Dans un monde où les histoires de jouets ont été essorés par Toy Story, que pouvait raconter Barbie ? Les scénaristes Greta Gerwig et Noah Baumbach, sans solution, ont choisi ne pas choisir. Barbie sera l’histoire d’une poupée mais pas vraiment. Elle ira dans le monde réel mais pas vraiment. Elle affrontera Mattel mais pas vraiment. Multipliant les idées, le film essaye de cacher le fait qu’il n’en explore aucune. Un concept brinquebalant ? On en fera une blague. L'auto-dérision nous sauvera.
L’illusion fonctionne pleinement dans la première moitié – on savoure avec délice la découverte d’un impressionnant Barbie-Land rose bonbon et l’arrivée plein de malice dans le monde réel. Mais quand Barbie se retrouve écartelée entre un Ken qui lui vole la vedette et le personnage de America Ferrera (personnage-fonction sans éclat), les problèmes commencent.
Alors que les enjeux du récit sont désamorcés nonchalamment un par un, on se met à regretter que Greta Gerwig n’ait pas cru dans son histoire, préférant considérer son film avant tout comme un missile féministe à 100 millions de dollars. Un scénario bancal en échange d’un discours percutant, c’était déjà l’équation d’une précédente production de Margot Robbie, Promising Young Women. Il faut dire que l’objet Barbie est étonnamment bien acéré à ce niveau, traitant la question du patriarcat avec gourmandise et effronterie, même si on regrettera à la marge une articulation du propos parfois assommante. En fin de compte, on pourrait se satisfaire de trouver une tel attirail de déconstruction dans un blockbuster de l'été...
Or, féministe ou pas, Barbie apparait au final comme une bouffonnerie post-moderne fadement mise-en-scène, préférant se moquer de lui-même plutôt que de proposer un objet abouti et cohérent. Après le triomphe des Daniels (Everything Everywhere All at Once) qui ont prouvé (par deux fois) qu'il y a du beau à trouver dans le ridicule si on croit à fond dans son récit, la sortie de Barbie semble nous ramener en arrière, à l'époque des pirouettes méta de Jurassic World et compagnie. Y avait-il mieux à faire sur Barbie ? La question reste ouverte. Reste également la désagréable sensation que ce film poussif dopé à l'humour (qui fait mouche, il faut l'avouer) a servi de cheval de Troie pour vendre du temps de cerveau disponible à une marque de jouet. Et qu'on s'est laissé avoir.
On attendait mieux de Greta et Noah.