N’a-t-on jamais été aussi déconnectés que dans un monde si connecté ? Autant que les écrans s’allument toujours plus nombreux, les flammes de la vie semblent s’éteindre. Pas question, pour Albert Dupontel, de rester spectateur, et il pousse un nouveau coup de gueule avec Adieu les cons.


Il y avait eu Au revoir là-haut, ce coup d’éclat, œuvre aboutie d’un cinéaste réputé pour son anticonformisme et sa radicalité. Aujourd’hui il y a Adieu les cons, et nul doute ici que Dupontel revient explorer ce registre qu’il maîtrise déjà, avec ses possibilités si nombreuses. D’abord, ce sont des personnages. Elle est coiffeuse et atteinte par une maladie qui la condamne, lui est un expert en sécurité informatique qui n’est pas reconnu par sa hiérarchie malgré ses compétences. Des gens de l’ombre, des oubliés, comme Albert Dupontel les aime, et que le réalisateur va faire venir à la lumière.


Il y a donc, ensuite, l’image. Adieu les cons baigne dans une étrange lumière teintée de jaune, rappelant le cinéma de Jeunet, semblant évoquer Amélie Poulain, avec, cependant, bien moins d’insouciance et d’allégresse. Dupontel nous plonge dans une réalité étrange, étonnante, un brin décalée qui, pourtant, ne cherche qu’à illustrer toute l’absurdité de notre réalité, la mettant ainsi mieux en relief. On retrouve ces étranges perspectives, ces mouvements de caméra que l’on a aussi pu voir chez Terry Gilliam, référence revendiquée pour Dupontel, lequel parvient à composer un tableau très riche, divers et biscornu. Le réalisateur déploie ici un cinéma fougueux et neveux, en totale cohérence avec son propos de son film. Car ce qu’il cherche, autant dans ses personnages que dans l’image, c’est l’humanité.


Au milieu de cette masse informe, de ces individus superficiels incapables de se rappeler d’un nom de famille, ces trois protagonistes qui ne paient pas de mine rappellent ce qu’est l’humanité : une étrangeté pleine d’imperfections et de doutes mais, surtout, guidée par les émotions et les sentiments. Cela passe par le jeu des acteurs, excellents, et l’écriture des personnages, mais aussi par une réalisation qui cherche sans cesse à faire quelque chose de neuf, à tenter, à expérimenter, pour éviter d’être justement étouffée par cette uniformisation dénoncée par le film. Le tout trouve, dans ce curieux mélange d’ingrédients aussi divers et inattendus, une cohérence permettant au film de fonctionner. L’amour, la mort, le rejet, la peur, les regrets… Le nouveau film d’Albert Dupontel parle finalement de beaucoup de choses, mais c’est surtout beaucoup de vie qui s’en dégage.


Adieu les cons fait passer le spectateur du rire aux larmes, avec cet humour pertinent, contrebalancé par un sérieux jamais trop solennel pour sombrer dans la lourdeur. Dupontel a des choses à dire, et il le fait avec cœur et sincérité, invoquant un cinéma au côté artisanal mais très maîtrisé, toujours à l’affût d’idées surprenantes pour ne jamais perdre en énergie. Le réalisateur offre un point de vue pertinent sur notre société, nous mettant un petit coup derrière la tête pour nous réveiller et nous secouer, ce qu’Adieu les cons ne manque pas de faire. Encore une belle preuve de la richesse du cinéma français, une belle œuvre qui mérite qu’on aille la soutenir en salles !


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 21 oct. 2020

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