Henry et Ann sont un couple d’artistes, lui comique satirique, elle chanteuse soprano. Ils mènent une idylle parfaite et donnent naissance à Annette. Puis la rupture avec le public, la chute artistique et le naufrage du couple.


Voilà la toile de fond de ce film, dont la puissance du propos est soutenue par la forme, une comédie musicale comme on n'en rêvait plus, autant qu’un film engagé sur les travers de notre société. Les travers de la surexposition médiatique du couple de stars mais aussi les violences conjugales, alimentées par la jalousie et l’ego dévastateurs de Henry.


Le rythme du film est bien sûr parfaitement dicté par les chansons, dans un répertoire rock, pop et classique. Des chansons qui se répondent pour mettre le doigt sur des défis sociétaux : la place des femmes mais aussi l’éducation des enfants.
Les chansons permettent aussi de tenir une distance critique avec l’action qui se déroule sur les écrans et de réfléchir sur notre position de spectateur-acteur de ce film comme de notre vie. Un processus semblable à l’effet de distanciation du théâtre épique de Bertolt Brecht (le Verfremdungseffekt). Un autre élément de distanciation est le personnage d’Annett


, une marionnette articulée, bringuebalée de bras en bras, qu’on manque d’écraser sur le canapé. La petite fille ne pourra s’affirmer en tant que personne humaine qu’à la fin du film, quand elle se libère de son père.


Henry et Ann sont aussi un couple comme en raffole le monde des célébrités. C’est ce que rappellent les pauses breaking news sur l’apogée et les déboires du couple. Tout en mettant un peu de légèreté sur les sujets graves abordés par le film, elles nous font réfléchir sur notre mode de consommation des informations.


C’est là peut-être que réside la plus-value du film : il s’approprie à merveille le genre de la comédie musicale pour nous émerveiller, nous réveiller et nous faire valser. Une valse tendue entre le meilleur et le pire, entre l’humain et la marionnette, entre le chant vivace et la marche funèbre.

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le 31 août 2021

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Emilie Rosier

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