« J’ai rencontré James Cameron pour la première fois en 1972, alors que nous étions encore tous les deux étudiants à l’université […] il était inscrit en sciences physiques et en psychologie, et suivait des cours sur les origines du mythe. […] Jim, dont le père était ingénieur et la mère artiste, décomposait du regard le monde environnant pour en examiner les éléments constitutifs et les recombiner afin d’en tirer une fiction hyperréaliste. » - Randall Frakes [1]



Sempiternelle « faiblesse du scénario » : comme une impression de déjà-vu à treize ans d’intervalle, des sentences aussi réductrices que « dix ans pour ça », « c’est du Disney » ou « le mec a une idée et il en fait un film de huit heures avec toute sa technologie » s’échappent de la foule au sortir de diverses séances. Parce qu’il efface toute trace d’effort et vise l’évidence de l’universel, le storytelling cameronien rend aveugle a sa propre maestria. C’est sa noblesse (tendre la main à la plus large audience possible) et sa naïveté (privilégier l’émotion sur l’intellect). Aux origines du cinéma de James Cameron, il y a en outre les influences du mélodrame, du Magicien d’Oz (Victor Fleming – 1939), des monstres de Ray Harryhausen et autres séries B des années 1950, avec leurs invasions martiennes et personnages en carton. Difficile, en partant de là, de plaire à tout le monde. Le client a toujours raison, et l’offre en matière audiovisuelle n’a jamais été plus pléthorique : il suffit d’un clic pour changer d’univers.


Sauf que, ô surprise, Avatar : La Voie de l’Eau est un carton dans la droite lignée du premier Avatar. À toutes les séances auxquelles l’auteur de ces lignes a assisté, la salle était non seulement comble mais d’une diversité sociologique telle que seul le papa de Titanic parvient encore à la rassembler. Et à chaque fois, personne ne semble avoir jugé le spectacle si peu crédible qu’il faille le fuir, ou alors juste pour aller soulager sa vessie en quatrième vitesse – réflexe naturel quand nos prunelles barbotent à ce point !


De quoi laisser songeur : n’y aurait-il pas une forme de duplicité dans notre rapport au phénomène Avatar ? Comme si, plongé dans les ténèbres propices au lâcher-prise, le contrat film/spectateur fonctionnait à merveille. Une vraie séance d’hypnose collective, le cerveau non pas débranché mais sollicité d’une autre manière. Puis, sitôt les lumières rallumées, sommé de livrer son avis fatidique mais incapable de mettre des mots sur cette sensibilité devenue étrangère à notre quotidien, on se sentirait tenu de prendre le film et sa « simplicité » enfantine de haut, quitte à trouver le slogan qui la rendra méprisable.


Au royaume des aveugles, le borgne est roi.


La suite de ce pavé est à lire sur L'Infini Détail : https://infinidetail.com/2023/04/12/avatar-la-voie-de-leau/

Toshiro
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le 17 avr. 2023

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