C'est que cela deviendrait presque une rengaine à Hollywood, voire un argument marketing à part entière si l'on se montrait aussi cynique que certains. Bohemian Rhapsody a donc rejoint, de longue date, la liste des films ayant connu une gestation difficile, le pseudo-renvoi de son réalisateur, l'affrontement de ce dernier avec sa star glorifiée ou encore un studio qui gueule et qui protège ses arrières...


Un signe des temps où l'artisanat devient manufacture culturelle ?


On se dit cependant pendant la séance, enfin, pendant les deux tiers, que Bohemian Rhapsody ne semble pas en avoir trop souffert, tant le rythme s'avère enlevé (un peu trop peut être) et l'énergie qu'il déploie d'une extraordinaire intensité, à l'image de sa star interprétée par un Rami Malek au poil mais un peu trop malingre à mon goût.


Les raccourcis sont peut être parfois un peu trop voyants, les conflits au sein du groupe minimisés ou très vite résolus, la créativité et l'inspiration survolées, mais le film a le don de nous entraîner à vitesse grand V dans son univers bigarré et de nous faire oublier ces quelques menus défauts.


Et la discographie express de Queen, avouons-le, fait le reste...


Mais il y a aussi ce personnage de petit pakistanais de Zanzibar, original, à la marge, voire anticonformiste, découvrant son âme soeur, dans une relation a priori indestructible, mais qui semble, avec la célébrité, se perdre peu à peu.


Freddy est à l'évidence ultra mégalo, provocateur, jouisseur, parfois insupportable. Mais il est aussi en face B, celle de la sphère privée, tendre, perdu, jaloux comme un adolescent, mais surtout, totalement terrifié par le sentiment de solitude. Constamment tiraillé par son génie créatif, ses peurs, son coeur et sa sexualité, Freddy Mercury devient peu à peu un personnage au sommet du tragique, à la dérive parfois, dévoré tant par son identité que par son entourage direct qui l'isole et le vampirise.


Au delà de la success story du groupe Queen et de son personnage, Bohemian Rhapsody, une fois dépassée sa structure ultra classique et déjà vue de biopic, s'articulera donc en creux autour de ce trio là, Freddy balançant entre son amour infini pour Mary et la révélation de son identité sexuelle avec Paul Prenter, présenté en certaines occasions comme une véritable figure du mal entraînant la star dans les bas fonds. A ce titre, certains hurleront certainement dans la représentation de l'homosexualité qui semble être associée au personnage à l'origine du détournement du chanteur. En effet, un montage, sur fond de Another One Bites the Dust se confond en clichés de boîtes cuir et latex d'arrière salle louche. Même si finalement, cet aspect est plutôt raccord avec les tabous de l'époque quant à ce qui était encore considéré comme une déviance...


Mais plus grave, Bohemian Rhapsody stagne dans un dernier tiers de projection qui, s'il se sauve avec la mise en scène du concert Live Aid d'une puissance remarquable, se perd cependant en longueurs parfois assez naïves et en inutilités familiales aberrantes. A tel point que le tempo semble dérailler alors que son entame allait droit au but sans se retourner.


Le film perd donc au final un peu de sa superbe, victime tant de certains défauts d'écriture que du mic mac entourant la situation nébuleuse de son réalisateur. Lui doit-on la réussite initiale du long-métrage ? Ou au contraire certains de ses aspects les plus maladroits ?


Car s'il est loin de mordre la poussière, Bohemian Rhapsody, pour aussi sympathique et enthousiaste soit-il, souffre d'un tempo aléatoire et de longueurs regrettables lui interdisant de figurer au sommet des charts 2018.


Behind_the_Mask, inscrit à l'école du micro d'argent.

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le 1 nov. 2018

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