
Je parle souvent tout seul. Je discute. Avec moi-même. Je m'exprime. Dehors, il pleut. Il pleut mais il ne fait pas froid. L'air est lourd, chargé d'une litanie lancinante. Tout semble cloué au sol. Pourtant, tout décolle. Les objets lévitent. C'est soudain et bref mais ça dure assez longtemps pour qu'on le remarque. Je dis "on" parce qu'on est plusieurs. Les autres viennent d'arriver.
Au bout du couloir, il y a un grand prisme incandescent sous une plaque de verre. Tout le monde le regarde. Qu'il soit ici ne pose de problème à personne. Il a toujours plus ou moins été là. Sa lumière nous inonde. Elle émet un bruit sourd, un grondement lointain, alors que nous sommes tout proches. C'est étrange. Mais, encore une fois, ça ne pose de problème à personne.
Les murs de la grande salle sont recouverts de plaques métalliques rouges. Le couloir que nous avons emprunté, lui, est noir mais la grande salle est rouge. Rouge sang. J'ai toujours aimé le rouge. Les murs de la petite salle, eux, sont oranges. J'ai toujours détesté ça, le orange, alors que c'est une couleur très proche du rouge. Les murs de la grande salle sont rouges. Le prisme est jaune.
La plage. Le sable qui glisse entre mes doigts. C'est angoissant. J'ai toujours détesté l'eau. Ce n'est pas l'eau en elle-même qui me repousse. Ce sont les autres. La plage. Il y a toujours du monde sur la plage. Les gens ne parlent pas. Ils se regardent. Ils sont aveugles mais trouvent le moyen de se regarder. Il y avait du sable devant le prisme. Du sable blanc.
Des murmures. Je suis le seul à les entendre. Les autres ne sont pas là. Mon cœur se sert. Je sens comme une force qui appuie en moi. Une série de chiffres, de nombres, se répète sous mon crâne. Un message ? Un code ? En fait, je m'en fous. Je déteste les chiffres mais là, ça va. J'aime bien. Au moins une fois dans ma vie je saurai pourquoi mon cœur s'emballe. Je n'ai pas à réfléchir. Des murmures.
Tomorrow's Harvest c'est quand je pense un peu à moi. Quand je suis tout seul, dans mon petit monde. La porte est fermée.
J'ouvre les yeux. Il n'y a plus de musique. Ne voir personne est mon combat à plein temps.