Me perdant un peu au hasard sur Arte.tv , je tombai sur ce film - alors disponible pour quelques heures encore sur la plateforme - qu'une certaine curiosité me poussa à regarder, sans trop savoir à quoi m'attendre, ne connaissant que du film son duo d'acteurs principaux (à savoir Jack Nicholson et Arthur Garfunkel).

Réalisé par Mike Nichols, le long métrage raconte l'histoire de Jonathan Fuerst (Nicholson) et Sandy (Garfunkel) dont on va suivre la vie et particulièrement amoureuse/sexuelle à travers trois périodes de leur vie respective, des premiers émois adolescents jusqu'à la désillusion et les regrets se dressant comme bilan de deux hommes plus usés par la vie.

Le film débute donc par une conversation entre les deux jeunes gens sur les femmes, accompagnant le générique de début - sur un écran noir. Dès ce début les deux hommes nous sont ainsi très clairement caractérisés, pour Sandy c'est davantage la beauté intérieure qui prime ; tandis que Jonathan lui est beaucoup plus préoccupé par les attributs physiques, encore que cette différence s'estompera quelque peu au fil du temps.

La première scène montre donc nos deux compères lors d'une soirée étudiante. Dans l'angle d'une porte, ils discutent à propos d'une fille se trouvant seule dans un coin, de toute évidence pas très emballée par la fête à laquelle elle est en train d'assister. Les deux garçons ont envie d'aborder la fille. Après lui avoir donné quelques astuces, Jonathan invite Sandy à tenter sa chance. Il est timide Sandy, maladroit, il s'approche de la fille, mais peine à engager la conversation. La fille s'appelle Susan (Candice Bergen), elle remarque la gêne de Sandy et décide donc de l'aider en parlant la première. Le courant passe bien et les deux adolescents finissent par sortir ensemble. Poussé par Jonathan, Sandy souhaite toujours aller un peu plus loin dans la découverte de la relation physique, les deux amis étant tous deux dans la quête juvénile de leur première fois. Si Susan se montre d'abord réticente, ne recherchant pas forcément ce type de relation avec le jeune homme, elle le prend finalement par la main (au sens propre comme au figuré d'ailleurs) semblant plus expérimentée qu'à première vue dans le domaine.

Cependant, Jonathan se rapproche à son tour de la jeune fille, qui va se montrer sous un autre visage. Ainsi si dans sa relation avec Sandy, elle montrait un intérêt pour un amour romantique, sentimental ne cédant au plaisir charnel (justement), que pour satisfaire la curiosité du jeune homme ; sa relation avec Jonathan va se montrer beaucoup plus physique, ne semblant s'intéresser que physiquement au garçon tandis qu'un réel amour naîtra petit à petit chez lui.

Particulièrement lors d'une scène ou les deux hommes dansent successivement avec leur même petite amie : avec Jonathan, Susan se montre à l'aise, fait des grands pas de danse, tourne, etc. ; tandis qu'avec Sandy elle semble se montrer plus hésitante en regardant ses pieds restant dans un style de danse plus discret, pudique.

Jonathan finit donc par effectuer sa première fois avec elle, quelques jours à peine avant que Sandy fasse la sienne - tout en ignorant toute sa vie pour ce second qu'ils l'ont en réalité fait avec la même personne.

Jonathan préfère rompre finalement avec la jeune fille, laissant Sandy et Susan vivre leur amour.

Je m'attarderai moins en détail sur la suite du film, où l'on retrouve nos deux compères à environ la trentaine. Sandy et Susan se sont mariés, Jonathan a enchaîné des courtes aventures sans jamais se caser, souvent déçu physiquement par ses partenaires excuse surtout pour cacher sa peur de cette idée. Pourtant, il finira par rencontrer une femme du nom de Bobbie magistralement incarnée par Ann-Margret. Le courant passe premièrement très bien entre les deux, mais les choses déclinent rapidement et significativement on sent bien notamment que Bobbie s'ennuie à mourir, seule et déprimée dans l'appartement lorsque son homme travaille. Une grande scène de ménage va s'ensuivre Ann-Margret est touchante dans cette femme aimante, mais que cet amour est en train de tuer à petit feu - elle sera nommée dans de nombreuses cérémonies comme meilleure actrice dans un second rôle et recevra un golden globe -, tandis que Nicholson lui s'énerve et crie à en perdre la voix, fou de rage qu'il est, mais jouant avec suffisament de justesse pour ne pas tomber dans le ridicule. Jonathan devenant ainsi au fil et à mesure de plus en plus un connard imbuvable…

