Certains navets annoncés vous mettent d'abord mal à l’aise. On craint le truc finalement moyen qui ne donnera pas prise au commentaire ricaneur ou au mépris affligé. Avec 50 nuances, on est rassuré dès les premières secondes.
Assez vite d’ailleurs, j'étais même content, le navet entrait dans la catégorie de ceux qui provoquent le rire plutôt que la désolation.
Comprenez-moi: j’aurais été déçu d’étaler ici mes 50 nuances d’aigris.
Et si ces fameuses nuances existent, elles sont plutôt de rire. Détaillons.
(et même précisons : nous ne sommes pas loin du 100% spoiler)


1- Anastasia est une gentille gourde, qu’il convient de caractériser rapidement. Quoi de mieux que de la faire chuter grassement sur le pas de la porte du jeune millionnaire ?


2- Comment Ana (appelons-là ainsi, c’est plus court) rencontre-t-elle son futur dominant ? En remplaçant sa copine malade, dans la cadre d’une interview pour une gazette de la fac (si si). Entre nous, compte-tenu que le monde entier semble trouver craquant ledit jeune homme richissime et célibataire, je suis la copine, il me faudrait un cancer du cerveau en phase terminale pour me décommander. Au lieu de quoi, elle est juste avachie sur son canapé, vaguement patraque devant un soap-opera. D’ailleurs, le soir même, elle semblera en pleine forme. Ça commence sur les chapeaux de roue. Youpi.


3- Devant le building rutilant et majestueux de la "Grey House", il y a toujours une place libre pour se garer, pile devant la porte d’entrée (cliché cinématographique n°45157)


4- A l’accueil de la Grey House, personne ne vérifie votre identité: faites-vous vaguement passer pour une étudiante en journalisme, envoyez votre copain terroriste à votre place, et monsieur ne découvrira le pot aux rose qu’une fois installé dans son bureau. LOL.


5- Intermède récréatif n°1 (image) : cette histoire de jeune vierge et d’enfant gâté m’a rapidement frappé par sa dimension classique


6- A la troisième question de l’interview conduite par Ana, l’audience peut pousser un grand ouf de soulagement. Christian Grey n’est pas gay. On imagine mal la suite de l’histoire si...


7- Grey est un self-made man au passé torturé (mère droguée, enfant battu PUIS adopté dans une famille riche) qui connait sa littérature romantique anglaise sur le bout des doigts. Tu la sens ma grosse complexité ?


8- Grey a des assistants pour tout (même pour conduire) mais il fait ses courses dans un petit magasin de bricolage de province seul. Et même si c’est un prétexte pour la draguer (méchant coup de foudre, quand même), Ana y croit. Moralité, chez le roi du bricolage, la perversité n’a pas d’âge.


9- Ana ne trouve rien de mieux que de vomir sur les pieds de Christian pour le séduire, à la sortie du bar. Vu que nous avons eu droit a exactement la même scène dans American Sniper, je me suis demandé s’il s’agissait d’une nouvelle mode.


10- Intermède récréatif n°2: Monsieur et madame Biensucémoi ont la joie de vous faire part de la naissance de leur fils Humphrey.


11- J’oubliais : Ana est une gourde qu’il faut rapidement caractériser (indice n°2) : elle ne sait pas mettre son rouge à lèvre toute seule.


12- 50 nuances est un film qui explore en profondeur la notion d’excès (indice n°1): quand Ana se bourre la gueule ça va loin. Elle appelle Christian au téléphone pour lui dire "tes cadeaux, fuck" !. Elle apostrophe sa voisine de queue pour les toilettes. Elle repousse son copain photographe, amoureux transi, avec fermeté. La fofolle ! D’ailleurs Grey le dira sans ambiguïté : "là, tu t’es mis en danger". Putain, ça va loin.


13- Grey a fait fortune parce qu’il "comprend rapidement les gens". Quand Ana lui explique posément pour la deuxième fois l’évidence dans un restau, à savoir que c’est une cruche romantique, le type est soudainement bouleversé, au point d’annuler le café tout juste commandé. Bon, faut dire, quand t’es plein aux as, t’es pas à un jus près.


