Totem, cravates, talon et LSD

Avec Lynch au faîte de mon totem cinéphile personnel, je me considère comme plutôt perméable aux délires fantasmagoriques. Mais rien à faire, ACP reste une daubasse informe (dont Libé, Transfuge et Télérama ont par ailleurs réussi à dire du bien). La réalisation et le scénario sont inexistants, l'image est dégueu et la prise de son est un échec criant (littéralement). Rien dans tout cela n'a de sens, sans pour autant jamais parvenir à captiver le spectateur, comme peut par exemple le faire Bertrand Mandico. Nicolas Ker surjoue son personnage de rockeur décrépi (il porte deux cravates) et Arielle Dombasle surjoue son personnage d'artiste perchax. J'en suis ressorti avec l'impression d'être arrivé à la teuf après la distribution de LSD, sans avoir réussi à comprendre l'objet du délire ou le délire de l'objet.

Et pourtant, même si le résultat est en tous points calamiteux, je rechigne un peu à m'en moquer avec cynisme. Après tout, ce film ne raconte rien d'autre que l'amitié étrange entre deux figures étranges d'un microcosme français étrange. Il y a finalement au fond de ce marasme une naïveté qu'il est difficile de fouler du talon sans se sentir un peu malveillant. Le décès de Ker n'y est sans doute pas étranger mais Alien Crystal Palace, à l'image de sa signataire, relève davantage de l'élucubration de pacotille que du bousin infâme à railler grassement. C'est peut-être sa seule qualité évidente, mais elle mérite d'être citée. ACP, c'est une grosse bizarrerie à la fois totalement factice et étrangement sincère. Un peu comme un énorme bijou boursouflé en plastique. On s'arrête devant et on repart aussitôt, sans avoir compris ce que ça foutait là, ou à quoi c'était censé servir. Mais on l'oublie difficilement une fois qu'on l'a vu, c'est certain.