A mon Age Je Me Cache Encore Pour Fumer est le premier film de Rayhana. Adapté de sa pièce de théâtre du même titre, le film, poignant et très engagé, est réécrit d’une manière plus violente, plus réaliste, moins tamisée que la pièce, témoignant de l’évolution de l’auteure entre les deux écrits. L’action se passe dans un hammam à Alger pendant les années noires, en 1995. On y trouve plusieurs femmes aux parcours et aux histoires différentes, issues de générations décalées, ayant des expériences et des traditions diverses. Ces femmes témoignent de la diversité humaine, étant mariées, filles, mères, amantes, vierge et/ou « saintes », elles ont chacune leur propre parcours, créant une authenticité forte et une identification de la spectatrice/du spectateur avec chacune de ses femmes.
A travers Fatima, Samia, Meriem, Keltoum, Louisa, Nadia, Zahia, Aïcha, Madame Mouni et Leïla, entre autres, Rayhana parvient à nous dévoiler une vision qui semble assez complète des mentalités et des opinions que peuvent avoir les femmes de cette époque avec ces conditions. A mon âge je me cache encore pour fumer est un film rare, voir inédit, car il apporte un point de vue qui, jusqu’ici, était quasiment inexistant, celui des femmes, et uniquement des femmes. Ces femmes qui ouvrent et ferment le film, en sont auteures et principales concernées, sont face à des hommes, soit de dos, dans la séquence où Fatima va chercher des oranges, soit flous, dans la séquence où elle va acheter des cigarettes, soit une ombre, pour le cas du plombier. Il y a également les islamistes radicaux et le frère de Meriem, mais ici, ils font moins partie de la catégorie des hommes que des monstres…


Un film qui a des origines


Dans A mon âge…, la répartition des personnages, dans la parole et l’espace, porte un rappel à la pièce originelle du film. Toutes les femmes y ont un rôle très complet, distinct des autres, suffisamment précis pour nous permettre chacune de les discerner -tout comme les personnages au théâtre, ce qui ne rend pas le film moins crédible pour autant. Les répliques, justement débitées, nous font ressentir le travail qu’il y a derrière, les paroles des personnages semblant appréhender la réaction –qu’elles connaissent d’avance- des autres. Dans la majorité des répliques, les regards, les comportements, la gestuelle, respirent le jeu théâtral et pour cause que la réalisatrice est avant tout une metteuse-en-scène de théâtre.
La mise-en-scène apporte des entrées et des sorties de champs venant majoritairement des côtés du cadre, comme si elles allaient et venaient des coulisses. Les actrices ne tournent que très peu le dos à la caméra et le jeu peut parfois apporter un ressentit théâtral, comme lorsque Fatima parle au dos d’Aïcha, lorsque celle-ci est assise sur une chaise, ou lorsque Zahia et Nadia se disputent –avant que cette dernière ne montre ses brûlures à l’acide- et semblent sortir leurs répliques en prenant en compte le fait que l’autre va parler et a parlé, dans un effet de ping-pong généralement visible sur scène. Cette séquence finit sur l’une se jetant sur le mur du fond et l’autre par terre, créant véritablement une impression scénique.
En plus du jeu des actrices, l’espaces et -plus globalement- la mise-en-scène, font aussi écho à l’art théâtral. Hormis les séquences pré-hammam et la dernière du film, l’action d’A mon âge… se déroule dans un seul lieu : le hammam, créant un huis-clos bien utile lorsque l’on fait une pièce de théâtre pour des raisons pratiques. Bien évidemment, ce lieu n’est pas sans intérêt puisqu’il s’agit selon les dires de Samia, en plus des toits d’Alger, du seul endroit où peuvent s’évader l’esprit des femmes, sauf qu’ici, il n’est pas nécessaire d’avoir une excuse ménagère pour s’y rendre. Le film comporte ainsi cinq lieux : L’entrée avec l’accueil et le téléphone, la pièce où se lavent les femmes, les toilettes, la pièce où se cache Meriem et la mini-cour extérieur du hammam, là où viennent et partent ses occupants, limitant ainsi l’espace à des pièces définies. Déjà mentionné précédemment, l’utilité avec un seul lieu comportant des espaces définis, c’est que cela facilite les déplacements, les entrées et sorties de champs sont justifiables et n’incitent pas spécialement à un questionnement –du moins, au théâtre, car certaines sorties peuvent parfois rendre un effet assez étrange sur un écran, notamment lorsque la bombe tombe à l’extérieur du hammam, et que les femmes, pour une raison peu convaincante (qu’est la bombe), sortent toutes, exceptées les trois personnages nécessaires à la « scène » suivante. En plus de lieux peu nombreux, c’est aussi le cas des accessoires. En effet, tout comme au théâtre, les accessoires sont limités, bien définis, et sont présents pour faire avancer l’histoire : les oranges –cherchées par Fatima au départ, apportées aux femmes par Leïla lorsqu’elle hurle parce qu’elle voit une femme qui a ses règles, sont utiles pour comprendre le personnage qu’est cette enfant, une enfant traumatisée par des islamistes radicaux qui ont violés, égorgés, tués toute sa famille. Le téléphone, qui est le lien avec l’extérieur, permet à Baya d’annoncer à Fatima qu’elle ne veut pas de Samia, à Fatima d’appeler le plombier et à Samia d’appeler le frère de Meriem. Une fois que cet élément n’est plus utile à la trame, Fatima l’arrache et le remet « en coulisse ». La radio, que Samia écoute pendant que Fatima lave Leïla, permet de poser un contexte au film, (en plus de l’année 1995, écrite au début) puisqu’elle parle d’assassinats commis par des personnes revendiquant « Allah ». Les chaussures de Meriem, qu’elle oublie en arrivant au hammam, sont par la suite portées par Samia qui veut plaire à sa belle-mère, et lui seront fatales. Les cigarettes et briquets, faisant un rappel au titre, sont des éléments de libertés pour les femmes, celles-ci profitant du hammam pour défier l’un des interdits qu’elles ont au quotidien : fumer. Le dentier du mari d’Aïcha, permet de la faire venir au hammam, ce qui nous est nécessaire pour comprendre le personnage de Nadia, son ex-belle-fille, et sera utile à l’accouchement de Meriem, puisqu’elle est sage-femme. Enfin, le dernier objet, typiquement théâtral, est une chaise que Fatima apporte à Aïcha pour que celle-ci s’assoie, plutôt que de directement la faire asseoir dessus, dans une gestuelle clairement originaire d’une mise-en-scène théâtrale.


