Passées les vingt premières minutes, le film de de Gudmundur Arnar Gudmundsson surprend par sa façon de raconter la jeunesse islandaise paumée et prise en étau entre la violence et l’absence de perspective. Les quatre jeunes acteurs sont d’une vérité et d’une justesse étonnante, comme s’ils jouaient leur propre rôle.

Addi, un garçon élevé par une mère clairvoyante, décide de prendre sous son aile Balli, un enfant particulièrement violent dans sa bande de jeunes marginaux. Livrés à eux-mêmes, Addi commence à avoir une série de visions oniriques. Est-ce que ces apparitions vont pouvoir guider, lui et ses amis, vers la lumière ?

J’ai trouvé le début du film assez mauvais. On dirait que le metteur en scène fait tout pour rater son film. La violence est filmée de manière totalement gratuite avec notamment des scènes de bizutages répétitives et complaisantes. Le point de non-retour a failli être atteint au cours d’une séquence où le jeune Balli tente de s’ouvrir les veines. Bien que la violence soit le sujet du film, j’ai trouvé qu’il n’était pas possible de filmer cette scène comme si elle était banale ou quotidienne. De plus, le film manque d’un fil conducteur qui donnerait sens aux premières séquences.

Et puis, une sorte de miracle se produit après les vingt premières minutes. Le film se décante et finit par toucher le spectateur. Le portrait de cette jeunesse islandaise émeut. Car ces quatre jeunes semblent pris dans une spirale infernale de violence qu’ils ne pourront quitter. Ils viennent de milieux plutôt modestes, de structures familiales dysfonctionnelles. Les pères sont absents, leur ville semble assez vide et leur avenir bouché. N’ayant aucune perspective d'avenir, ces jeunes reproduisent eux-mêmes cette violence qu’ils subissent et n’ont rien pour la canaliser. Elle semble être le seul échappatoire à leur quotidien morne.

J’ai trouvé que les personnages étaient très bien pensés, croqués. L’évolution de Balli est très intéressante. Il est d’abord bouc-émissaire du trio, victime d’un bizutage humiliant et ultra-violent. Pourtant, par la suite et faute d’une vraie perspective dans la vie, il se liera d’une belle amitié avec ce trio. Point de syndrome de Stockholm mais plutôt des coudes qui se serrent face à l’adversité. Les trois autres le prennent sous leur aile et l’aide à se sentir mieux dans sa peau. Le film est loin d’être manichéen et les personnages sont complexes. A l’instar d’Addi qui semble venir d’un milieu social légèrement plus aisé et qui semble porter ses amis sur ses épaules. Il doit ainsi supporter le lourd secret de famille de Balli ainsi que l’agression dont est victime un autre de ses amis.

Le réalisateur islandais fait le choix d’une approche naturaliste pour rendre son histoire universelle. La ville, dans laquelle se déroule l’action, n’est jamais nommée. Si le film n’était en islandais, on ne pourrait pas deviner qu’il se passe en Islande. Car on ne quitte jamais cette ville moyenne, faite de tours et de maisons pavillonnaires et dont on a l’impression qu’elle s’est vidée de ses habitants. Il y a une unité de temps car le film se déroule le temps d’un été. On suit donc les quatre jeunes caméra à l’épaule, comme le veut la tradition du cinéma moderne et pour mieux les suivre.

A ce naturalisme, Gudmundur Arnar Gudmundsson y ajoute un soupçon d’onirisme quand il nous montre les rêves d’Addi. Je ne suis pas sûr qu’il ait raison. Outre que ces rêves (brefs) soient assez laids visuellement, ils ne s’emboîtent pas bien avec le reste. Ils font un peu tâche. Je ne comprends pas bien ce que la spiritualité, la lumière viennent faire dans ce film qui présente une vision assez noire et frontale de la vie de ces jeunes islandais.

Les quatre jeunes acteurs sont épatants. Naturellement, je n’en connaissais aucun et je les ai trouvé particulièrement justes, naturels. Ils ont la spontanéité des acteurs non-professionnels. Ils expriment parfaitement la rage intérieure de leurs personnages et contribuent à la force du film.

Noel_Astoc
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le 7 mars 2023

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