Yeti Season
7.7
Yeti Season

Album de El Michels Affair (2021)

Trompettes et cuivres, piano classique et sections rythmiques infinies, bienvenue dans l'univers singulier d'El Michels Affair. Un groupe américain, voyageur, formé par Leon Michels, un New Yorkais de 38 ans, qui a joué avec des personnalités du Rock, du Blues, avec par exemple Dan Auerbach des Black Keys ou Lana Del Rey.
Il est le créateur du label Big Crown avec Danny Akalepse, DJ depuis 1993, qui vient du DJing façon Battle, là où, à l'époque, c'était vraiment vos compétences sur lesquelles reposait votre réputation. Avec plus de deux décennies de djing à son actif, il est devenu très respecté dans les cercles Soul, Funk et Hip Hop du monde entier. Partageant son temps entre la radio, les battles, le DJing et la collecte de vinyles, il a développé une oreille pointue et ouverte sur les musiques du monde entier.
Mais revenons à Leon Michel, ce dernier est très à l'aise aussi avec la Soul, la Funk, le Reggae et tout ce qui s'y apparente comme le Hip-Hop voire le Trip-Hop. Il joue de presque tous les instruments et avec son groupe, "El Michels Affairs", il est pour sujet, bien souvent, d'une musique sans paroles qui, ici, est appelé par les américains, de la "Cinematic Soul". Il y a eu notamment, 2 albums de reprise instrumental du Wu-Tang Clan, et avec eux, ce fût un peu une histoire de boomerang puisque le Wu-Tang qui, justement, samplait, échantillonnait beaucoup de Classic Soul, était à leur tour repris par Leon et son orchestre en intégrant les boucles des rappeurs mais tout ça sans leur paroles. Le résultat : L'incroyable "Enter The 37th Chamber" en 2009 et "Return To The 37th Chamber" en 2017. Fou!

Et l'année dernière, lui et son groupe ont accompagné Mr Freddie Gibbs sur "The Diamond Mine Sessions", un petit Live exquis de 3 titres visible sur Youtube ici


Dans "Yeti Season" qui est sorti le 26 mars dernier, la part belle est laissé aux instruments, comme d'hab, mais aussi aux voix et surtout à l'évasion.


On pense parfois à une musique d'un film qui n'existe pas. Désolé, je sais, c'est un cliché souvent entendu mais réellement, la musique d'El Michels Affairs fait dérouler sous nos yeux, des paysages, des atmosphères, des sensations presque palpables. Parfois on se croirait en Turquie, puis dans un film des 70's/80's. On peut entendre, à un moment, le son du vent prendre autant de places que des chœurs. On se croirait au Tibet quand dans la minute suivante, on s'imagine dans l'Europe méridionale.


Alors, on entend tout de même des voix dans Yeti Season, notamment celle de Piya Malik, une chanteuse anglaise, installée à New York. Généralement on l'entend dans un répertoire plus Jazz Pop. C'est une artiste très attachée à sa culture indienne et à Paris (elle y a vécu un moment). Et cette culture, on l'entend de toute son âme dès l'intro. Le brillant et psych-funk Hindi "Unathi" était déjà sorti en 2018. Les instruments live et les effets divers rencontre Piya Malik, et la chimie se déclenche. D'un ton doux, Piya nous transporte vers je ne sais où, sa voix aussi caressante que le funk est serré, les riffs tendus. Leon explique à quel point Piya a eu une influence sur la direction du nouvel album: "Quand Piya a commencé à chanter en hindi, elle avait une voix différente, un ton différent. Je savais que nous devions faire quelque chose ensemble. Et elle apparaît donc sur quatre des onze titres de l'album."


