J'ai toujours rêvé de bosser dans le cinéma. Depuis que je suis petit je veux apporter ma pierre à un édifice artistique. Alors quand une personne avec qui je papotais sur les réseaux voulait réaliser un film, je l'ai presque supplié de vouloir y participer. J'ai donc mis mes petits talents d'auteur à profit avec comme intention de créer le meilleur scénar' de film de l'univers. Malgré de nombreux changements dans le résultat final, je peux l'affirmer, j'ai aidé à l'écriture d'un film. Avec une caméra, pas un rond et quelques accessoires, l'audacieuse Justine s'est lancé dans le grand bain du septième art, une piscine dans laquelle il est plus difficile d'entrer qu'on ne le croit.


CannibalCafe est un film horrifique, comique et expérimental sorti cette année, que j'ai eu la chance de voir avant la sortie DVD. C'est l'histoire de William Sokoto, un jeune homme cherchant un partenaire anthropophage afin d'accomplir son fétiche le plus ardent. En trouvant un dénommé Armin sur Internet, il passe afin à l'acte, et commence ainsi une descente aux enfers mêlant sexe, folie et chasse à l'homme.

Le concept est fortement inspiré de l'affaire "Armin Meiwes", le cannibale allemand qui avait cherché un partenaire sexuel et vorophile sur le Dark Web, histoire qui a notamment inspiré Rammstein, Bloodbath et Ozzy Osbourne pour leur musique. Ce film est plus ou moins Metal donc. Mais CannibalCafe finit bien vite par se dissocier du fait divers pour devenir quelque chose de bien plus personnel.


Le sujet est horrifique, certes, mais on est bien loin d'une production d'horreur traditionnelle. Le film se veut expérimental et surréaliste, sur ce coup-ci, c'est gagné ! J'ai vraiment eu droit à un horrible bad trip devant mes yeux durant plus d'une heure ! Et quand je dis horrible c'est un compliment ! Enfin, c'est à double tranchant, car l'esthétique et l'ambiance craspouille sont un peu tués par la photographie et les plans qui ne sont pas toujours très beaux à voir...

Le début du film est cool, compréhensible. Il y a quelques choix artistiques bizarres mais au moins il y a une histoire et une ambiance sympa. Les thèmes de la nourriture, de la chair et de l'érotisme sont récurrents dans le film, et sont placés très rapidement et reviennent tout au long du métrage. Il y a d'autres thèmes récurrents mais j'en reparlerai plus tard.


Ma scène préférée ? La blague sur Jurassic Park au début. C'est stupide et inattendu, et ça en fait un putain de bon gag ! Dommage que ce soit le seul vrai gag du film. Un peu décevant pour une production qui se présente comme une comédie horrifique...


Et là je vais devoir parler de défauts. Vous savez, au début j'avais hésité à faire une critique du film, car on ne peut pas vraiment juger une production amateure fauchée comme on critique le dernier blockbuster vu sur grand écran. Mais en fin de compte rien ne m'empêche de pointer les défauts de ce film. Un défaut est un défaut, peu importe le long-métrage. Et je ne trouve pas ce film mauvais, au contraire je l'ai trouvé vraiment intéressant sur certains points. Mais j'ai mes doigts qui me démangent et je me sens inspiré.


Pour moi, le gros souci du film c'est que c'est un foutoir sans nom. Au début c'est cohérent mais passé les trente premières minutes, ça devient...autre chose. Pas "n'importe quoi", (mais presque) mais autre chose. Ce que j'ai appris grâce à la cinéphilie et à l'ouverture aux arts, c'est qu'on peut mélanger les genres et les codes. Le créateur est libre de montrer ce qu'il veut tant qu'il le fait avec sincérité. Des animaux, des balades en montagne, du thé qui pendouille à une branche, la mer, de la stop-motion; c'est un vrai bric à brac d'idée qui s'entrchoquent durant une bonne partie du film. Le hic c'est qu'elles s'emboîtent assez mal.

CannibalCafe a été vendu comme un film d'horreur expérimental et absurde, notamment avec le trailer, mais le résultat final est très loin de ce qu'on pourrait imaginer. C'est plus un film contemplatif bizarre et vaguement glauque qu'un film d'horreur au sens large. Ce n'est pas le fait qu'il y ait beaucoup d'idées, certaines sont même bonnes, c'est juste que le résultat est brouillon, incomplet. Vous voyez L'Homme à la Caméra de Vertov ? Et bien c'est un peu ça mais en plus morbide.


À force de lire mes critiques vous savez que j'attribue beaucoup d'importance à ce qui est beau. Et dans le cas présent, j'ai été assez étonné. La photographie est cheap, la caméra tremble, certains plans sonnent faux, mais pourtant, vu que tout le film est comme ça, ça crée une sorte d'harmonie. Le côté amateur fait presque "found footage" en fait, les images ont quelque chose de très intimes tout en étant laides et peu harmonieuses. Et là aussi on a droit à tout : le noir et blanc, les couleurs qui saturent, l'image en négatif, des séquences en accéléré, bref le festin ! Mais là aussi, comme pour toutes les idées et lieux qu'on voit, ça n'aboutit jamais à quelque chose de structuré, c'est juste là pour créer une ambiance et un côté glauque/expérimental.


En ce qui concerne la musique, j'ai pas grand chose à dire, elle est discrète et basique. Quelques notes de piano et de guitare, et des sons mis à l'envers. Rien de bien sorcier, mais ça a tendance à devenir redondant et pas très captivant.


Maintenant que j'ai critiqué comme un gros con, je peux vous parler de l'élément qui pour moi fait tout l'intérêt du film. C'est que CannibalCafe est une oeuvre personnelle. Le film d'horreur, l'expérimental, le cannibalisme, tout ça n'est qu'une façade. CannibalCafe est un film par Justine et sur Justine. Les décors qui n'ont rien de lieux de tournage, les scènes de la vie de tous les jours, les acteurs qui sont des gens du quotidien, c'est très intime et ça n'a rien de cinématographique. Au final je dirai que j'ai plus vu un documentaire qu'un énième film de cannibales. Ce que j'ai vu c'est une jeunne femme transgenre qui filme ce qu'elle a autour d'elle pour en faire une oeuvre inspirée par ses idoles et ses fantasmes tordues....


....Ou bien j'ai été hypnotisé par mes cours d'analyse filmique et c'est juste un film d'horreur sans budget au scénario quasi-inexistant et l'esthétique bordélique ! Le mystère est entier. Mais je pense qu'il y a un peu des deux.


CannibalCafe est un paradoxe à l'écran. On peut lui trouver de nombreux défauts mais en y réfléchissant ces défauts deviennent une certaine force bizarre. C'est laid ? Oui mais c'est assumé. Et même si le résultat final est TRÈS LOIN de ce que j'avais tapé au clavier et que ça me déçoit un peu, je ne peux pas dire que ce film est mauvais. Mais il n'est pas bon non plus ! C'est pourquoi il mérite le 5/10, le juste milieu. Une pièce d'un puzzle qui est à la frontière des films limpides et des pétages de plomb artistiques propres au cinéma et à l'art moderne.


Arthur-Dunwich
5
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le 21 nov. 2022

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Arthur Dunwich

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