14- 50 nuances est un film subtil. On s’en rend compte dès qu’Ana introduit songeusement le crayon sur lequel est inscrit Grey entre ses lèvres pulpeuses. Une autre idée de la perversion extrême, sans doute.


15- Intermède récréatif n°3 (son et image): Rapidement, Grey interroge Ana sur ses expériences sexuelles passées. Et c’est là, aïe, que virgin


16- Comment vient le (presque) premier bisou ? Ana tente de traverser sans regarder (cliché cinématographique n° 64875). Axiome : traverser sans regarder, c’est pratique pour le baiser.


17- Mais quand, juste après, boudant, elle remet ça, pas de vélo ou de voiture qui déboule pour permettre à Grey de la sauver une deuxième fois. Axiome n°2 : traverser sans regarder, quand on boude, c’est sans danger.


18- Merde, on a pas pris de photo pour l’interview de la gazette de la fac ! Pas de problème, en quatre secondes, on met en place une séance photo à la bonne franquette, avec toile de fond et éclairage professionnel. C’est beau. Ya pas, la séance photo au débotté, c’est vraiment chanmé.


19- Coup de foudre entre Grey et Ana ? ça tombe bien, il doit faire un discours dans la fac ou elle reçoit son diplôme, pourtant distante d’un paquet de kilomètres. Le hasard fait bien les choses (cliché cinématographique n° 879147)


20- Intermède récréatif n°4: monsieur et madame Tumencule ont la joie de vous faire part de la naissance de leur fille Salomé.


21- Il tombe raide dingue amoureux, le Christian. Alors que personne l’a jamais vu en charmante compagnie : hop, photo au bras d’Ana pour la presse locale. Nickel.


22- Il tombe raide dingue amoureux, le Christian (bis) : alors qu’il ne s’était jamais affiché en charmante compagnie : hop encore, je te présente à ma mère de passage, dès le premier matin. Le coup de foudre, on vous dit !


23- Quand t’as les poches pleines de caillasses, t’as une idée assez classieuse du grand jeu: si tu vas chercher ta copine un peu loin, tu la pêcho en hélicoptère. Pour le retour, par contre, et malgré tes promesses, ce sera la bagnole.


24- 50 nuances est un film qui explore en profondeur la notion d’excès (indice n°2): sans doute rendu fou par la nuit qu’il vient de passer aux côté de sa nunuche qui cuvait, Grey devient incontrôlable: il se jette sur le lit de la donzelle dès le petit-dej et lui dévore… la biscotte. Putain, quand on vous dit que c’est chaud.


25- Intermède récréatif n°5 (son et image) (vous avez vu, ça revient tous les 5 points. Vachement bien organisé, mon truc, non ?) : Grey fait finalement très rapidement l’amour à Ana, malgré ses années d’attente. Ce suicide de virginité ne manque pas d’air.


26- Ana, qui révèle sa virginité à Christian rapidement, explique sa position calmement. Romantique, elle attendait. Quoi ? Ben un adepte du sadomasochisme qui "ne fait pas l’amour mais baise dur" et propose un contrat de soumission que ne renierait pas DSK dans un bordel Lillois. Logique. Crédible. Je m’incline.


27- Tu fumes après l’amour ? demande une blague connue. Grey ne sait pas. Lui, il pianote sombrement. A chaque fois. Et après il dit qu’il n’est pas romantique. MDR.


28- Oui, la défloration vient vite. On peut le dire. Grey, Ana tôt mit.


29- Question : dix bagnoles de luxe sont-elles plus efficaces qu’une seule pour parvenir à atteindre le nirvana, la fleur secrète d’une jeune fille évaporée ?


30- Intermède récréatif n°6: Monsieur et madame Huler ont la joie de vous faire part de la naissance de leur jumeaux, Yvon et Jacques.


31- Franchement. Le frère sorti de nulle part, beau et célibataire aussi, et qui tombe comme un aigle en piqué sur la copine d’Ana, c’est pas un truc de malade, ça aussi ? Les scénaristes (et l’auteur du roman ?) sont des gens fascinants.


32- Détail piquant pour les Geek : Ana est cruche mais technophile. Quand Grey lui présente sa salle de jeu, elle demande s’il y a une Xbox dedans. PTDR.


