Les réplicants sont morts ! Vive les réplicants !

Denis Villeneuve n'a décidément peur de rien. Naviguant avec maestria d'un genre cinématographique à l'autre, le réalisateur Québécois s'attaque, avec une audace presque insolente, à un chef-d'œuvre de la science-fiction, Blade Runner. S'affranchissant de l'oeuvre originelle, le livre de Philip K. Dick, Blade Runner 2049 est une suite dont l'intrigue se déroule trente ans après celle du film de Ridley Scott.


En 2049, les blade runner existent toujours, font partie du LAPD et traquent les vieux modèles de réplicants. L'un d'eux, K, découvre lors de l'une de ses missions les restes d'une réplicante. L'analyse médico-légale du squelette révèle que la réplicante est morte après avoir subie une césarienne. L'existence de K va alors basculer, obligé d'enquêter et d'effacer toutes traces de cette découverte qui menace l'ordre établi.


Un rythme lent, une ambiance crépusculaire et un esthétisme hypnotique caractérisent la mise en scène du réalisateur canadien. C'est d'ailleurs la beauté plastique du film qui sera primée avec l'Oscar des meilleurs effets visuels et l'Oscar de la meilleure photographie. Ce parti pris de mise en scène est aussi un joli pied de nez aux caractéristiques des blockbusters actuels perfusés au rythme effréné et à la surenchère d'effets spéciaux. Blade Runner 2049, un film d'auteur avec un budget de cent cinquante millions de dollars ? Après tout, pourquoi pas.


Le piège dans lequel Villeneuve ne tombe pas, au risque de se voir reproché d'être trop consensuel, c'est de marcher en dehors des pas de son aîné qui, au passage, est producteur de Blade Runner 2049. Entretenant l'ambiguïté sur la nature de Rick Deckard, Villeneuve n'apporte pas de réponse à cette question. Certains diront que si Deckard est un replicant, alors il devrait être hos d'usage en 2049 (la génération de Nexus du film de Scott avait une durée de vie de quatre ans). D'autres diront qu'au vu du coup de vieux qu'a pris le bonhomme, Deckard ne peut être qu'un humain. Le mystère reste donc entier.


Ayant cette volonté de ne pas trop se démarquer du premier film, Ryan Gosling était le candidat idéal pour interpréter K. Digne héritier de l'interprétation d' Harrison Ford, le regard inexpressif et implacable ainsi que l'allure légèrement mécanique de Gosling avaient déjà été éprouvés dans Drive où sa prestation avait été saluée par la critique.


Il y a cependant cette désagréable impression d'assister à une sorte de profanation. Villeneuve et Scott cherchent à ressusciter le mythe, rappelant l'ambitieuse entreprise de ce dernier concernant un autre mythe, Alien. Car il y a bien quelque chose qui manque dans ce Blade Runner 2049. Chacun trouvera un défaut, faisant écho à ses souvenirs du film sorti en 1982. Pour ma part, c'est la criante absence d'empathie. Les personnages ont tous un air apathique, leurs émotions aseptisées. La déshumanisation des blade runner était habilement accentuée par l'empathie exprimée par les réplicants qui tenaient un rôle central dans le film. On retrouve cette empathie au tout début du film de Villeneuve, avec le réplicant Sapper Morton, interprété par un David Bautista dans un formidable contre-emploi. Scénaristiquement, cette absence d'émotions a certes un sens, mais en contrepartie, la découverte de K paraît atténuée, chimérique, perdant de son pouvoir explosif.


Denis Villeneuve continue de voir grand, ne cessant de se mettre en difficulté comme pour mieux éprouver son savoir-faire. Son prochain projet, Dune, dont la sortie, coronavirus oblige, a été repoussée d'un an, est en droite ligne de ce numéro d'équilibriste auquel se prête le réalisateur. Vivement son prochain défi !

Vincent-Ruozzi
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mon Top 110 des années 2010 et Un écran pour les regarder tous

Créée

le 12 oct. 2020

Critique lue 696 fois

57 j'aime

5 commentaires

Vincent Ruozzi

Écrit par

Critique lue 696 fois

57
5

D'autres avis sur Blade Runner 2049

Blade Runner 2049
Djack-le-Flemmard
5

Blade Ruinneur

Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique...

le 4 oct. 2017

209 j'aime

40

Blade Runner 2049
Chaosmos
9

Simulacres et simulation

Pourquoi Blade Runner 2049 ? Cette question se posait à l'annonce d'une suite aussi intrigante qu'inquiétante et force est de constater qu'elle se pose encore aujourd'hui. La nouvelle création de...

le 5 oct. 2017

161 j'aime

32

Blade Runner 2049
Behind_the_Mask
9

Solitudes hémorragiques

Pour ne pas être seul, on se réfugie dans une mégalopole techno. On vit les uns sur les autres dans des cités dortoirs. Et personne ne se connaît. Et les rues sont remplies, de gens qui baissent la...

le 4 oct. 2017

154 j'aime

35

Du même critique

Whiplash
Vincent-Ruozzi
10

«Je vous promets du sang, de la sueur et des larmes»

Whiplash est un grand film. Il est, selon moi, le meilleur de l’année 2014. Une excellente histoire alliant le cinéma et la musique. Celle-ci ne se résume pas à une bande son, mais prend ici la place...

le 20 janv. 2015

190 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
Vincent-Ruozzi
9

Sur les routes de Valhalla

Je viens de vivre un grand moment. Je ne sais pas si c’est un grand moment de cinéma, mais ce fût intense. Mad Max: Fury Road m’en a mis plein la gueule. Deux heures d’explosions, de fusillades et de...

le 16 mai 2015

182 j'aime

21

The Irishman
Vincent-Ruozzi
8

Le crépuscule des Dieux

Lèvres pincées, cheveux gominés, yeux plissés et rieurs, main plongée dans sa veste et crispée sur la crosse d'un revolver, Robert De Niro est dans mon salon, prêt à en découdre une nouvelle fois. Il...

le 29 nov. 2019

152 j'aime

10