Entre les deux ans et le changement de décennie de Red Classroom à Red Porno, le spleen urbain est devenu angoisse urbaine. Une image sombre et granuleuse remplace l’esthétique léchée des précédents volets. Nami, la bien nourrie Jun Izumi, a peur de son ombre depuis qu’elle a posé pour des photos érotiques. Seul son minuscule appartement semble la réconforter, pourtant pas un endroit joyeux entre linge étendu partout, vaisselle sale, et horreur suprême : un robinet qui goutte. Mais un casque vissé sur les oreilles, un plateau repas suivi d’une masturbation bien au chaud sont une situation plus agréable que devoir traverser les rues de Tokyo (de belles scènes de panique heurtées, faites de ralentis et accélérations en passant de rues bondées à des couloirs désertiques).
Autre signe des temps, le format moins large du film en 1.85 alors que la Nikkatsu produisait quasi-exclusivement des films en scope pour se démarquer des indépendants fauchés limités au 1.37. Le studio vacille à l’arrivée massive du magnétoscope dans les foyers et s’adapte aux nouveaux spectateurs équipés. Muraki, chômeur à l’hygiène négligée, le magazine Red Porno avec les photos de Nami comme bien le plus précieux, incarne ce nouveau public casanier de films érotiques.


Des quelques scènes torrides que dénombre Red Porno, quatre se déroulent dans l’enfer rougeoyant des petits chauffages électriques de leurs chambres. Isolés et sans autre intérêt que la masturbation, renverser la table n’est pas un acte de révolte pour eux, juste un geste de plaisir personnel pour littéralement prendre son pied.


Dans ce repli individuel, les rares scènes à deux – terribles de détachement – procurent la même sensation de désespoir. Les époux sans complicité s’enfilent mollement en papotant boulot. Pires encore sont les scènes entre amants dans un love hôtel. Plutôt que de regarder l’autre, les Narcisse ne se contentent plus des miroirs disposés autour du lit et préfèrent s’admirer jouir sur le report vidéo de leurs ébats filmés.


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le 13 déc. 2021

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