33- Passons au contrat, c’est croustillant. Ana demande ce qu’est un plug anal. A mon avis, elle sait ce que veulent dire les deux mots. C’est surement l’association des deux qui se refuse à son imagination.


34- Ana demande ce qu’est une suspension. Contrairement à ce qu’on croit comprendre avant cette question, la constatation est limpide : en fait, elle n’a pas internet. C’est pas possible autrement.


35- Intermède récréatif n°7 (son et image): le nom complet d’Ana est Anastasia Steele. Elle est vierge, et ça parle d’amour vache. E L James est-elle fan de metal U.S 80’s ?


36- Ana doit avoir un problème avec ses poings. Autrement, je ne vois pas pourquoi elle refuserait, comme ça, sans savoir, le fist-fucking anal et vaginal. Pimbêche, va.


37- Dans les clauses qu’Ana accepte implicitement, apparait la fellation. Or, on ne voit pas le début de commencement d’ébauche de la moindre turlutte à l’écran. Remboursez.


38- Dès les premières scènes de sexe, on est fixé. Si ce n’est pas loin du cadrage d’une fiction de M6, le montage, lui, est innovant. A chaque fois que l’apparition d’un poil pubien semble inéluctable, le plan coupe. Plus fort que pudique, ce côté prude. Le film invente donc le montage prudique.


39- Grey a un iPhone 5. Pas 5S ou 6 (admettons que le tournage date). Ça, c’est pour ceux qui auraient eu le moindre doute sur la crédibilité générale de l’œuvre.


40- Intermède récréatif n°8 (je vous sentais impatient): Monsieur et madame Méyavalpa (famille hispanique) ont la joie de vous faire part de la naissance de leur fils Jesus.


41- La salle de jeu de Christian, parlons-en. Avec ce look suranné de back-room de bordel Tourquenois (bougeons de Lille mais restons nordistes, pour le bon goût), tu crois qu’on peut lui faire confiance, toi, au bellâtre ?


42- A un moment, Grey a un problème d’ordre professionnel et doit rentrer en urgence. Ce qu’il fait seul, en avion privé. Du coup, elle prend de son côté, son propre avion (de ligne lui, et déjà réservé) pour rentrer à son tour et se faire attendre par le chauffeur de Christian à l’aéroport. Pouvaient pas prendre le même avion, ces deux courges ? Ou était-ce au dessus des forces des scénaristes ?


43- Grey est un garçon ouvert et intelligent. A chaque fois qu’Ana lui demande "mais enfin, mais pourquoi t’es si méchaaant (mais je t’aime quand même) ?", il répond invariablement "parce que je suis comme ça". C’est beau, fort, sombre, tendu. Profond aussi.


44- Oui, mais Grey est aussi un garçon généreux : si Ana se soumet et accepte de faire sa ouipute ouisoumise, il n’hésite pas: elle aura droit à un restau et un ciné par semaine. Je vois pas qui pourrait refuser le deal.


45- Intermède récréatif n°9 (son et image): l’érotisme moite et transgressif de 50 nuances, je crois, prend un peu ses spectateurs pour des charlots.


46- Grey emmène Ana faire un tour en planeur. Tu crois que c’est allégorique ?


47- 50 nuances est un film qui explore en profondeur la notion d’excès (indice n°3) : quand Ana dit à Grey "Oh vas-y, va à fond, jusqu’au bout de ce que tu es capable de faire, je veux savoir !", Christian lui assène… 6 coups de cravaches. De toutes ses forces. Cette violence ! D’ailleurs, rendue folle par ces excès absolus, Ana plaque tout et veut récupérer sa vieille voiture, pour marquer la rupture définitive. LOLILOL


48- La scène finale, cet espèce de cliffhanger moisi, aurait été refusé, je pense, dans un épisode d’Alice Never, vu sa pauvreté scénaristique. J’ai regardé la fin alternative. C’est pire.


49- Dans le titre, il y a le mot nuances. MDRLOLPTDR.


50- Intermède récréatif n°10: Monsieur et madame Tétoutemouyé ont la joie de vous faire part de la naissance de leur fils Sacha.


Dommage que le film ne se soit pas appelé 100 nuances de gris. J'avais de quoi.

guyness

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