Derrière ses faux airs de documentaire, ce portrait d’une adolescente qui réalise l’emprise de la mafia sur sa famille questionne avec élégance la nature des liens familiaux.
Le film s’ouvre en gros plan sur le visage de Chiara (Swamy Rotolo), une jeune fille de 15 ans qui court sur un tapis de course dans une salle de sport. Puis on suit Chiara dans sa famille ou avec ses amies. Eclairage naturel, caméra embarquée, acteurs non-professionnels, tout concorde avec un portrait réaliste sur la jeunesse d’une petite ville de Calabre. Soudain, un proche part sans laisser de trace, l’omerta règne, Chiara devient obsédée par cette disparition et le film se transforme en thriller existentiel.


Cela fait maintenant trois films que le réalisateur italo-américain Jonas Carpignano a installé sa caméra dans la ville de Gioia Tauro. Selon Carpignano lui-même, cette ville serait un véritable laboratoire pour ausculter les symptômes de la mondialisation. Il y a raconté le parcours des migrants fraichement débarqués en Europe dans Mediterranea, les déboires d’un jeune adolescent de la communauté Rom dans A Ciambra et finalement ce récit d’émancipation familiale sur fond de malavita dans A Chiara.
Loin de se répéter, Carpignano évolue tout en gardant les ingrédients qui font la force de son cinéma. Comme lors de ses deux précédents long-métrages, son approche flirte avec le documentaire et met en scène des protagonistes qui portent souvent le même nom que leurs interprètes. Par exemple, la famille à l’écran est jouée par une famille à la ville. Dans le cinéma de Capignano, les personnages du dégagent non-seulement une authenticité implacable mais également un charisme qui n’a rien à envier à celui de comédiens plus confirmés. Ainsi, pendant le premier acte, le réalisateur déroule sa partition habituelle, maitrisée mais déjà vue. En revanche, le cinéaste innove lorsque son film bascule dans une sorte de faux thriller où l’enquête de Chiara permet de tisser le portrait d’une famille et de questionner la nature des liens familiaux avec élégance et justesse. On constate que l’auteur semble privilégier un récit plus écrit et n’hésite pas à proposer des ruptures oniriques contrastant soudainement avec son style très réaliste. En racontant la quête existentielle d’une adolescente à travers l’activité souterraine (littéralement) de la ‘Ndrangheta, le film devient bien plus qu’une chronique sociale et délivre un message beau, surprenant et universel.

el_blasio
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le 1 avr. 2022

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