La seule autre voix qu'on retrouve dans l'album est celle de Shanon Wise du duo The Shacks, originaire de Brooklyn, composé de Max Shrager (instruments) et, donc, de Shannon Wise (chant).
Duo signé aussi chez Big Crown Records, Je vous conseille vivement d'aller écouter leur EP simplement nommé "The Shacks", c'est un tandem énormément influencé par le rock psychédélique des années 60 avec des influences plus 90’s. La voix presque susurrée de Shannon Wise nous procure des frissons sur des compositions à la fois aériennes et vintages, ainsi que d’autres plus psychédéliques.
Ici "Sha Na Na" est un son parfait pour ce printemps qui s'installe. C'est languissant, cool, la chanteuse nous honore avec un joli crochet, elle prend le titre et l'enveloppe dans une mélodie paresseuse se mélangeant sur une basse rétro et un orgue lugubre. C'est le thème de n'importe quel film du festival de Cannes en 1969.
"Ala Vida" est fait de toutes les bonnes choses; accords de piano cliquetants , gros cuivres, scintillement rapide, on est dans un film italien, plus précisément dans une belle Alfa Romeo blanche des années 60 qui glisse le long des routes de montagne; votre passagère, une femme séduisante. C'est une chanson filmée en technicolor.
"Fazed Out" commence par un brillant riff de type sitar, qui est rejoint par une montée des basses et des cuivres, puis grimpe encore plus haut avec des orgues, la mélodie tourbillonnante et inversée transporte. Il n'y a plus de frontière, plus rien à quoi se raccrocher, le Trip est total.
L'aventure se poursuit avec "Murkit Gem", sorti à la mi-janvier déjà. Piya est une fois de plus notre guide vocal pour un groove aux accents Bollywood, un fanfaron rythmique effronté; Piya chante puis joue avec la réverbération. Entrainante et remplie d'une richesse de détails sonores, voilà une danse de salon comme j'aime.
nous sommes maintenant dans "Lesson Learned"; le rythme le plus lent de l'album nous plongeant dans un océan d'harmonies et de flûte. Il y a un côté glorieux et mélancolique, c'est kitsch à merveille et on se demande où Leon Michel trouve-t-il ces excellents airs.
Piya Malik revient sur le génial "Duhaan", un superbe groove saturé, un festival de caisses claires, des riffs intenses qui se tissent dans un labyrinthe sonore, le tout secoué par des chuchotements, cris et éclats de rires.
"Perfect Harmony", qui suit est court mais étrange, comme une réalité distendue et déformée que vous obtenez dans certains films de Tarantino et Sergio Leone. Une interlude joyeuse et ludique, presque enfantine.
"Silver Lining" est une odyssée transpirante et sexy, construite autour d'un instrument à cordes bien pincé. À cela s'ajoute un peu de trompette triomphante et surtout un balayage de clavier de piano de haut en bas, donnant un aspect rayonnant et majestueux au morceau.
"Zaharila" voit Piya prendre un dernier tour derrière le micro, un morceau avec un doux chatouillement de wah-wah, un western spaghetti TexMex. Elle n'hésite pas à pouuser la voix accompagnés par des trompettes (encore elles!) qui ont l'air de donner tous ce qu'elles ont. C'est vraiment prenant. Puis la dernière minute est folle, c'est un passage déclamatoire de mots parlés dans lequel Piya plonge dans un écho hallucinogène, tout s'accélère et monte vers son apogée de flûte trippante. Mais qu'est ce que je viens d'entendre!!?
Et votre bande originale d'un film que vous ne pouvez qu'imaginer se termine en apothéose avec "Last Blast". Tout sonne comme la fin idéale; un rythme parfait pour les cuivres, la flûte, les percussions, le piano, vous êtes sur l'autoroute pour vous rendre en ville maintenant, le soleil se couche dans cette flûte désenchantée. Le générique défile sous vos yeux ébahis, c'était un court métrage de 38 minutes qui sonne comme une éternité.


"Yeti Season" est, vous l'aurez compris, littéralement étonnant. Leon, qui a perfectionné son art en tournée, comprend clairement cette musique, il est un maître absolu dans son métier. Glissez Yeti Season sur les platines, vous avez la bande-son rétro la plus diversifiée, la plus excitante qui vous attend; c'est un découverte fracassante pour moi et je me demande maintenant si il existe qlq un de meilleur dans ce domaine.
J'ai lu une phrase d'un admirateur sur un site américain qui m'a bien plus : "Leon Michel répond aux attentes de l'inattendu sur son nouvel album." Je trouve que ça explique un l'aura de l'artiste.
D'ailleurs, ce dernier a dit : "Il faudra peut-être un année terrible comme celle qu'on laisse derrière nous pour trouver de l'espoir dans une créature hivernale aux grandes pattes comme un Yeti, mais c'est là que nous en sommes." Alors ok, comprenez ce que voulez.
Nous ne savons pas ce que représente le Yéti dans le concept global, mais nous savons très bien que Leon nous emmène avec sens, compréhension et rythmes du monde entier, dans un voyage où les royaumes ne seront jamais clos pour raisons sanitaires ou politiques.
Fermez les yeux, ouvrez vos oreilles, bon voyage.


9/10

BRKR-Sound
9
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le 27 mars 2021

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