Un rapport au.x corps


Dans un rapport moins direct avec le théâtre, le rapport au.x corps, souvent utilisé dans les exercices théâtraux pour faire prendre conscience de celui-ci à l’actrice/acteur, est, dans le film, un élément extrêmement important –le lieu de l’action étant un hammam. La première action dans le huis-clos montre Fatima se laver. Elle reste ensuite assise, nue, ses bras entourant ses jambes, la cigarette à la main, profitant d’un des rares moments où elle peut se retrouver avec elle-même, sans pression sociale ni familiale. Ce lieu, loin de toute emprise de l’homme, loin des contraintes qui sont imposées aux femmes, leur permettent de se mettre à nu dans tous les sens du terme, afin de retrouver possession de leurs propres corps et d’en prendre un peu plus conscience.
Les femmes se lavent et se coiffent entre elles, et profitent de cette intimité pour se confier, raconter leurs problèmes, leurs désirs, leurs rêves, ce qu’elles ne peuvent dire en dehors de ce lieu. Le sujet du corps de la femme et de son utilisation est abordé constamment par ces femmes qui ne peuvent en parler ailleurs. La séquence la plus évidente sur ce sujet, est celle, juste après la bombe, où toutes les femmes sortent, exceptées Zahia au fond, Samia et Nadia, la deuxième étant sur la première pour la protéger du bruit qu’il y a eu précédemment. Nadia, avec juste une serviette ou un foulard autour de son corps, est sur une Samia nue. Leurs corps, l’un sur l’autre, appuient une intimité dans laquelle elles parlent de sexualité. Un plan rapproché nous montre Zahia qui se déshabille et se lave, tandis que Samia et Nadia parlent. Au mot « orgasme », le plan redevient plus large et montre les deux femmes allongées au centre et Zahia au fond. Samia évoque le plaisir qu’elle se procure elle-même, les deux femmes glorifient la masturbation. Lorsque Samia dit « heureusement, il y a les mains », le plan se rapproche sur Zahia qui se lave l’entre-jambe tout en écoutant, gênée, ce que disent les femmes. Ce parallèle entre deux femmes qui osent avoir une intimité et une qui la rejette au nom d’une croyance meurtrière est éminemment engagé. Zahia semble faire, en se lavant, ce que Samia et Nadia évoquent.


