Bad Boys II (Michael Bay, U.S.A, 2003, 2h27)

Huit ans après le modeste ‘’Bad Boys’’, Michael Bay passait aux choses sérieuses avec sa suite directe, sobrement titrée ‘’Bad Boys II’’. Avec un budget de 130 millions de $, et visiblement carte blanche, ce film se présente comme une anomalie dans le paysage du blockbuster hollywoodien. Un trip sous acide servit par un auteur sous perf’ de speed, et deux comédiens qui suivent comme ils le peuvent une intrigue foutraque, magnifiée par une mise en scène stratosphérique, et de l’action. Beaucoup de l’action. Que de l’action d’ailleurs.


Alors, il y a bien une intrigue, et même un scénario si on cherche bien. Mais cette œuvre va tellement au-delà. Si ‘’Bad Boys’’ était un peu le laboratoire du cinéma de Michael Bay, il est possible de prendre sa suite comme la quintessence de son art. Avec cette (seulement) cinquième réalisation il impose ce qui fera son style à venir. Car c’est ici que prend vit l’identité cinématographique de ce bourrin au grand cœur.


La vulgarité est souvent un élément qui est reproché à son cinéma. Et il est vrai que son univers et l’ambiance qui en découle en sont teintés. Les néons criards, les paires de fesses et les poitrines féminines et des torses masculins musculeux mis en avant, le tout hyper monté sur une bande originale qui colle à la mode. Pour l’anecdote, se trouve au cœur de la production musicale de cette suite des artistes aussi illustres que Dr Dre et P. Diddy.


Mais cette vulgarité, il la porte comme un étendard, il la revendique même, car elle lui permet d’exprimer toute la vacuité de nos sociétés, de nos existences, qui sans apparences ne sont rien. Avec son sens du visuel, qui empreinte plus à la critique qu’à la complaisance, il offre une vision très personnelle de l’ordre et de la justice. Ses deux flics, Burnett et Lowery, n’hésitent ainsi jamais à faire preuve d’une violence plus que borderline.


Il fustige par là même toute l’idée d’un traitement gouvernementale, par une critique aigue du fédéralisme. Pour exemple, le Capitaine Howard, leur demande de se dépêcher à boucler l’enquête, car il suffit de quelques jours avant que la DEA, ou le FBI, des agences gouvernementales, ne viennent reprendre l’affaire. C’est ainsi sur une force de police locale qu’il appuie son propos. Et sa promiscuité avec le réel pour mener à bien les opérations.


Au-delà de la critique des institutions américaines, ‘’Bad Boys II’’ c’est un véritable délire, dans tous les sens du terme. Alliant son fond à sa forme, en tant que spectateurices on se retrouve face à des séquences hallucinantes, qui paraissent sortir d’une autre dimension. Et dans le film elles sont légions. Je ne dresserais donc pas ici une liste exhaustive. Ce serait trop long. Mais…


Que dire de cette séquence complétement démente, lors d’une poursuite en plein Miami, avec des bandits qui jettent littéralement des voitures sur les voitures de police ? Il y a même un bateau qui se retrouve impliqué, alors que ça pète de tous les côtés dans un joyeux bordel.


Que dire de Marcus qui se retrouve face à deux rats copulant en position du missionnaire ? S’exclamant à son équipier, avec dégout mais sans une certaine forme de poésie : ‘’Ils baisent comme nous’’…


Que dire de cette course poursuite complétement déviante où des cadavres sortant de la morgue tombent d’une camionnette, sur la voiture des deux héros ?
S’écrasant sur le pare-brise, passant sous les roues des bagnoles, avec des têtes qui volent…


Que dire de cette ultime séquence où Mike et Marcus, a bord d’un Hummer jaune, dévalent une colline sur les flancs de laquelle se trouve un bidonville ? Une séquence qui cite très clairement l’introduction du ‘’Police Story 2’’ de Jackie Chan en 1988. Michael Bay connaît ses classiques de l’action.


D’une richesse inouïe, il y a à boire et à manger à tous les étages. C’est de la générosité complétement désaxée en barre. C’est bien simple, il semble que dans ce film le réalisateur y ait mis tout ce qui fait le cœur de son savoir-faire. Faisant passer la notion de ‘’film d’action’’ à un niveau ‘’au-delà’’. C’est avant tout un ‘’film de Michael Bay’’. Le cinéaste fait corps avec son œuvre, qui ne peut dès lors être dissociée de lui.


Alors bien entendu il reste encore des moments de comédies servis par Martin Lawrence et Will Smith. Dont quelques impro’ plutôt cools, et vraiment drôles, témoignant de l’alchimie entre les deux comédiens, et la confiance aveugle que leur prête le réalisateur. Pendant que lui s’éclate à détourner à peu près tout ce qui fait un actioner de base, pour confectionner son pamphlet anti-fédéraliste féroce, en mode : ‘’fuck it, I do my shit as i want to do it’’.


