Cinglant. Dans la région de Höfuðborgarsvæðið, qui concentre deux tiers de la population islandaise, la croissance démographique et l’élargissement urbain créent les mêmes incivilités et les mêmes troubles que chez nous. Ce 400 Coups islandais retrace l’histoire d’une bande d’amis livrés à eux même. Une bande d’amis, moins un : Danni Braindead (Theodór Pálsson), fruit de la moquerie et de l’humiliation de ses camarades. Timoré et « puant » selon ces derniers, il va devenir la cible d’une violence inouïe, qui culmina dans la séquence où l’un deux va abattre une barre de fer qui transpercera son arcade sourcilière et son nez. Entre son père Svenni (Darri Ólafsson) en prison et sa mère Guorún (Anita Briem) absente, entre sa soeur Unnur (Sólveig Gudmmundsdóttir) camée et sa maison qui tombe en lambeau, seule une intervention mystique semble être en mesure de déjouer l’errance à laquelle cet adolescent est condamnée. La bonne étoile de Danni va sa manifester par la présence de Simon (Blær Hinriksson), qui va le prendre sous son aile - en dépit de ce qu’en pensent ses camarades, comme guidé par les apparitions mystiques dont il est sujet. La prouesse de Gudmundsson, au delà de montrer certains affres de la société islandaise, est de faire converger toutes ces aspérités adolescentes, toutes ces envies de fuite et de mise en danger, en un point précis : l’absence d’unité familiale. Alcoolisme pour l’un, violence pour l’autre, ces trois mousquetaires +1 (Danni) ont au mieux un père absent, au pire un père nuisible. Rarement filmées seules ou en plan rapproché, les mères appartiennent au décor sans vraiment pouvoir stopper la chronicité de la violence dans lequel le quatuor va s’inscrire. Le jeu de Blær Hinriksson, découvert par le grand public dans Heartstone : un été islandais, est remarquable de précision et de polyvalence. Son personnage, Simon, va devenir la pierre angulaire du récit : il sera le médiateur pour stopper les bastons, et va aider Danni à s’en sortir sur tout les aspects de sa vie. Frappé d’une foi inébranlable et d’une mystique qui se révèle à lui, les séquences métadiégitque sont insérées avec brio au récit par un montage qui se veut incisif, et dont l’embrayeur restera Simon jusqu’à la fin du long métrage. Du tunnel sous le pont où Danni s’était fait déchiré le visage jusqu’à la séquence finale où il célèbre son amitié avec Simon sur le pont de ce quartier de Reykjavik, Beautiful Beings rayonne par sa sa structure. Et le sourire final de Danni qui découvre l’amitié est au moins aussi beau que celui de Jean-Pierre Léaud qui découvre la mer.

Aymericdt
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le 22 déc. 2022

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