La foi


L’omniprésence de Dieu est mise en confrontation avec les discordances politico-religieuses des femmes. La religion prend une place très importante et crée des impasses entres certaines femmes quant à leurs opinions. A l’arrivé de Zahia, l’évocation de la religion devient oppressante, la sienne allant clairement à l’encontre du droit des femmes. A plusieurs reprises, Zahia et Nadia se disputent. Elles ont vécu les même traumatismes de guerre mais ont pris chacune un chemin différent et vont avoir de violents désaccords politiques et religieux. Zahia, ne parlant que dans le but de convertir les femmes à ses croyances, évoque ses frères et sœurs. Nadia l’interrompt, ses frères et sœurs lui ont jeté de l’acide parce qu’elle était en jupe plutôt que d’être « bâchée ». Zahia lui dit plus tard « si tu avais été voilée ce ne serait pas arrivé ». Ses propos iront jusqu’à dire « il n’y a pas de guerre propre », « le sang appelle le sang », ce à quoi Nadia répondra « vous n’aimez pas Dieu, vous vous prenez pour Dieu », « notre islam n’est pas votre islam », portant ici le message de la réalisatrice : il faut cesser de faire des amalgames entre islamistes radicaux et islam ! Au pique de leur dernière dispute, Nadia montre son ventre et ses seins brûlés à l’acide en hurlant. Un peu plus tard, elle fera comprendre une bonne fois pour toute la position de révolte de la réalisatrice en citant « Tu parles tu meurs, tu ne parles pas tu meurs, alors dis et meurs ».
A la fin, Zahia déclenche la rage du frère de Meriem en citant « un prophète » une fois avoir rejoint les islamistes radicaux, il tue alors Samia. Fatima le tue en retour, elle est seule, gauche cadre dans un plan large qui montre les femmes voilées de blanc les unes contre les autres. Le contre-champ, contraste le blanc divin des femmes en montrant des hommes en noirs et en colère. Ils prennent l’intégralité de l’espace, étant également sur l’escalier en fond, ils prennent la largeur comme la hauteur du cadre. Les femmes en niquab noir sont au fond, elles suivent mais ne parlent pas. Dès que Zahia va les rejoindre, elle n’apparaît plus comme un personnage précis, on la perd, elle ne parle plus, s’efface, montrant bien le rôle d’infériorisée qu’à la femme dans cette croyance qui fait du mal sous le nom d’un « Allah », d’un islam, qu’elle revendique sans connaître réellement. Bien plus que basé sur la religion, ce film porte avant tout sur les femmes et leur place dans celle-ci, leurs positions et leurs opinions diverses sont sans arrêt en confrontation, posant des débats politiques important qui devraient mener à la réflexion de toutes et tous.


Leïla


Leïla, la nièce de Fatima, est un personnage primordial quant à la dénonciation des agissements des islamistes radicaux. On comprend que le mutisme de la petite est dû au massacre de sa famille, « ses sœurs violées », « sa mère enceinte égorgée », « sa famille tuée » par des personnes qui évoquaient « Allah ». Plus qu’une enfant traumatisée, Leïla apparait comme une survivante, une enfant ayant vu la mort de très près, de si près qu’elle semble même en être revenue. On se demande assez vite quel est le rôle de ce personnage, plus mystérieux et moins précis que les autres. Lorsque Samia, décédée, reprend la narration du début –au passé cette fois- elle adresse sa narration à Leïla « libre, je m’envole au-dessus des vagues », « je ne pars pas seule, j’emporte les foulards avec moi, tous les foulards, parce que je t’aime, Leïla. ». On peut alors se demander si le début du film n’est pas le point de vue subjectif de Leïla qui regarde déjà en direction des foulards, et par conséquent en direction de la Samia morte. L’enfant est également la seule, à la fin, à voir les foulards noirs qui s’élèvent de toute part de la ville. Ces foulards dont lui parle Samia dans sa narration, semblent représenter l’élévation d’âmes des nombreuses victimes des islamistes radicaux. Leïla, sans partir trop loin, pourrait symboliser l’ange, enfant muette, témoin, arrivant nue dans le film, elle protège le bébé de Meriem et à un rapport très proche avec les morts.


