Club Zero
5.4
Club Zero

Film de Jessica Hausner (2023)

En début d’année, Sick of Myself de Kristoffer Borgli dessinait le portrait cynique d'une jeune femme de son époque, en quête de célébrité au détriment de sa santé. Une œuvre sur l’absurdité de notre époque, parfois malaisant, jusqu’à son troublant basculement dans le body horror pour (trop) accentuer son propos. Club Zero de Jessica Hausner dresse le même constat dans un style et une thématique différents.


Au commencement


Dans une école privée, Miss Novak (Mia Wasikowska) est une nouvelle professeure, qui vient enseigner à un groupe d’élèves comment prendre soin de soi et de leurs corps, à travers le concept de l’alimentation en pleine conscience. Un concept dont elle va repousser les limites, afin de parvenir à ses fins.


Miss Novak


Dès le début, on sent que derrière la professeure se cache une personne malsaine. On attend juste le moment où elle va dévoiler son vrai visage, ainsi que ses intentions envers ses sept élèves. Miss Novak se montre bienveillante auprès d’eux, ainsi que la directrice. En l’absence d’une vie de famille et sociale, elle se rend disponible pour encadrer les élèves durant le week-end. Cette proximité permanente, lui permet de découvrir les différentes failles enfouies derrière le visage juvénile de ces adolescents en manque de repères et d’une figure parentale. On le comprend dès que Fred pose sa tête sur son épaule et qu’elle dit le considérer comme son fils. Un adolescent qui se sent abandonné par ses parents, partis vivre au Ghana avec son petit frère, dont le climat ne peut lui convenir en raison de son diabète.


Miss Novak tisse doucement sa toile autour de ses adolescents influençables et en manque de confiance. En dehors de Ben, ils sont tous issus de la bourgeoisie. Leurs parents sont démissionnaires. Ils ont délégué leurs responsabilités à la directrice de l’école privée. Cette dernière se défausse sur la jeune professeure, qui prend peu à peu le pouvoir, face à l’absence de cadre et d’une figure autoritaire.


Une société en pleine dégénérescence


La réalisatrice Jessica Hausner pointe les défaillances d’un système scolaire, ainsi que de la société dans son ensemble, avec l’incapacité des parents, de l’éducation ainsi que du gouvernement de prendre soin du peuple et plus spécifiquement, dans ce cas de figure, de ses enfants.


Une société malade qui contamine les différentes strates de ses institutions, au point de se propager dans les esprits de sa la population à travers les médias et réseaux sociaux . Une société qui se déclare bienveillante et progressiste, alors qu’elle tente d’uniformiser sa population. On le constate avec ses élèves arborant le même uniforme et qui se doivent d’adhérer aux préceptes de Miss Novak, pour ne pas être mis au ban de ce groupe, mais aussi de la société.


Famille, je vous aime


A l’exception de Ben, comme dit précédemment, ces adolescents sont issus de la bourgeoisie. On découvre l'intimité de leur foyer familial où les rapports avec leurs parents sont conflictuels, ce qui est inhérents à cette période de leurs vies. La communication se limite à des remarques blessantes de la part d’une mère sur le physique de sa fille, alors que le père se veut pédagogue à la manière Montsouris.


Les adolescents se retrouvent face à des parents dans l’incapacité de les éduquer où de leur inculquer des valeurs. Ils trouvent du réconfort auprès de Miss Novak. Elle les ouvre à de nouvelles perspectives éloignées des préceptes archaïques de leurs parents déficients. Elle emmène Fred à l’opéra, se montre proche de Lisa où culpabilise Ben de ne pas faire comme les autres. Elle les manipule pour combler le vide de sa vie qui se reflète dans le portrait qui orne son logement.


Jessica Hausner


La réalisatrice pose un regard distant sur cette école privée, sa directrice et cette professeure. La caméra se fixe sur eux, sur leurs échanges où suintent une lutte de pouvoirs. Les mots ne servent qu’à blesser ou asservir. Il n’y a pas d’échanges, de communication entre les différents protagonistes, ce ne sont que des faux semblants.


La mère veuve et célibataire de Ben, tente de les alerter, de leur ouvrir les yeux. Mais son statut social ne lui donne aucune valeur auprès de ses nantis sûrs de leurs convictions. Ils ne pensent qu’à leur réussite financière et aux apparences.


Elsa se fait vomir dans les toilettes. Sa mère la regarde sortir de ce lieu, sans lui dire un seul mot, la laissant seule avec son mal être. Comme solution, elle va en condamner la porte. L’adolescente va trouver d’autres moyens pour parvenir à expulser cette nourriture, dont elle est persuadée qu’elle contamine son corps et son esprit, jusqu’à provoquer le dégoût chez ses parents et les spectateurs.trices.


Comme les parents, Jessica Hausner se montre passive, sans prendre la peine de développer son sujet. Elle nous laisse faire notre propre cheminement, qui est propre à chacun d'entre nous. Le dernier plan montre le désarroi des parents et de la directrice face à la situation où les paroles de la mère de Elsa, résonnent comme un aveu d’impuissance.


Enfin bref…


Club Zero est une satire glaciale sur les maux de notre époque et de ses nombreuses dérives. Une œuvre perturbante qui pose un regard froid et réflexif sur la dégénérescence de notre société, ainsi qu’un portrait sombre d’une jeunesse en perdition.

easy2fly
7
Écrit par

Créée

le 29 sept. 2023

Critique lue 12 fois

Laurent Doe

Écrit par

Critique lue 12 fois

D'autres avis sur Club Zero

Club Zero
Cinephile-doux
7

Régime strict

Ce qui est bien avec Jessica Hausner, c'est qu'elle n'a pas peur de choquer ni de susciter le dégoût, et tant pis si, à l'instar d'un Ruben Östlund, elle passe pour une poseuse et une cynique. Il est...

le 26 mai 2023

11 j'aime

Club Zero
Sergent_Pepper
4

Que la diète commence

Jessica Hausner est en passe de devenir une abonnée des sélections cannoises : son précédent et assez inoffensif Little Joe était en compétition en 2019, avant qu’elle ne soit membre du jury en 2021,...

le 29 sept. 2023

10 j'aime

1

Club Zero
Cineratu
1

Club 0/10

Club Zero est l'histoire d'une petite classe d'une école privée qui suit le cours de Madame Novak, une enseignante nutritionniste qui prêche un mode de vie et d'alimentation différent pour tout un...

le 1 oct. 2023

3 j'aime

Du même critique

It Follows
easy2fly
4

Dans l'ombre de John

Ce film me laissait de marbre, puis les récompenses se sont mises à lui tomber dessus, les critiques étaient élogieuses et le genre épouvante, a fini par me convaincre de le placer au sommet des...

le 4 févr. 2015

63 j'aime

7

Baby Driver
easy2fly
5

La playlist estivale d'Edgar Wright à consommer avec modération

Depuis la décevante conclusion de la trilogie Cornetto avec Dernier Pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright a fait connaissance avec la machine à broyer hollywoodienne, en quittant...

le 20 juil. 2017

56 j'aime

10

Babysitting
easy2fly
8

Triple F : Fun, Frais & Fou.

Enfin! Oui, enfin une comédie française drôle et mieux, il n'y a ni Kev Adams, ni Franck Dubosc, ni Max Boublil, ni Dany Boon et autres pseudos comiques qui tuent le cinéma français, car oui il y a...

le 16 avr. 2014

52 j'aime

8