American Sniper me faisait peur. Peur de tomber sur une démonstration de patriotisme exacerbé et pathétique comme l’affiche laisse à penser. Au final, plus de peur que de mal. Certes le film est très orienté et l’Amérique, qui est le plus beaux pays du monde selon Chris Kyle, est mise sur un piédestal. Mais en dehors de quelques répliques et de gros plans sur le drapeau, Clint Eastwood a su se tenir.
Adapté de l’autobiographie homonyme de Chris Kyle, sniper d’élite engagé dans le bourbier irakien, le récit donne la part belle au traumatisme qui touche de nombreux anciens combattants. En tuant plus de 250 personnes, dont femmes et enfants, Chris Kyle était donc plus que concerné.
Exprimé de façon beaucoup moins subtile que dans Taxi Driver, le trouble de stress post-traumatique de ce soldat est montré à grand renfort de bruits de guerre pendant des périodes d’inactivité ou de projection psychique d’un champ de bataille lors de l’anniversaire de son gosse. Cet aspect du film est à l’image de Bradley Cooper, pataud. L'acteur, méconnaissable, accompli toutefois une bonne interprétation. Les scènes de batailles en Irak sont quant à elles, une belle réussite. Le jeu du chat et de la souris, si je puis dire, entre Kyle et le sniper syrien donne un rythme appréciable au film.
Républicain convaincu, soutien actif depuis plus de 60 ans de divers candidats tels qu’Eisenhower, Nixon, Reagan, Bush ou Mc Cain, Clint Eastwood ne s’est jamais caché de ses opinions politiques. Conservateur, patriote, fervent défenseur des armes à feu, le réalisateur réalise un hommage à ce que beaucoup peuvent considérer comme un héros national. Cet hommage finit en apothéose avec des images d’archives montrant un cortège de policier et de nombreuses personnes amassées le long de la route. A aucun moment Eastwood ne semble remettre en cause la façon dont Chris Kyle avait trouvé son salut, en accompagnant des anciens combattants traumatisés pour faire du tir de précision. La veuve de Chris expliquera à ce sujet que son mari « avait découvert un nouvel usage pour les armes : soigner »… Était-ce une démarche réfléchie de combattre le mal par le mal ? Ou finalement une absurdité qui ne diverge pas avec un homme bête et violent qui se vantait d’avoir tué une trentaine de pillards lors de l’ouragan Katrina, d’avoir abattu deux hommes qui auraient tenté de lui voler son pick-up, ou encore d’avoir tabassé un gouverneur qui aurait tenu des propos dénonçant la légitimité de l’engagement des États-Unis en Irak ? Tout ce paradoxe me rappelle la bénédiction de l'Amérique reçue par Travis Bickle dans Taxi Driver après avoir tué de sang-froid trois malfrats. Le temps du Far West n’est, il est vrai, pas si loin, mais ce genre de film représente une apologie de la violence au service d’une cause et qui ne va certainement pas aider à diminuer le nombre hallucinant de décès par armes à feu aux États-Unis, plus de 30 000.
American Sniper a beau être la plus grande réussite d’Eastwwod au box-office, je vous conseille plutôt de voir son Gran Torino, un beau film véhiculant un message de tolérance et de partage.