Marchant sur les traces de l’illustre cinéaste humaniste Vittorio de Sica est de ses chroniques de la misère, avec des chefs d’œuvres comme Le Voleur De Bicyclette ou Miracle à Milan, Ettore Scola propose une vision crade et sans concession du monde des laisser pour compte.


Affreux, sales et méchants, ce titre, résume parfaitement la démonstration picaresque que le réalisateur d’Une Journée Particulière filme comme une farce sous acide ne faisant quasiment jamais une seule concession au politiquement correct. Rien n’est épargné, tous les vices inhérents au travers de l’être humain défilent sous nos yeux éberlués, et on est en permanence partagé entre une franche rigolade circonstancielle, tellement tout est grotesque, et une sorte de malaise moral quand notre sens de l’éthique nous fait prendre conscience de l’horreur du quotidien de la vie de ces pauvres gens de ce bidonville surplombant la grande Rome qui les toise dans le plus total mépris.


Rarement un film n’aura été aussi loin dans la démonstration de la décadence et de la misère humaine, rien n’est épargné, les magouilles, la rapine, la prostitution, les insultes et les coups qui fusent, la consanguinité, sont le quotidien des habitants de cette bicoque au centre d’un bidonville, et Scola filme tout ça sans aucune complaisance, mais avec une sorte de réalisme crû qui veut ouvertement choquer le bourgeois pour le lui balancer en pleine face. Avec toujours ce sens de la théâtralité et de la bouffonnerie héritées de la "commedia dell’arte", l’extravagance et les excès de toutes sortes prennent des accents lyriques.


Malgré les haines, les menaces quotidiennes et les coups de fusil qui menacent ouvertement les quidams de cette famille de dégénérés notoires, il y a tout de même une espèce de solidarité dans la débrouillardise, la protection des plus faibles, la mamie qu’on tente de sauver des flammes, les gosses que l’on met à l’abri dans une sorte de jardin d’enfants qui ressemblent à un poulailler, et même si l’union semble tronquée et sert de tremplin à la magouille et la traitrise, il y a de l’humanisme dans cette décrépitude.


Malgré ses airs de boutades extravagante, la réalisation d’Ettore Scola n’est jamais manichéenne et parvient à nous interroger quant notre sens éthique est mis à mal par ce questionnement permanent, faut-il en rire ou en pleurer ?

philippequevillart
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le 15 janv. 2019

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