Batman v Superman : l’Aube de la Justice était le grand projet dont la mission consistait à concurrencer le Marvel Cinematic Universe. Aujourd’hui, nous savons que les récentes productions du DC Universe ne sont plus en accord avec les deux premières pierres de l’édifice (Man of Steel et BvS) très fragilisé par la Warner. L’occasion de revenir sur le cas Batman v Superman, un film dont les critiques décalées ont précipité la chute d’un univers intelligent de super-héros et que nous ne verrons hélas jamais.



A New Hope



Si vous deviez citer objectivement le meilleur film de super-héros, peut-être citerez-vous un des Spider-man de Sam Raimi, un des Dark Knight de Nolan, Incassable de Shyamalan, ou encore un des premiers X-Men de Bryan Singer. Ces films sont pourtant les vestiges d’une époque révolue où les super-héros étaient mis en scène dans des productions réellement matures et complexes. Certes, de temps en temps une œuvre atypique apparaît comme ce fut le cas avec Logan de James Mangold ou Spider-Man New Generation. Mais le fait est que la recette du film de super-héros à succès est maintenant composée d’une intrigue décomplexée, de blagues à foison, et de beaux effets spéciaux. Tandis que le Marvel Cinematic Universe ne fait encore aujourd’hui que démocratiser une mauvaise méthode, Batman v Superman procurait à sa sortie un véritable espoir.


Batman v Superman : l’Aube de la Justice rendait hommage aux films de super-héros de la belle époque et s’octroyait même la folle ambition de propager cet état d’esprit salutaire en créant son propre univers partagé. Dans ce film, les super-héros ne sont pas de grands adolescents à la vanne facile qui parviennent à vaincre toutes les menaces dans la joie et la bonne humeur. L’œuvre de Zack Snyder met en scène à la fois des personnages avec une dimension mythique tels des Dieux au milieu des Hommes, mais aussi des êtres qui vivent de questionnements et d’incertitudes sur la morale de leurs actions héroïques. C’est ainsi que le film explore la problématique de l’existence d’un surhomme, la question de son implication dans le monde, dans les affaires politiques, ou sa représentation divine face à toutes les religions. Une œuvre anti-blockbuster qui se démarque de toutes les cases habituelles venant des productions Hollywoodiennes actuelles. On peut d’ailleurs faire le constat simple que peu de films de super-héros durant la dernière décennie arrivent à la cheville de BvS en termes d’ambitions et de méthodes.



God versus Man



La nouvelle version de Batman est pour le moins atypique. Ivre de colère, le célèbre Bat-justicier de Gotham incarné par Ben Affleck vit dans une spirale de haine. Obsédé par sa mission vengeresse et son sentiment d’impuissance, Batman n’hésite cette fois-ci pas à tuer ses opposants car ils sont, comme il le dit si bien, de la mauvaise herbe qui ne cesse de pousser. Un traitement qui ne manqua pas de faire glapir la plupart des fans de la chauve-souris mais qui s’inscrit pourtant brillamment dans le contexte du film. Superman incarne l’autre facette de la vision de la justice de Batman. Plus enclin à la tolérance et au pardon, le demi-dieu ne fait toutefois que ses premiers pas de super-héros dans un monde où Batman a déjà plusieurs années de service. Tandis que Superman possède encore l’innocence de faire le bien par le bien et tandis que Batman sombre de plus en plus vers la méthodologie d’un anti-héros, on ne peut que faire un rapprochement avec une phrase bien connue : « soit on meurt en héros soit on vit assez longtemps pour se voir endosser le rôle du méchant ». Les deux personnages étant tout deux indiqués par cette déclaration de Harvey Dent dans The Dark Knight, car Superman porte toujours malgré lui l’incertitude de rester bienveillant, comme Batman fut lui-même changé par les années de lutte contre le crime et les atrocités vécues.


Le combat entre ces deux titans devient alors passionnant autant pour la symbolique que pour les deux idéologies qu’ils incarnent respectivement. Le duel de deux notions de justice où Zack Snyder déploie son immense arsenal esthétique. Le metteur en scène intègre sa patte artistique et on retrouve aisément les méthodes employées avec des films comme 300 où des hommes normaux sont toutefois présentés comme des dieux imposants. Sa capacité à transformer la normalité en matière mythologique ressuscite l’iconisation malmenée par les productions Marvel afin de la rendre devant la caméra absolument démente.


Toutefois, malgré toutes ces bonnes volontés une ombre plane sur l’ensemble du film. A certains moments, Batman v Superman perd de sa puissance dans le but de commencer trop précipitamment son univers étendu. On ressent à l’écran toute la panique de la Warner à l’idée de ne pas arriver au même point que le Marvel Cinematic Universe dès le deuxième film de son univers alors que son concurrent a, avouons-le, pris convenablement son temps pour poser les bases de son univers partagé. Une cruelle déception, car la présentation des autres personnages de l’univers DC Comics se glisse entre le récit opposant Batman v Superman dénaturant ainsi instantanément les volontés admirables du film. A l’image de Wonder Woman qui intervient en coups de vents durant l’histoire, avant de concrétiser sa présence durant une ultime baston finale bien trop proche des codes du Marvel Cinematic Universe. En l’occurrence, il manque un sérieux travail préparatoire afin d’enclencher tranquillement tous les éléments de l’univers DC. La méthode d’étaler le contenu à travers plusieurs films aurait été un choix judicieux, car le fait est que la Warner a charcuté Batman V Superman avec des ajouts hors sujets.



Judgment



L’ambition est là, Batman v Superman livre une intensité remarquable et un récit admirable. Le film s’avère très proche des illustres représentants du genre super-héros de la belle époque et concurrence brillamment le Marvel Cinematic Universe avec des méthodes totalement opposées.


Toutefois, au-delà d’un affrontement de titans aux accents mythologiques, le film souffre d’une écriture charcutée à cause de la volonté de présenter les fondements de tout un univers en un seul film. On ne regrettera jamais combien les compagnies saccagent de bonnes œuvres en ne laissant pas les réalisateurs imposer leur vision du film, mais le fait est que si Batman v Superman est tout de même un excellent film de super-héros nous sommes passé à côté d’un univers entier du même acabit.



Do you bleed ?


JasonMoraw
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le 5 avr. 2020

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Death Watch

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Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Kelemvor
4

Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

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