Les râleurs de service et les prétentieux diront les premiers que Captain Marvel n'est qu'une tentative de Marvel Studios de reproduire le succès de Wonder Woman en profitant du courant actuel, ces gens-là ne sont pas au courant que Captain Marvel a été officiellement annoncée il y a cinq ans de ça alors que la Phase 2 touchait à sa fin (et même prévu depuis bien plus longtemps si on prend en compte la préparation du Marvel Cinematic Universe sur plusieurs années par Kevin Feige). La plus puissante héroïne de l'Univers Marvel n'attendait que son heure afin de se présenter au moment le plus important pour devenir la clé de voûte du combat final contre Thanos qui se profile à l'horizon, casée entre la défaite et l'affrontement final.


Continuant sur sa lancée d'engager des réalisateurs indépendants faisant ressortir des qualités et des mouvances au-delà du cahier des charges, c'est le jeune duo d'auteurs Anna Boden et Ryan Fleck (qui, pour l'anecdote, étaient envisagés pour réaliser Les Gardiens de la Galaxie avant James Gunn) qui ont la responsabilité de préparer le terrain de l'héroïne. Aidé de Nicole Perlman (Thor, Les Gardiens de la Galaxie, First Man) et notamment de Meg LeFauve scénariste de Vice-Versa chez Pixar et ex-réalisatrice du regretté Gigantic.
Une telle réunion pour une prémisse très prometteuse laissait prévoir quelque chose capable d'élever cette production Marvel vers quelque chose de plus intériorisé en exploitant ses meilleurs qualités qui ne lui ont jamais fait défaut: l'évolution des personnages et le contact qu'ils ont avec le spectateur.


Et sur ce point, Captain Marvel a énormément de mal à s'amorcer.
Boden et Fleck ne se préoccupent pas de la civilisation Kree dans laquelle notre héroïne démarre, négligeant les transitions et passant à la moulinette des dialogues d'exposition très mal incrustés, et exposant au passage très mal. Comment notre héroïne vit-elle dans cette civilisation ? Comment vit-elle son amnésie ? Quel est l'ampleur du lien qui l'unit avec ses compagnons ? Quel est ce conflit entre les Kree et les Skrull ? Qui sont les Skrull ?
Le commencement sur Hala est passé en moins de dix minutes et bâcle ce qui doit former plus tard le pivot de ce qui va la transformer. On ne peut ressentir en quoi ses flash-back sont un chamboulement dans son existence puisque nous n'avons rien pour nous identifier à elle dans sa situation initiale.


Arrivé sur Terre, le film ne peut pas compter sur la trop maigre caractérisation de son personnage principal ni sur les enjeux trop flous de sa mission, il ne peut compter que sur ses personnages déjà populaires présents à cette époque (la ligne directrice choisie empêchant les Skrull de représenter une menace pesante et conspirationniste) et du talent indéniable de ses interprètes (Brie Larson excellente, délivrant toute la fougue et la perdition de son personnage). Il faut attendre qu'elle commence sa quête personnelle pour enfin se rapprocher d'elle. Captain Marvel ne fait qu'effleurer un dixième de son potentiel...cependant, ce potentiel est bien là.


Même si le film pâtit de son absence d'introduction, il parvient enfin à délivrer quelque chose dès que son héroïne cours après son passé. Une fois entamée les doutes, Boden et Fleck peuvent enfin exploiter ce qui caractérise un cinéma plus intime et dramatique. On ressent enfin que les dialogues ne tournent pas en rond et qu'ils expriment des sentiments profonds


(les retrouvailles avec Rambeau, la rencontre avec les Skrull réfugiés)


et peuvent même exploiter le concept de base pour expérimenter. Raison pour laquelle les scènes les plus intéressantes sont les flash-back, confus, mélangés ou dévoilant un autre sens au fil des révélations; ainsi que les conversations avec l'Intelligence Suprême où la possibilité de pouvoir parler avec une figure inconsciemment admirée laisse parler l'intime du personnage.
Tandis que pour le présent, la mise-en-scène est plus simple mais adopte pleinement le point de vu subjectif de ses protagonistes, la direction des acteurs est à souligner (probablement l'une des meilleures du MCU). Boden et Fleck font justement ressortir un élément crucial qui manque à plusieurs productions, cette étincelle personnelle qui se reflète dans un simple avertissement d'un père qui fait signe à son fils de ne pas le regarder tuer, un simple câlin de retrouvailles ou une simple discussion entre deux amies qui se retrouvent pour parler d'elles-mêmes. L'approche est plus minimaliste, mais c'est justement quand ils essayent de ne pas en faire trop que les réalisateurs parviennent à façonner quelque chose.


Cela résume assez bien en quoi le duo parvient à donner un intérêt qui va de pair avec les productions Marvel tout en le faisant d'une façon plus organique, même si cela doit se payer d'une trop longue attente. Les enjeux sont émotionnels en premier lieu, ce sont ceux-là qui font avancer le cours des événements et ce sont les introspections qui permettent à notre héroïne de s'assumer en tant que Carol Danvers. Capable d'accomplir des merveilles et de protéger la Terre où vivent les proches qui forment son point de chute pour réussir à enfin exploiter tout son potentiel, mais seulement après s'être relevée de ses chutes passées, renoué avec sa vraie famille et fait face aux entités qui la bridait (son passé, le fantôme de son modèle, son mentor). De cette façon, elle prouve enfin...qu'elle n'a rien à prouver.


Son aventure se terminant sur le plus important, pas sur de la pyrotechnie finale mais sur un simple face-à-face.


Captain Marvel aurait pu mieux tirer parti de ses nombreux atouts mais a trop tardé pour y parvenir. Ses deux responsables encore peu expérimentés dans une production de ce calibre (pourtant bien moins ambitieuse que ses prédécesseurs) ont par-contre réussit à mettre en évidence ce qui fait justement la force des films du Marvel Cinematic Universe: Pas les scènes d'actions, pas l'humour, pas le ton. Ce qui rend si attachant cet univers ce sont ses personnages, leur évolution, leur façon de communiquer avec le public, qu'ils soient anciens que l'on a le plaisir de retrouver ou inédits que l'on a le plaisir de découvrir...avant de les retrouver par la suite.

Housecoat
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le 17 mars 2019

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Housecoat

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