Assaut
7.5
Assaut

Film de John Carpenter (1976)

Dans ma (re)découverte, en mode aléatoire de la filmographie de John Carpenter, place à Assaut. Il s’agit de sa seconde réalisation qui date de 1976. Un hommage brillant au Rio Bravo d’Howard Hawks, un réalisateur et une œuvre qui ont une considérable influence sur son cinéma.


Au commencement


Après l’exécution par la police de six membres d'un gang de Los Angeles. Les différents gangs de la cité des anges scellent un pacte de sang pour les venger. Une vendetta qui va les mener jusqu’au Central 13.


Rio Bravo


Après sa première réalisation, Dark Star John Carpenter démontre déjà une appétence pour les films de genre, le huis-clos et l’humour, ainsi qu’une propension à cumuler les casquettes (réalisateur, coscénariste, compositeur et producteur), il va s’atteler seul à l’écriture du scénario d’Assaut. Une œuvre qui s’inspire de Rio Bravo, le film qui lui a donné envie de faire du cinéma et dont le metteur en scène Howard Hawks est une de ses sources d’inspiration. En 1980, John Carpenter le démontre à nouveau, en réalisant The Thing, un remake de La Chose d’un autre monde écrit et réalisé par Howard Hawks, même si c’est Christian Nyby qui est crédité, un peu comme le Poltergeist de Tobe Hooper qui est vraisemblablement une réalisation de Steven Spielberg.


Assaut fonctionne sur le même schéma scénaristique que Rio Bravo. Des hommes et des femmes se retrouvent au Central 13. Ils vont devoir faire fi de leurs divergences et différences pour résister aux assauts des gangs de Los Angeles. Des gangs qui se sont unifiés, au contraire d’une police où règne un racisme systémique comme on peut le percevoir à travers l’accueil qui est réservé au lieutenant noir Ethan Bishop (Austin Stoker) par ses collègues blancs. Le chef de la police a cette réflexion à son encontre "On ne veut pas des héros mais des hommes qui obéissent aux ordres", lui signifiant une pseudo domination dû à son grade mais surtout à son statut d’homme blanc.


Malgré cette hostilité, Ethan Bishop va réussir à créer une alliance avec la secrétaire Leigh (Laurie Zimmer) et deux prisonniers Napoleon Wilson (Darwin Joston) et Wells (Tony Burton) pour tenter de survivre aux assauts répétés des gangs. Dans l’espoir que des renforts leur viennent en aide, malgré l’isolement du central 13. Une situation qui s’inspire aussi d’un autre western, le Fort Alamo de John Wayne.


Le style John Carpenter


John Carpenter n’est pas qu’un simple réalisateur. Il ne se contente pas de nous raconter une histoire. A travers elle, il parle de notre société et de ses dérives, en abordant divers thèmes. Des thèmes qui trouvent toujours une résonance à notre époque comme le racisme, les violences policières, l’isolement et la pauvreté.


Le réalisateur les aborde de différentes manières, comme à travers le viseur du fusil d'un des membres du gang. On découvre des avenues arides où règne la misère. Des terres abandonnées par les politiciens et les autorités, laissées aux mains des gangs. Ils parcourent ce territoire dans leurs véhicules, les armes à la main prêt à les utiliser à la moindre occasion, créant l’angoisse dans le regard des rares personnes errant sur cette terre hostile.


Des autorités qui sont censées “Servir et protéger” les citoyen.nes mais qui sont devenus aussi problématiques que les gangs. Les violences policières font constamment l’actualité, que ce soit aux États-Unis où en France. La population est devenue méfiante vis à vis de cette institution. Son racisme systémique se constate à travers l’attitude du brigadier puis du capitaine qui sont deux hommes blancs. Ils font preuve d'hostilité à l’encontre de ce lieutenant noir érudit, alors qu’ils ne sont que des rustres racistes dénués d’éducation et de réflexion.


Dans cette Amérique des années 70, Ethan Bishop est un homme isolé au sein d’une police majoritairement blanche dont les postes importants sont réservés aux hommes blancs. Il est une exception, vu comme une anomalie par ses pairs. C’est aussi le cas dans le cinéma américain malgré l’émergence de la Blaxploitation avec deux œuvres importantes lors de l’année 1971, Shaft, les nuits rouges de Harlem de Gordon Parks et Sweet Sweetback’s Baadasssss Song de Melvin van Peebles.


Auparavant, Sidney Poitier avait ouvert la voie avec l’oscar du meilleur acteur pour Le Lys des champs de Ralph Nelson (1963) mais surtout lors de l’année 1967 avec Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison et Devine qui vient dîner… de Stanley Kramer.


En 1968, George A. Romero va s’engouffrer dans la brèche. Dans La nuit des morts-vivants, le héros est un homme noir, un personnage qui est souvent sacrifié dès les premières minutes, comme pour assouvir les pulsions refoulées des réalisateurs et de leur public. Finalement, il n’est pas étonnant que John Carpenter fasse de même, tant les deux hommes sont reconnus comme des réalisateurs de films de genre dont les œuvres sont marquées par leurs convictions politiques.


Dans ses œuvres suivantes, John Carpenter va donner le premier rôle à l’anti-héros qui est inspiré par celui de Napoleon Wilson. La figure va devenir récurrente et prendre principalement les traits de Kurt Russell puis de Roddy Pipper, James Woods et Ice Cube.


La musique est une autre marque de fabrique de John Carpenter. Dès les premières minutes, les synthétiseurs résonnent puissamment dans nos tympans, avant de se faire plus discret et de nous accompagner lors des différents assauts. C’est un plaisir sonore sans équivalent. John Carpenter impose son style musical reconnaissable parmi tant d'autres.


Enfin, malgré un budget limité et un casting de seconde zone, John Carpenter sublime l'ensemble grâce à sa maîtrise de l'espace, son sens du cadrage et du rythme, ainsi que le découpage de ses scènes.


On le constate lors de l’arrivée du lieutenant Bishop au Central 13. Il scrute l'horizon découvrant l'immensité de ses grandes avenues désertiques, telles les plaines arides d'un western. Durant ce même temps, le bus des prisonniers et le père, dont l’enfant vient d’être assassiné par les membres du gang, convergent vers le central 13. Par la force des événements, ce lieu va devenir le point névralgique d’une ville en ébullition dont l'assaut est la conséquence d'une justice sauvage. Une mise en place qui permet d’identifier les différents protagonistes et enjeux qui vont se nouer au sein du Central 13.


Enfin bref…


Assaut est la première œuvre majeure de la riche filmographie de John Carpenter. Il signe un hommage réussi à Rio Bravo avec ce huis clos oppressant aux sous-jacentes thématiques sociologiques et commence à poser son empreinte sur le cinéma américain.


easy2fly
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Créée

le 24 juil. 2022

Critique lue 7 fois

Laurent Doe

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