Présenté comme un road-movie trash au sous-texte social post Thatcher, le premier long métrage de Michael Winterbottom vibre surtout de la relation amoureuse se nouant entre ses deux héroïnes. Illustration punk de "l'amour fou", Butterfly kiss met en images un mouvement de vie aussi libérateur que destructeur.


Heurtées par les passages furtifs et violents des véhicules sur l'autoroute, les premières images donnent le ton d'un film fracturé dont le montage sec se conjugue avec une écriture ciselée. Doublement destructrice (envers les autres comme envers elle-même), déclarant incarner le mal et devant être punie pour cela, Eunice rode telle un chien errant. Mi-sauvage, mi-domestiquée, séductrice ou agressive, elle ne semble à sa place nulle part.


Alors qu'elle recherche la mystérieuse Edith, avec laquelle elle entretint une correspondance passionnée, son chemin butte sur l'innocente Miriam qui va en tomber follement amoureuse et ne plus la lâcher. La dérive sans issue des deux femmes, le film les faisant tourner en rond dans un coin du nord de l'Angleterre, les mènera aux confins de cet amour fou dont la puissance dépasse tout.


Marginales revendiquant leur rejet d'une société qui n'a jamais voulu d'elles, Eunice la criminelle et Miriam l'amoureuse expérimentent un état de liberté absolue qui dépasse toute morale et tout sens commun. La trajectoire sans retour qu'elles suivent donne au film le rythme d'une course absurde dont les accents suicidaires se mêlent à un appétit de vivre semblant irrationnel. Portée par la passion qui l'anime, capable de tout accepter de celle qu'elle aime, capable surtout de lui faire entendre qu'elle l'aime, Miriam canalise les flux contradictoires qui habitent Eunice et lui permet de trouver en elle une sorte d'apaisement.


Abrupt et radical, Butterfly kiss réussit à susciter l'empathie pour des personnages d'emblée peu aimables. Le mystère qui habite chacune des héroïnes, bien au-delà des figures de la psychopathe ou de la simple d'esprit qui les résumeraient trop hâtivement, permet de plonger dans les abîmes de l'esprit, là où tout devient trouble, libre et rageur.

pierreAfeu
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le 7 sept. 2017

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