la suppose présente dans le script initial.


Car on sait le scénariste prompt à mettre de sa propre personnalité dans ses scripts pour mieux analyser ses propres névroses (moins contraignant et plus profitable qu’un psy après tout).
Ainsi, lorsque l’on fait un parallèle entre le vécu de Charlie Kaufman et l’écriture du script de CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX (datant de 1997), le double sens derrière l’illustration de Clooney nous apparaît :
Chuck Barris, est un jour producteur de shows TV vulgaires et le suivant tueur à gages pour la CIA…
Mais n’est-ce pas là une métaphore « lumineuse »du Charlie Kaufman scénariste se sachant absolument talentueux mais dont le summum de la carrière n’est pour l’instant que d’avoir signé quelques scripts pour des séries TV (à l’époque, c’était pas ultra-classe hein) et ce léger contrôle sur des shows TV décérébrés mais cultes et suivis (The Dana Carvey Show, pour les fans de Wayne’s World);
N’est-ce pas également une métaphore « sombre » du Charlie Kaufman contraint d’écrire des adaptations de yes man pour Hollywood, tel que celui de CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX ou ceux refusés, dont nous ne connaissons même pas l’existence ?
Ce script n’est-il pas au final, un moyen pour Charlie Kaufman d’exprimer toute l’amertume de sa situation pré-Dans la peau de John Malkovich ?


Dans la pure lignée de Dans la peau de John Malkovich, Human Nature et Adaptation ; les notions d’identité, de dédoublement, de mort libératrice et de fantasme sont présentes dans CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX … De ce point de vue, le film cesse d’être cet objet prétentieux shooté par un réalisateur en quête de reconnaissance.


Charlie Kaufman aurait désavoué le film – sans rancœur contre Clooney, mais tout de même. Un indice comme quoi son cheval de Troie n’a fonctionné qu’à moitié.


Critique par Georgeslechameau, pour le Blog du Cinéma

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le 3 févr. 2016

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