A mon sens l'une des pierres angulaires de la BD française.
Pour ce premier volume de la célèbre trilogie, il abandonne la collaboration avec Pierre Christin, et se lance dans un scénario qui fait la part belle à ses thèmes de prédilection et laisse libre court à sens de l'anticipation.
Soit un futur proche (2023) où le Grand Paris, sorte de Cour des Miracles façon Guerre des Etoiles, est gouverné au débotté par un Mussolini Bis aux yeux fardés. Le pessimisme politique qui émane de cette vision de l'avenir évoque "Le meilleur des mondes" ou "1984", et préfigure "running man". Visuellement, l'auteur nous offre des images familières de la capitale, gangrenée par des bubons architecturaux et survolée d'engins farfelus qui ont dû faire rêver des générations d'étudiants en esthétique industrielle.
Justement, dans les airs stationne une pyramide de pierre, habitée de dieux très humains, n'étant leur anatomie... minérale. Ce qui n'empêche pas la sensualité, mais on y reviendra. On entre de plain-pied dans une critique goguenarde des religions, qui met à mal l'idée d'un dieu tout-puissant et souligne les mises en scène d'opérette (Georges Brassens n'est pas très loin) et la marchandisation des sacrements.
Alcide Nikopol, héros malgré lui et double de l'auteur, est le jouet des évènements, et pose sur l'époque un oeil désabusé et narquois. Tout en décrivant une atmosphère lourde et délétère, Bilal truffe son récit de clins d'oeil plus ou moins ironiques, qui évitent à cette BD magistrale de se prendre trop au sérieux. On relèvera entre autres le faire-part de décès d'un certain "Etien Robiolles", loyal milicien dévoré par un oeuf non cuit.
Sur le plan graphique, les hachures sont encore très présentes, et illustrent à merveille un univers crasseux et baroque, un peu rigide dans la représentation des personnages mais d'une grande rigueur de construction. Les images ainsi obtenues sont somptueuses et méritent amplement la lecture de l'ouvrage. Et comme évoqué plus haut, le lecteur est gratifié d'un paire de fesses ici et là, histoire de rappeler que la BD s'adresse aussi aux adultes, sans pour autant tomber dans le racollage façon Gillon !
tizboe
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le 17 juin 2013

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