Tout le monde, ou presque, était d'accord : donner une suite à Blade Runner (pas si bien reçu que cela, à sa sortie, d'ailleurs) était non seulement une hérésie mais aussi une erreur. Avec le nom de Denis Villeneuve au générique, on était tenté tout de même de dire : faut voir. Eh bien, on a vu, et le résultat n'est pas loin d'être prodigieux, dans les limites d'un genre, la SF, mais dans lesquelles le réalisateur québecois réussit à imposer sa patte d'auteur, et quelques uns de ses thèmes fétiches, sans dénaturer le sens et l'atmosphère du film de Ridley Scott. Il est vrai que Denis Villeneuve n'est pas né avec Prisoners, ses films en français montraient déjà un cinéaste singulier, et ce dès son tout premier, l'excellent Un 32 août sur la terre. Le sujet de ce dernier en est peu ou prou la recherche d'identité qui ne deviendra pas loin d'être une obsession avec Incendies puis Enemy, Premier contact et donc Blade Runner 2049. Polytechnique, peut-être son film le plus brillant, et le plus glacial, est certes à part, plus fort que celui de Gus van Sant sur un thème similaire, mais on peut, en cherchant bien, voir cette thématique majeure à nouveau abordée. Si tous les blockbusters avaient la gueule de ce Blade Runner, cela vaudrait certainement la peine d'aller les voir, tellement le film est à la fois d'une intensité (intérieure) envoutante et en même temps d'une réelle puissance (extérieure) impressionnante. Bien entendu, on pourra toujours dire que l'atmosphère du 9ème long-métrage de Villeneuve est son principal atout alors que le scénario est parfois plutôt filandreux et aurait pu être quelque peu resserré, ce qui n'est pas entièrement faux. Néanmoins, avec une poignée de scènes sidérantes de beauté ou de force, il est difficile de ne pas être admiratif surtout si l'on est adepte de films un tantinet contemplatifs, lents et très denses. Blade Runner 2049 est un bloc de poésie décadente, qui semble imprégné d'atmosphères tarkovskiennes alors que l'intrigue, elle, avec ce rapport à l'enfance et à la mémoire, peut faire penser à Citizen Kane, pas moins. Ryan Gosling est presque constamment à l'écran mais son côté imperturbable, limite passif, n'en fait pas le caractère le plus marquant du film et il se fait largement voler la vedette par ce bon vieux Harrison Ford, toujours partant pour faire le coup de poing. Et les figures féminines, douce (sublime Ana de Armas) ou dangereuse (Sylvia Hoeks) sont essentielles dans l'environnement du pâle héros. En fin de compte, la durée de 3 heures ne semble jamais pesante ni même excessive. De là à réclamer une nouvelle suite, c'est malgré tout non, sans discussion.

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le 6 oct. 2017

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Cinéphile doux

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