— Eh real_folk_blues, c’est quoi ce pseudo plein d’underscores trop chiants ? Je peux t’appeler R_F_B pour aller plus vite ?
— Oui si tu veux, néanmoins tu devrais peut être enlever les underscores qui restent. Ou ne pas m’appeler du tout. Qui es tu, au fait ?
— Ok RFB. Beuh je suis un interlocuteur fictif venu te dire que tu devrais faire une critique en dialogues pour coller à la mouvance du moment et tant qu’à faire, puisque c’est bien pratique, je vais t’aider.
— C’est super.
— Fait pas c’te tête, ça va être rigolo, si tout le monde le fait c’est que c’est forcement trop bien.
— Et de quoi tu veux que je parle ?
— On fait une critique de toèlve yirzeuze slève ? Je sais que tu veux en parler, tu peux pas t’empêcher de chier sur les films à Oscar, ne serait ce que pour le principe.
— Tu me connais bien, comme c’est étonnant.
— Je te l’avais dit que je serais pratique, niveau rhétorique tout ça tout ça.
— Oui. Bon. Et alors ? Tu veux qu’on fasse comme si on parlait ensemble ?
— Oui, voilà. On commence ?
— C’est pas une critique de Fight Club, que je sache. En plus on a bouffé une vingtaine de lignes à se parler à nous mêmes et on a…j’ai encore rien dit sur le film.
— Ben raconte.
— Très bien. Tu prends une dizaine d’acteurs connus, tu prends Hans Zimmer, tu prends un sujet super consensuel.
— Oui ?
— Et voilà.
— Non, déconne pas, fait le sérieusement !
— C’est pas bientôt fini tes conneries ? J’ai le Majordome à regarder moi !
— Mouah ha ha ! T’es trop drôle RFB !
— ...
— Allé, continue !
— Tu vois, je croyais jusqu’à présent que Steve McQueen était un acteur blanc et blond. Mais un sujet comme l’esclavage fait apparemment de nous tous des réalisateurs noirs homonymes. En tout cas, et ces Oscars semblent le confirmer, un tel sujet nous concerne encore tous ; nous autres rendus témoins et pourquoi pas coupables.
— Attends tu pars où là ? Je comprends rien à ce que tu racontes. Je comptais faire un truc rigolo, pas de la philosophie.
— Je ne suis pas quelqu’un de rigolo…
— Le film a eu un Oscar, c’est pas rien tout de même !
— Oui. En effet c’est quelque chose d’incroyable ; il y a deux ans un chien qui jouait dans un film muet a faillit en avoir un aussi…
— T’es vraiment trop cynique… !
— Le cynisme est une forme de lucidité.
— Et n’est stupide que la stupidité !
— Tout à fait…
— Bon, tu racontes maintenant ?
— Une fois que tu as tes acteurs connus, que tu en as plein, et que t’es donc dans la merde pour tous les payer parce que ces connards ne prennent ordinairement que des cachets à six zéros, tu leur dit que c’est un film sur l’esclavage. Tu leur dit aussi que c’est pour les Oscars. Boum : t’en as 10, 15, 20 qui pointent pour un bouchée de pain. Là en plus ils se sont gavés ; ils ont fait cracher Brad Pitt à la production. C’était couru d’avance, l’esclavage il connaît ça, il a acheté des noirs et des asiatiques pour faire du travail de communication forcé.
— C'est dégueulasse ce que tu dis !
— En attendant tout le monde est fier de lui même. In fine ils se sont auto promus, auto félicités, auto récompensés ; à défaut de s’être auto flagellés.
— Arrête, on voit bien dans le film que les blancs c’est des connards d’esclavagistes de merde.
— Ben c’est bien là le problème de ce film de connards de capitalistes de merde. On voit. Mais on ne montre rien.
— Tu rigoles ? Y a des bouts de nichons et du dos en charpie ! On nous montre tout.