Cadre oppressant


Dans le film, le cadre a un effet oppressant sur la spectatrice/le spectateur. Souvent très en mouvement, il est majoritairement utilisé en caméra épaule, rendant des effets particulièrement tremblant, surtout lors de scènes de l’ordre du traumatisme. En plus de la caméra épaule, la composition du plan enferme souvent les personnages condamnés ou violents à travers des surcadrage. Le premier surcadrage apparaît très tôt dans le film, lorsque l’on découvre Fatima pour la première fois depuis un toit. La caméra filme alors Fatima qui étend le linge dehors, puis, rentre à travers l’encadrement d’une porte-fenêtre. Son mari, assis sur le lit, la prend de force et la viole. De ce viol, nous ne voyons que les jambes des deux personnages à travers un miroir, lui-même découpé verticalement par l’encadrement de la porte-fenêtre, et horizontalement par les barreaux du balcon, mettant ainsi l’action dans un mini-cadre dans le cadre. La tranquillité, le silence au dehors du cadre où se passe l’abomination, met en évidence un quotidien tut. Tout le film se sert des surcadrages dans un but dénonciateur, il permet de montrer du doigt un type d’homme malsain, qui viol et se masturbe dans un coin consacré à la femme.
Outre cette dénonciation, le surcadrage est également utilisé contre la menace qu’est Zahia. Presque toujours vue, soit isolée dans un plan, soit surcadrée par un trou dans le mur, des portes, un miroir ou des poutres lui coupant une partie du corps, l’utilisation de ce surcadrage sur ce personnage, généralement utilisé pour les thrillers ou films d’épouvantes, agit sur le/la spectateur/trice comme un doute, une impression de menace imminente.
Un autre personnage est très souvent montré à travers un surcadrage pour une toute autre raison, il s’agit de Samia, le personnage qui sera victime de l’islamisme radical dont fait partie Zahia. Dès le début du film, Samia est condamnée par les plans dans lesquels elle apparaît. A son arrivée dans le hammam, on la découvre à travers un miroir devant lequel elle se met en tenue tout en parlant de l’homme de ses rêves. Lorsque « l’émigré » vient chercher sa sœur –Meriem- au tout début, Samia et l’homme se placent à travers l’encadrement de la porte, elle derrière le « draps des femmes ». D’ailleurs, pour le rejoindre, Samia passe par trois encadrements, chacun menant à l’autre dans des cadres de plus en plus petits –dû à la profondeur de champs. Elle semble s’enfoncer dans un tunnel qui se rétrécit de plus en plus. Plus tard, après avoir vue Meriem, Samia emprunte un autre chemin de surcadrages pour aller jusqu’au téléphone et prévenir le frère de la jeune femme. A plusieurs autres reprises, le placement de Samia dans le cadre joue ainsi sur un enfermement du personnage.
Lorsque Samia parle de la mer qu’elle adore admirer, elle ne va pas la regarder en se positionnant à l’endroit où Leïla, à la fin, regarde les foulards, mais devant un petit trou carré dans le mur, qui donne l’impression que la mer qu’elle regarde est une peinture. Ici, le cadre évoque plutôt un désir d’évasion qui parait inatteignable. On comprend que les encadrements ont un côté malsain lorsqu’ils sont à répétition sur un personnage ou une catégorie de personnes dans le film. Ainsi, lorsque les islamistes radicaux commencent à hurler et essayent de forcer l’entrée du hammam pendant l’accouchement de Meriem, les femmes bloquent ces encadrements en refermant les deux portes d’entrées, comme pour essayer de contrer le mauvais sort présent depuis le début du film.


