
Depuis Lily la Tigresse en 1966, Woody Allen sort à peu près un film par an. Autant dire que ce boulimique de travail ne s’arrête jamais et qu’il écrit probablement une histoire tout en en mettant en scène un autre. Sa filmographie n’est pas parfaite, tant il est impossible d’exceller à ce rythme. Mais d’excellents films s’en détachent régulièrement dont récemment Minuit à Paris et sa petite touche de fantastique où encore les long-métrages ou encore les quelques titres tournés avec Scarlett Johansson qui motivait manifestement le réalisateur (votre serviteur aimant particulièrement Vicky Cristina Barcelona).
Allen aime les femmes. Il aime écrire sur les femmes. Alors après Johansson, Naomi Watts ou Evan Rachel Wood, il s’est trouvé une nouvelle muse en la personnage de Cate Blanchett. La comédienne porte l’intégralité du film sur ses épaules et livre dans Blue Jasmine la meilleure performance de sa carrière. On peut d’ores et déjà parier que l’Oscar se jouera entre sa prestation et l’incarnation de Diana, tant elle parvient à délivrer physiquement une incroyable palette d’émotions, capable de passer de la riche bourgeoise un peu coincée à la dépressive larmoyante et monologuant. Un vrai et incroyable talent.
Elle incarne Jasmine, une New-Yorkaise qui débarque chez sa soeur après, disons, une rupture houleuse. Dépressive, aimant l’alcool, accro au Xanax, elle est au boulot du rouleau. On va découvrir par l’intermédiaire de flashbacks qu’elle débordait d’argent, vivait entre un appartement sur Central Park et Martha’s Vineyard et ne manquait d’absolument rien.
La soeur, elle, vit dans un appartement minuscule dans un coin de San Francisco, gagne trois fois rien en emballant des courses dans un supermarché et fréquente un looser. Et c’est là dedans, avec ses valises Vuitton et son collier de perles, qu’elle va débarquer. Choc des cultures, choc des classes sociales. Et le film va passer d’une époque là, de la richesse à la décadence.
Tout repose donc vraiment sur Cate Blanchett et son personnage, sa décadence, sa dépression et sa tentative de remonter une pente déjà bien savonneuse et parsemée de mensonges. Jasmine a mal partout, intérieurement comme extérieurement et elle qui a toujours eu ce qu’elle voulait en claquant des doigts a bien du mal à s’en remettre. Même l’amour, l’autre coeur du film, ne pas pas l’aider autant qu’elle le voudrait.
Il en résulte un film étonnant, magnifié par une superbe bande son jazzy, un peu le cul entre deux chaises puisqu’alternant humour et scènes sombres. Le choc des classes sociales est en effet traité ici avec beaucoup de légereté que ça soit quand la soeur « pauvre » va visiter la « riche » ou quand l’inverse se produit et que Jasmine se retrouve confrontée à un univers qu’elle ne connait pas, où les bonnes manières et les us et coutumes ne sont pas les mêmes. Et pourtant les scènes dramatiques ne sont pas aussi tristes qu’elles auraient pu l’être, peut-être parce que le personnage de Jasmine frôle à plusieurs reprises la caricature et que certaines scènes sortent de nulle part.
Blue Jasmine est un Woody Allen qui aurait finalement pu être très très mineur s’il n’avait pas été porté par une actrice absolument éblouissante. A voir donc, surtout pour la performance.