Clip ne fait pas dans la douceur. Aussi radical dans ses partis pris formels que dans sa narration, le premier film de la Serbe Maja Milos, ne peut pas laisser indifférent.

Reprenant à grands traits la trame du teen-movie traditionnel [une fille est amoureuse d'un mec et fait tout pour le séduire], Clip en court-circuite les étapes pour en pervertir les codes. Obsédés par l'image qu'ils se renvoient d'eux mêmes, les ados du film se filment sans arrêt avec leurs téléphones portables. Ainsi ce qui est filmé existe, tandis que ce qui ne l'est pas s'apparente au secret, à l'intime, à la vraie vie peut-être. On devine alors leurs représentations sexuelles gavées d'images pornographiques, ne laissant aucune place à l'imagination ou à la découverte.

Pour séduire Djole, Jasna se plie donc aux codes pornographiques. Acceptant le strict rôle d'objet sexuel, elle pense le conquérir, le garder pour elle, être aimée en retour. Lui se complaît en mâle dominant. Le film avance alors, étape par étape, mesure les rapprochements entre ces deux-là, un sentiment amoureux semblant naître alors, au moment où les bouches sont au même niveau.

Les images sont crues, les relations animales, la sexualité brutale. Et dans ce qui pourrait être perçu comme une surenchère [un sexe en érection ne dit rien de particulier], le film finit par tourner à vide. On ne sait pas où on va. Fallait-il, en plus de cela, rajouter ce contexte familial alourdi, le père malade, les grands-parents présents ? À y regarder de près, la vie de Jasna est aussi banale que n'importe quelle existence de n'importe quelle adolescente de n'importe où. Entre le vide quotidien et les aspirations sentimentales, elle se démène comme elle peut, avec les armes qu'elle pense être les meilleures - qui ne sont pas les armes de toutes les adolescences. La différence est là.

Clip ne nous apporte rien qu'on ne sache déjà. Si l'on ne doute pas de la sincérité de l'entreprise [le film ne racole pas], on peut s'interroger sur ses motivations et sa finalité. Il s'en dégage au final un sentiment de malaise qui n'est pas du mal-être, mais l'impression bizarre d'avoir poussé des portes qui n'avaient pas besoin de l'être.
pierreAfeu
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le 22 avr. 2013

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pierreAfeu

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