Paresseux et manquant d’ambition, Alien : Covenant n’apporte rien à sa mythologie, ni au genre qui l’a consacré, allant même jusqu’à se déliter.


Malgré les critiques qui se sont abattues sur Prometheus (2012), la Fox et le réalisateur Ridley Scott ont décidé de rempiler, et donc de poursuivre l’exploration fictionnelle de la saga Alien, veille de plus de trente ans. Conscient que le final du précédent volet lui conférait une certaine latitude narrative, Scott se devait néanmoins de répondre aux interrogations concernant les origines des « Ingénieurs », l’avenir du Docteur Shaw et de l’androïde David, ainsi que l’utilisation potentiellement « militaire » de la matière pathogène, créatrice des fameux Xénomorphes.


Pour ce qui est de la mythologie prométhéenne et de ses fameux « Ingénieurs », il faut ici se contenter du sonnet de Shelley, Ozymandias (1817), cité par l’androïde David – qui, dans son délire de création et d’anéantissement via son culte de l’organisme parfait, vit assez mal son complexe d’Œdipe vis-à-vis de son créateur, Mr. Weyland. Que dire également du succinct flashback censé rapporter son arrivée sur ladite planète des « Ingénieurs », réduit malheureusement à une vidéo virale sous forme de trailer, et qui n’est évidemment pas en mesure de rendre justice à cette nouvelle planète et à ses décors mythologiques.


Si Scott et son compositeur, Jed Kurzel (Macbeth), ne lésinent pas sur la dimension ostentatoire, sous influence mythico-opératique (on y entend L’Entrée des dieux à Walhalla de l’opéra, L’Or du Rhin, composé par Wagner), ALIEN : COVENANT ne s’attarde jamais sur le thème phare de cette trilogie-prequel : la « Création ». Il faut alors noter l’extrême « petitesse » d’un scénario, écrit pourtant à trois mains par Michael Green (Green Lantern, Logan), John Logan (Skyfall, Spectre) et Jack Paglen (Transcendance), qui semble incapable de sortir de la stéréotypie des situations et des lieux communs, (re)vus et entendus depuis un premier volet qui date tout de même de 1979.


Ce qui surprend peut-être le plus, reste la caractérisation des personnages, souvent « bête et méchante » : Oram (Billy Crudup), capitaine par défaut, incapable de la moindre décision rationnelle dû à une Foi un peu insistante, Tennessee (Danny McBride), l’honnête et pragmatique américain issu du terroir, Daniels (Katherine Waterston), copie conforme de l’ancienne Ripley, pleine d’abnégation et de courage et, enfin, Walter (Michael Fassbender), l’androïde nouvelle génération, se régénérant indéfiniment façon Wolverine et pratiquant également l’art du kung-fu ! Le reste de l’équipage sert uniquement de « chair à pâté » à l’alien, même si le film prend le temps de préciser qui est en couple avec qui (écriture ô combien ringarde pour maximiser l’émotion et justifier l’extermination des aliens). Dans Aliens (1986), James Cameron avait la décence de jouer de cet alibi facile avec l’innocence d’un enfant (Newt) qui, dans sa relation mère-fille avec Ripley, faisait écho avec celle de la Reine des aliens et de sa monstrueuse progéniture. Les ficelles étaient « grosses » mais avaient néanmoins du sens.


Coté horreur, les seuls moments angoissants du film résident finalement dans la confrontation entre les deux androïdes, où Fassbender prend un malin plaisir à jouer de sa voix et de son regard pour infuser un brin de perversité à un univers qui, étrangement, en manque (comme le faisait l’inoubliable Lance Henriksen dans les premiers volets). Mais au-delà de ces courtes saynètes, il y a de gros problèmes de narration, causés par des moments de pauses maladroits entrecoupés par les apparitions, également peu inspirées, du Xénomorphe : la scène de la douche tombe par exemple comme un cheveu sur la soupe et apparaît complètement ridicule à l’égard de ce que sont supposés traverser les derniers survivants du vaisseau Covenant. De même que la scène d’action sur la carlingue du vaisseau où Daniels affronte l’alien dans des conditions dantesques fait gentiment écho au second opus de Cameron et de ses « robots-chargeurs » avec l’utilisation de cette immense grue.


Mais l’absence de scènes d’anthologie, voire même de scènes enthousiasmantes (excepté peut-être la scène de la flûte qui en dit plus sur l’acte de création que tout le film), Scott ne parvient jamais à tirer quelque chose de ce scénario qui s’attarde davantage sur ces effets, de styles (les jump-scar), opératiques ou spéciaux, que sur son équipage humain, pris comme une communauté à part entière, avec ses valeurs, ses lois et sa morale, divergentes selon les caractères. Et lorsque la dernière demi-heure repose uniquement sur un twist prévisible (David ou Walter ?) dû à un montage catastrophique, il devient alors évident que le film ne peut être à la hauteur de la saga, voire même du genre (à titre de comparaison, le twist de Life d’Espinosa apparaît nettement supérieur)


On aura beau se pâmer devant les paysages et une production design de haute volée, ce réalisme de circonstances (décors, équipements, technologies, costumes, armements, etc.) appauvrit vraisemblablement le potentiel de la science-fiction en devenant son argument numéro un. Le premier Alien reposait essentiellement sur un sens aigu de l’espace visuel et sonore (décor confiné, mal éclairé, rouillé) et dans le tempo millimétré des apparitions terrifiantes du Xénomorphe.


Avec l’esbroufe « numérico-réaliste », ALIEN : COVENANT devient visuellement terne et convenu, sans inspiration visuelle et, hélas, d’une pauvreté thématique sidérante (quid des “Ingénieurs” et du Docteur Shaw). À l’image de ses derniers films, Scott donne vraiment le sentiment d’être devenu un cinéaste paresseux (on préfère même donner la suite de Blade Runner à son digne successeur Denis Villeneuve). Finalement, il nous refait sa partition préférée : re-filmer une énième fois l’arrivée d’un petit groupe d’explorateurs sur une « planète-tumeur », sans vie et silencieuse (mais de moins en moins apocalyptiques malgré des orages, pas si infranchissables), où le parasite doit, soit être analysé et examiné (par les méchants opportunistes : David), soit exterminé (par les gentils humanistes : Daniels). Un schéma que ne fait que répéter Scott sans chercher à explorer les histoires parallèles qu’il a visiblement bien du mal à intégrer à cette nouvelle trilogie, et reste malheureusement plus accroché à son Xénomorphe qu’à ses personnages qui se succèdent dans l’espace sans laisser de trace.


Par Antoine Gaudé pour Le Blog du Cinéma

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le 9 mai 2017

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