On notera également un choix de mise en scène qui, s'il n'est sans doute pas inédit, frappe l'œil et n'est (il me semble) pas très courant. Plusieurs fois au cours du film, le personnage de Nicholson parle longuement sans interruption à une personne située en face de lui. Durant ces longues tirades la caméra n'effectue aucun mouvement, ni changement de plan, fixant Nicholson en train de parler sans s'attarder sur la réaction de son interlocuteur. J'y ai vu là une façon de montrer qu'au fond à ces moments-là le personnage parle surtout à lui-même, pour lui-même ; sans vraiment s'intéresser à la personne en face de lui, comme une façon d'accentuer son côté égoïste

Enfin, si je devais émettre une légère réserve, j'ai trouvé tout de même un peu dommage que le personnage Susan, dont j'avais trouvé très intéressant la position assez complexe dans le triangle amoureux initial, soit complètement absente des temporalités suivantes du film. Elle était centrale dans la première partie du film, elle n'est finalement que rapidement évoquée dans tout ce qui suit.

-> Ainsi, Ce plaisir qu’on dit Charnel est un film qui ose parler avec justesse et sans détour de la sexualité de deux hommes et de la misère que l'insatisfaction de celle-ci peut entraîner, miroir d'une société dont il n'est cependant pas critique, mais seulement observateur, laissant ainsi le choix au spectateur d'en tirer la conclusion/morale qu'il souhaite et de juger comme bon lui semble les protagonistes.

RangDar
8
Écrit par

Créée

le 3 sept. 2022

Critique lue 244 fois

17 j'aime

15 commentaires

RangDar

Écrit par

Critique lue 244 fois

17
15

D'autres avis sur Ce plaisir qu'on dit charnel

Ce plaisir qu'on dit charnel
Boubakar
9

Magnifique !

En parcourant un peu des forums et Imdb, je suis surpris de voir ce film aussi mal noté. Ça fait partie des quelques films avec lequel je suis un peu en décalage avec la moyenne, car j'ai trouvé Ce...

le 18 sept. 2011

14 j'aime

1

Ce plaisir qu'on dit charnel
MrJackTorrance
8

Un questionnement sur le patriarcat

Je n’ai pas besoin de regarder les critiques pour deviner les reproches portés à ce film. Pourtant, j’ai beaucoup aimé.Au début j’ai pensé que c’était un drame romantique cliché mais agréable à...

le 3 août 2022

6 j'aime

2

Ce plaisir qu'on dit charnel
Oxalide
8

Confidences intimes ou ce que veulent les hommes

Dans son quatrième long-métrage Mike Nichols poursuit son introspection des relations homme-femme commencée dans "Le Lauréat" en imaginant sur un ton satirique les confidences entre deux copains de...

le 16 août 2022

5 j'aime

Du même critique

Le Kid de Cincinnati
RangDar
6

Steve McQueen de cœur

L'histoire est assez classique, elle peut faire penser à Rocky, ou bien surtout à l'arnaqueur sorti quatre ans plus tôt ; mais avec du poker à la place de la boxe ou du billard. Steve McQueen y...

le 27 juin 2023

19 j'aime

10

Le Train
RangDar
7

La valeur de la vie ou le prix de l'œuvre ?

Réalisé par John Frankenheimer, Le Train voit son acteur principal Burt Lancaster, incarner le rôle de Paul Labiche, leader d'un bastion de résistants, amoindri dans la France encore occupée d'août...

le 24 janv. 2023

19 j'aime

3

Le Colonel Chabert
RangDar
8

Ressurgi du passé

Excusez ce potentiel manque de culture littéraire, mais je n'avais jamais eu l'occasion de lire de Balzac avant ma lecture récente du Colonel Chabert ; bien sûr je connaissais l'individu, j'avais...

le 7 févr. 2023

19 j'aime

16