— Oui, on nous montre tout ce qu’on a déjà vu. Résumé : le gentil noir est réduit injustement en esclavage, les blancs sont des connards d’esclavagistes de merde, ou quand ils sont pas méchants ce sont des connards d’esclavagistes gentils de merde. Les blancs boivent, abusent de leur pouvoir et usent de propos racistes et à caractère religieux. Les noirs, pourtant blancs comme neige, s’en prennent plein la gueule et inventent le blues.
— Y a de quoi broyer du noir…
— Tu deviens drôle.
— Je déteins sur toi. Mais sinon, tu te rends compte, c’est tiré d’une histoire vraie !
— C’est bien pour ça que c’est encore plus chiant. De une, ce Salomon n’est pas le seul a avoir vécu cette mésaventure. Et de deux, la vie, malgré toute sa panoplie de saloperies injustes et d’emmerdes révoltantes, ça n’a rien d’extraordinaire. Ce n’est pas extraordinaire ce que ce film nous vend, c’est le passé. C’est même quelque chose qui était ordinaire et accepté. Moi ce qui m’aurait plus intéressé ça aurait été de voir un vrai film sur l’esclavage ; un qui le dénonce dans une réalité bien contemporaine sous n’importe laquelle des formes qu’il conserve encore, et pas cette espèce de peinture larmoyante de faits irréfutablement révoltant mais illustrés et questionnés maintes fois dans plusieurs autres films avec toute la sincérité dont celui ci manque.
— Attends c’est un réalisateur noir qui l’a réalisé !
— Ne le dis pas à Spike Lee, déjà qu’il a les boules de ne pas avoir pondu Django Unchained… !
— Mais RFB, c’est tout de même vachement symbolique !
— Non. Ce qui est symbolique c’est qu’en 2008 les États-Unis aient élu un président noir en regard de leur histoire. Un film qui se branle sur l’esclavagisme en prenant bien soin de ne pas froisser un certain académisme a autant d’écho pour la cause noire qu’un pet de mouche sous une couette.
— T’es chiant à toujours la ramener. Quel rabats-joie !
— Désolé. Tu peux toujours te réjouir, malgré tout l’académisme demeure ironiquement inébranlable ; la preuve. Quant aux questions futiles concernant la justification de la ségrégation raciale et sa portée sur les mentalités et pratiques en balance avec les valeurs puritaines de la civilisation américaine...
— Tu pourrais au moins reconnaitre ses qualités formelles… !
— Oui, tu as raison passons sur l’écriture détachée…
— Tu recommences !
— Mais non. Formel, tu disais.
— Oui.
— Hans Zimmer se branle sur son pupitre.
— C’est tout ce que tu trouves à dire ?!
— Avec un nom pareil, il doit certainement être d’ascendance nazie.
— Oh tu fais chier RFB ! T’es pas drôle !
— Ça je te l’avais dit.
— Mais c’est Hans Zimmer, tu as idée du nombre de superbes musiques de films qu’il a composées ?
— Non, mais lui il doit le savoir.
— T’es vraiment qu’un gros con sarcastique et aigri.
— Allé, il y a de belles images aussi.
— Ah, tu vois que McQueen filme bien !
— Oui, le Sud des USA est une merveilleuse région.
— …
— Quoi, ils sont beaux ces paysages.
— Mais alors pourquoi tu as mis 4 si c’est si nul ?
— C’est pas nul. C’est chiant, c’est vain, c’est facile, c’est désincarné.
— Je te repose donc la question.
— Bah…Ça joue pas trop mal.
— C’est tout ?
— C’est propre.
— Et… ?
— Il a eu un Oscar ?
— Mais enfin RFB, ça c’est pas une raison !
— Ah tu vois, c’est ce que je disais.
— Argh mais tu me tourne en bourrique !
— Mais non, je ne voudrais pas déchainer ta colère.
— Tu fais de l’humour noir ?
— Peut être. Bon tu peux te casser maintenant que t’as eu ta critique en dialogue à la mode ?
— Je me casse, je me casse. Mais tu devrais avoir honte de toi.
— Eh bien, parler librement avec toi, c’est coton !
— Ha…ha…ha…

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le 14 mars 2014

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real_folk_blues

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