Une famille d'affranchis, une mafia "mineure", une figure matriarcale charismatique (Jacky Weaver), autour de laquelle gravitent ses 4 fils, en tous points très différents. Il y a le leader, rationnel et « raisonné » (Joel Edgerton), il y a « l'allumé » (Ben Mendelsohn), le « déjanté » et le « réservé ». Et au milieu le neveu (James Frecheville), « l’influencé », dans un mutisme proche de l’autisme, à qui il faut tout apprendre, même à se laver les mains après avoir pissé (« Laves-toi les mains, t’a touché ta queue »).
Une guerre psychologique a lieu entre cette famille de mafieux et la flicaille de Melbourne. A bout de nerfs, une patrouille de flics intercepte l’un des 4 « frangins » et l’élimine. Scène surprenante, qui montre que la violence peut surgir n’importe quand, de manière furtive, soudaine, à la dérobée. S'en suit une sorte de « balle au prisonnier » : les deux partis s’envoient une balle tour à tour, chacun y allant de sa petite tuerie, de sa brutalité ou de son petit meurtre sournois du samedi soir. Et c’est au milieu de cette tourmente que se retrouve le neveu, préoccupé par un dilemme qui l’oppresse en permanence : partagé entre, d’un côté, l’influence de sa famille aux activités illégales et l’aura de sa matriarche, et, d’un autre côté, le « droit chemin », ses études, et les bonnes valeurs civiques de la légalité, transmises par un Elliot Ness australien (Guy Pearce), qui fait figure de paternel. Deux choix possibles, l’ambivalence du neveu et la famille en pleine implosion constituent l’intrigue du film.
La mise en scène de David Michôd est harmonieuse, raffinée. Il nous offre un montage assez gracieux, composé d’une alternance constante entre ralentis esthétiques, contemplatifs, et action en temps réel. Le suspense lié à l’intrigue et le bon tempo donné par le rythme de superbes scènes d’action en font un magnifique thriller sous tension. L’une des grandes réussites de ce film est que l’auteur ne montre que la chute et le désenchantement de la famille (c’est elle la vraie héroïne du film), et qu’il n’ait pas eu la prétention de faire un « Les Affranchis » - bis.
Remarquable de bout en bout, porté par une certaine gravité, ce premier film de Michôd est un grand policier, très noir et agrémenté d’une fin inattendue, qui montre que, quand la rédemption est possible, le meilleur choix reste encore celui de la criminalité.