Wishville
Wishville

Album de Catherine Wheel (2000)

Certains groupes ont des chefs-d’œuvre dans leur discographie. Mais ils peuvent avoir également des albums qu'on occulte volontairement.


Wishville, c’est typiquement le disque dont on n'a pas envie de parler. On fait mine de l’oublier lors des discussions en soirée, prétextant un « je ne le connais pas ! », un « je ne m’en souviens pas… » ou autre « aaaah, il faut que j’aille aux toilettes ! ». Encore faudrait-il que beaucoup de monde connaisse Catherine Wheel. Cette bande fantastique dont tout le monde n’a strictement rien à faire excepté quelques vioques qui ont vécu les années 1990 en direct. A moins d’une reformation, cette situation n’est pas prête de changer.
Néanmoins, cela ne change pas le fait que personne n’a écouté ce skeud chétif. Alors, pourquoi un tel oubli même chez leurs fans les plus endurcis?


Adam and Eve n’était pas fameux, Wishville est pire. S’il est difficile de ne pas exploser en superlatifs lorsqu’il s’agit d’évoquer les premières œuvres de ces braves petits gars, aborder le cas de leurs dernières traces discographiques met dans l’embarras. Cette pochette est déjà révélatrice d’un changement entamé depuis 1997. Une image sans aura (pourtant encore imaginée par Storm Thorgerson) où on peut observer Rob Dickinson assis, sûr de lui, adulte… En effet, son rock se veut désormais mature, maitrisé, pour ne pas dire "middle of the road"… La maturité, aussi glorieuse que soit cette qualité, n’est pas un élément rendant le rock et la pop excitante (mais on peut appliquer ça à la musique dans son ensemble en vérité). Bien au contraire.


Toutefois, les premiers moments de cette ultime sortie nous feraient presque mentir. Aussi basique que soit « Sparks Are Gonna Fly », c’est une chanson d’une efficacité redoutable. On en vient à espérer de nouveau un retour à une énergie et une spontanéité qui s’étaient perdues entre temps. « Gasoline » ne confirme pas cette impression, car étant une pièce mid-tempo pas si éloignée de la ballade. Aucune importance au final, puisque ce titre est très beau. Rob se donne à fond comme il avait pu le faire dans le passé. Cela n’augure que du bon pour la suite… Du bon qui n’arrivera jamais.


On a plutôt droit à une demi-heure qu’on sent passer très lentement. Les secondes deviennent des minutes. Les minutes devenant des quarts d’heures. En ce petit espace de temps, Catherine Wheel dévoile ce qu’il est devenu : un mauvais groupe de rock FM ou de variété rock si vous préférez. Alignant les banalités mélodiques (« Idle Life », « All of That » ou encore l’atroce « Mad Dog ») enrobées de beaux sentiments dont la fadeur est inexcusable. C’est simple, il n’y a rien à retenir. Si ce n’est que même la présence d’un frontman habituellement magnétique comme Rob Dickinson ne parvient pas à sauver les meubles.


Pour être franc, ce qui est mémorable n’est pas glorieux. Le refrain de « What We Want to Believe In » ? Du U2 de supermarché. « Ballad of a Running Man » surnage dans cette bouillasse sans saveur parce qu’elle renoue avec un rock un minimum puissant et bouleversant (notamment grâce à cette envolée d’harmonica). Mais à quoi bon s’attarder sur un morceau tout juste correct et ayant déjà été composé d’une bien meilleure façon auparavant ?
Ce n’est pas la lénifiante conclusion « Creme Caramel » qui pourra terminer cet effort final sur un bon point. Rob cabotine et se laisse aller à de vaines envolées très gênantes pour lui. C’est toujours moche d’assister à la déchéance d’un interprète ayant su nous toucher au plus profond de nous. Surtout quand on constate qu'il se dirige vers le tiède et l’inodore.


S’il fallait absolument trouver un mérite à Wishville en cette année 2000, c’est de posséder cette prescience annonçant la banalisation du rock alternatif en un pop rock formaté à l’extrême et dépourvu de la moindre âme. Un mérite qui n’en est donc absolument pas un et laisse un goût terriblement amer dans la bouche. Catherine Wheel finissant exactement de la même manière que Ride : écrasé lamentablement au sol après avoir atteint des sommets qu’eux seuls ont pu tutoyer.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 28 nov. 2015

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