Le métrage porte en sa nature la plus abyssale une nature punk, qui donne à l’ensemble une ode au je-m’en-foutisme le plus total. Plus aucunes règles, ni aucunes conventions ne sont respectées ici. Bay en fait ce qu’il veut, avec une maestria qui dépasse l’entendement. Et le terme ‘’punk’’ pour désigner ‘’Bad Boys II’’ est loin d’être surfait. Il suffit de voir Henry Rollin jouer un flic pour s’en convaincre.


Avec ses airs de vaste blague irrévérencieuse, ‘’Bad Boys II’’ brille également de par son impertinence générale. Pour cela il est nécessaire de s’appuyer sur sa dernière séquence, une débauche opératique d’action bigger than life. Lors des 25 dernières minutes, Michael Bay sort totalement de ‘’Bad Boys II’’, et fait la démonstration d’un cinéma, que seul un budget de 130 millions de $ peut permettre.


Le film se lance alors à corps perdu dans un trip militaire complétement azimuté. Alors que Mike et Marcus partent à Cuba pour faire payer le méchant et libérer un personnage annexe, avec l’assistance de leurs coéquipiers. Prenant vent de l’opération le Capitaine Howard leur file un coup de main, avec ses potes de la CIA qui veulent aider, en mettent à disposition tous les moyens nécessaires. Et c’est parti pour… La Guerre.


Les dernières 25 minutes prennent ainsi la forme d’un spectacle guerrier sans concession. Ça pète dans tous les sens, ça explose, ça mitraille, le montage est frénétique et c’est hyper violent. Au-delà de tout réalisme, de toutes conventions, avec une décomplexions totale, Michael Bay sort l’artillerie lourde avec ces américains surarmés, intervenant dans la plus pure iniquité sur une terre étrangère. Forts d’une indifférence des plus authentiques.


À aucun moment personne ne se pose la question de la légalité d’une telle action. Parce qu’on n’est pas dans la vraie vie, on est dans la tête de Michael Bay. Et voilà comment il voit les choses. À aucun moment il ne veut faire preuve de réalisme, c’est un fantasme pittoresque, un gigantesque roller-coaster dans son cerveau, duquel il nous file les clés, pour nous laisser s’y éclater quelques heures.


À partir du moment où l’idée d’attraction est acceptée, ‘’Bad Boys II’’ se révélé comme le chef d’œuvre incontournable, voir insurpassé du cinéaste. Tout est là, tout est dedans, tout est maitrisé, tel un défouloir incroyablement assumé. De la tôle froissée, des explosions, des carambolages, des explosions, des ralentit ultra-stylisés pour donner une dimension épique à l’ensemble. Encore des explosions. Et bien entendu le plan ultra iconique de Marcus et Mike qui se redressent. Révélant une quête certaine du sublime.


‘’Bad Boys II’’ n’est la suite de ‘’Bad Boys’’ que dans le titre, par ses personnages et le casting. Pour le reste c’est le cinquième film de Michael Bay. L’homme à qui les précédents succès ont permis de réaliser l’œuvre qu’il voulait. Et ça se voit qu’il fait ce qu’il veut. C’est la substantifique moelle de son art, rendu possible uniquement par sa liberté totale de ton. Les exemples sont légions, mais c’est mieux de les vivre que les lire.


C’est drôle, c’est con, c’est stupide. C’est bourrin, c’est violent, c’est trash. C’est exceptionnel, c’est virtuose, c’est génial. Par la suite Bay développera encore un peu plus son visuel, celui qui lui est trop souvent reproché d’être putassier. Alors qu’au contraire, c’est sa signature, sa marque de fabrique. Lorsqu’on l’accepte, toutes ses réalisations (à l’exception des deux derniers ‘’Transformers’’, plan plan et fadasses) deviennent une expérience des plus jouissive.


Si ‘’Bad Boys’’ était la naissance d’un metteur en scène, alors ‘’Bad Boys II’’ est la confirmation d’un auteur. Un cinéaste de peu de concessions, qui a des choses à dire, et les exprime par son sens radical du visuel. Il n’y a pas chez lui de thématiques et de problématiques profondes. Elles sont brutes, et peuvent parfois sembler simplistes. Mais il est l’un de ses rares réalisateurs contemporains capables de critiquer l’American Way of Life et ses dérives. Sans discours, mais par les images. Illustrés par des gunfights, des explosions, des culs, des boobs, des explosions, des bolides rutilants et une mise en scène émérite à plus d’un égard.


Pour ma part ‘’Bad Boys II’’ est le chef d’œuvre incontestable de Michael Bay, même si dans sa seconde partie de carrière des œuvres peuvent l’égaler, en terme de visuel et dans cette dimension over the top. Avec humour dans ‘’Pain & Gain’’ en 2013, ou avec avec premier degrés comme dans ‘’13 Hours’’ en 2016.


Mais ‘’Bad Boys II’’ se présente avant tout comme l’œuvre éminente d’un auteur, un vrai, et le manifeste d’un cinéaste, qui annonce ici l’ensemble de son œuvre a venir.


-Stork._

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le 2 avr. 2020

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Peeping Stork

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Hypérion
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