Une agression des droits des femmes


Dans A mon âge…, Rayhana ne prend pas uniquement le parti de dénoncer l’islamisme radical présent dans les villes, mais également celui de montrer du doigt l’horreur que certaines femmes subissent au quotidien, et qu’elles-mêmes perdurent parfois, ayant pris l'habitude de ces limites imposées.
Lors du viol de Fatima au début du film, notre position, posée en haut d’un toit, assemblée à l’étroitesse du cadre dans lequel se passe l’action, nous plonge dans un malaise, au-delà de celui d’un spectateur ou d’une spectatrice, celui d’une personne qui voit la scène mais qui n’agit pas. Plus tard, Fatima dit que pour son mari, elle est « sale et impure » à cause de son métier de masseuse, alors même qu’il ne travaille pas. Dans une nouvelle scène d’impuissance –puisque passée- nous écoutons le récit du mariage de Louisa : « quand je me suis mariée, je pensais que le vagin ne servait qu’au pipi. » « T’avais quel âge ? » « 11 ans ».
Des viols métaphoriques sont également présents dans le film. On apprend que les hommes se masturbent dans la partie des femmes pour l’« odeur » de celles-ci. Plus tard, le frère de Meriem, énervé, arrache le drap des femmes posé à l’entrée du hammam pour signaler qu’il s’agit de « l’heure des femmes ». Enfin, les hommes entrent de force dans le hammam, lieu pour l’heure consacré aux femmes et, donc, interdit aux hommes. Cette violence est présentée aussi par des enfants, deux petits garçons. Le premier tend brutalement une épée dans la direction de Fatima dans un « allahou akbar » lorsque celle-ci est sur le point d’entrée dans le hammam, et c’est un autre petit garçon qui arrache la serviette autour de Fatima et fait découvrir ses bleus. Dans les deux cas le message est clair, c’est dès l’enfance qu’une personne apprend ou non à respecter les femmes. C’est donc à cette période que tout peut se jouer quant à la tournure d’un enfant au passage adulte.


Samia


Samia est en quelque sorte le fil conducteur qui donne une suite logique à tous les événements qui arrivent dans le film. Narratrice, elle fait presque aussi office d’auteure, puisque chacune de ses actions ont un impact sur la continuité du film.
On découvre Samia lorsqu’elle entr dans le hammam et raconte à Fatima le rêve qu’elle a fait sur une promenade en mer avec un émigré charmant à lunettes. Ces lunettes lui feront tomber sur le charme du frère de Meriem, qu’elle appellera pour dénoncer la présence de celle-ci au hammam et qui, venant la chercher, tuera non-pas Meriem, mais Samia, se fiant aux chaussures de Meriem que Samia a récupéré dès le début et a mis dans le but de séduire sa « future-belle-mère » qui devait la marier à un émigré, qu’elle pensait être, justement, le frère de Meriem.
C’est Samia qui fait entrer les femmes dans le hammam (puis plus tard est responsable de l’entrée des hommes par son coup de téléphone).
C’est elle qui trouve un dentier avec « une dent en or » par terre, ce dentier cause la venue d’Aïcha, la sage-femme qui fera accoucher Meriem.
C’est en voulant rectifier son erreur –d’avoir appelé le frère de Meriem- que Samia suggère l’idée que toutes les femmes restantes se déguisent en femmes enceintes sous des voiles blancs « comme dans Ulysse avec les moutons », hélas, se mettant elle-même en danger, puisqu’elle porte les chaussures de Meriem, sans le savoir.

Samia narre la même chose qu’au début, sa présentation, mais au passé. On comprend alors que dès le début du film, que Samia, personnage sacrifié, trace son destin, qui lui est fatal.


A mon âge je me cache encore pour fumer est une perle rare d’un engagement puissant mille fois ressenti par le/la spectateur/trice. Ce film dénonce une forme de dictature émergente basée sur la terreur et le massacre du droit des femmes sous le nom d’un « Allah » et d’un Coran qu’ils ont eux-mêmes transformés pour faire régner la peur. Dans ce film, Rayhana donne la parole aux femmes, à toutes les femmes, et n'ajoute presque aucun effet sonore (la quasi-totalité des musiques du film sont intra-diégétiques), appuyant au passage sur un décalage religieux et/ou générationnel. Le film est presque uniquement la voix, les sons, les gestes des femmes, ce qui renforce le réalisme de l’œuvre. On comprend que le fait de placer l’action dans un hammam est primordial puisqu’il est le seul lieu présenté comme libérateur pour les femmes. S’appuyant sur des exemples cruels mais révélateurs pour les spectateurs/trices, A mon âge…, est un pari risqué plus que tenu par Rayhana, qui laisse la parole à des victimes peu écoutées mais qui, de toute évidence, devraient l’être.

EloSMytilène
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le 28 mai 2017

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