Une anti-comédie musicale, oui...

En cette ouverture du Festival de Cannes 2021, on entendait les échos dithyrambiques de la presse à propos d'Annette, la comédie musicale de Leos Carax (Les Amants du Pont-Neuf) avec en vedette le binôme Adam Driver et Marion Cotillard. Il y avait de quoi nous faire courir à la séance du lendemain de 9h, sauf que notre sourire jusqu'aux oreilles a coulé à pic dès après l'ouverture musicale : non, Annette n'est absolument pas un hommage au genre de la comédie musicale, au contraire, il se complaît pendant 2h20 à nous prouver combien ses mécanismes sont ridicules et grotesques. Autant dire que pour une amatrice passionnée du genre, le cœur s'est vu piétiné par ces morceaux musicaux chantés faux (exprès : voyez le pianiste qui "slame" en solo de façon atroce alors qu'il vient de nous prouver au début qu'il sait chanter), qui sortent de nulle part (risible, surtout les "Laugh, laugh, laugh", comme un pied-de-nez au si beau passage de Chantons sous la pluie), avec des paroles complètement nunuches ("Oh Henry tu es soul, oh Henry tu es soul" - "Non, je suis pas soul, non, je suis pas soul"... Ou encore l'apothéose We Love Each Other so Much dont les seules paroles sont cette phrase, répétée trente fois... On en a mal aux oreilles). On ne se remet pas plus de la longueur infernale du film, qui prend le temps de nous infliger en entier les sketches du comique raté (qui ne nous font pas rire, donc, et nous ennuient copieusement), alors qu'on avait compris dès le premier qu'il était un show-man sur le déclin (pourquoi nous forcer à voir les spectacles ratés en entier ? Aucun intérêt, si ce n'est nous donner envie de fuir la salle). D'ailleurs, de très nombreux spectateurs de notre séance au Grand Palais ne se sont pas privés de partir en plein film, et à chaque groupe de déserteurs, on a hésité à les suivre comme des messies... Mais on est resté (damned) jusqu'au final, qui pompe allègrement sur Pinocchio (la marionnette qui chante et devient un objet de convoitise, qui perd son parent en mer, qui devient


réel à la fin


... Hommage, ou copie éhontée ? A vous de voir.), dont le personnage d'Adam Driver nous indiffère (alors que d'ordinaire, on adore les rôles de composition de l'acteur), dont les chants de Cotillard (justes, elle est bien la seule) nous manquent vite, et dont la poésie "à la Carax" (les envolées lyriques, les chants de la poupée, etc...) a du mal à rattraper le fond. Esthétiquement, Annette possède une touche de poésie qui n'est pas désagréable, peut compter sur l'assurance de Cotillard pour les chants (depuis La Môme, elle n'a rien perdu) et sur l'ouverture pas trop mal (l'unique morceau musical qui ne nous donne pas envie de plonger au fond de l'Océan). Mais la ridiculisation du genre de la comédie musicale est tellement poussive qu'elle dégoûte les fans, les références (Pinocchio) sont tellement balourdes qu'elles finissent par ressembler à du copier-coller sans inspiration, et le saccage des chansons (qui pourra bien acheter la BO ? On se le demande) est épuisant. En rien un hommage, mais plutôt une anti-comédie musicale.

Aude_L
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Festival de Cannes 2021

Créée

le 17 juil. 2021

Critique lue 405 fois

2 j'aime

Aude_L

Écrit par

Critique lue 405 fois

2

D'autres avis sur Annette

Annette
Sergent_Pepper
8

Baths of glory

Revoir Holy Motors, sorti il y 9 ans, constituera probablement la meilleure clé d’entrée pour investir l’univers d’Annette : comme lui, ce nouveau film de Leos Carax honore et interroge les...

le 7 juil. 2021

185 j'aime

10

Annette
matteop
4

It’s time to start, but without me

Annette, on y est soit emporté soit totalement mis de côté. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en observant le caractère manichéen des critiques qui en sont ressorties. Je me range dans la...

le 8 juil. 2021

126 j'aime

7

Annette
mymp
2

Patatrax

[Chœur] Comment se fait-ce ? Comment se fait-ce ? Un truc pareil, comment se fait-ce ? Et comment l’appeler, ce truc ? Une catastrophe, peut-être un accident industriel ? Un navet, simplement ? Une...

Par

le 9 juil. 2021

77 j'aime

4

Du même critique

The French Dispatch
Aude_L
7

Un tapis rouge démentiel

Un Wes Anderson qui reste égal à l'inventivité folle, au casting hallucinatoire et à l'esthétique (comme toujours) brillante de son auteur, mais qui, on l'avoue, restera certainement mineur dans sa...

le 29 juil. 2021

48 j'aime

Bob Marley: One Love
Aude_L
5

Pétard...mouillé.

Kingsley Ben-Adir est flamboyant dans le rôle du jeune lion Bob Marley, âme vivante (et tournoyante) de ce biopic à l'inverse ultra-sage, policé, et qui ne parle pas beaucoup de la vie du Monsieur...

le 14 févr. 2024

38 j'aime

Mad God
Aude_L
5

Doing doing doing doing...

Mad God est une expérience, et ce n'est pas parce qu'on ne l'a subjectivement pas appréciée, qu'on ne vous recommande pas de la vivre. Au mieux, vous serez subjugué par ce mélange de sadisme assumé,...

le 8 avr. 2023

35 j'aime