The Off‐Season
6.8
The Off‐Season

Album de J. Cole (2021)

Cela fait trois ans que J. Cole a sorti "KOD", son dernier album, et a annoncé son prochain projet, "The Off-Season".
"KOD" lui a valu une place controversée dans le hip-hop en grande partie en raison de critiques à peine voilées qu'il avait lancées à d'autres rappeurs. Un album qui parlait de ses lamentations sur les vices (argent, drogue, sexe) corrompant la jeunesse et de la nouvelle génération capricieuse de rappeurs aidant à colporter ces poisons.
Alors que ses pensées sur l'adoration aveugle des rappeurs et l'art superficiel des «Lil» sont valables, d'autres ont critiqué sa musique comme condescendante, soulignant un niveau de déconnexion qui accompagne un succès significatif.
Mais sur "The Off-Season", J. Cole se débat avec une conscience de soi et de son statut d'artiste tout en réfléchissant à ses propres expériences.


"The Off-Season" contient cette souche d'une star plus sage, mais il suffit de l'ouverture exceptionnelle, "95.south", pour nous désavouer de toute notion de compassion paternelle. La chanson, avec une introduction bourrue du rappeur Cam'ron et un extrait de Lil Jon, a une sorte de grandiosité frontale dans sa production et une arrogance jouissive de Cole.
une superbe introduction à un changement distinctement nouveau dans la vision de Cole ici.
Le morceau suivant, "amari", jette un regard sur l'éducation de Cole et comment le désespoir et la violence lui ont servi de toile de fond, le tout sur un beat Trap acoustique à la mélodie douce comme du miel. J'ai cru, à la 1ère écoute, que Gunna allait débarqué.
"my.life" est une autre plongée psychologique profonde, montrant comment les problèmes familiaux fracturés de Cole ont été le catalyseur de sa motivation à réussir. 21 Savage revient également, faisant de ce genre de piste une suite de "A Lot" de 2019. Remarquablement, 21 continue de s'améliorer sur chaque piste, sa prestation addictive et sa vulnérabilité surprenante transparaissent vraiment. La touche Morray est un vrai plus à ce qui va être, à coup sûr, une des chansons de l'année.
"applying.plessure" ralentit les choses avec un boom-bap discret et une mélodie raisonnante alors que Cole examine comment son succès a influencé son art. Son désir de grandir et d'explorer tout en restant fidèle à sa vision contraste fortement avec celui de ses pairs du hip-hop qui conservent une façade d'hédoniste endurci par la rue.
"punchin'.the.clock" continue avec le Old School rythmique alors que Cole parle son traumatisme personnel d'avoir vécu la violence dans son enfance, et le sentiment prolongé d'anxiété et d'isolement qui en a découlé. Il échantillonne ici une conférence d'après-match de la star du basket Damian Lillard.
"100.mil" Ft Bas, est très représentatif de cet album : des flux constamment agressifs qui se présentent avec des punchlines accrocheuses mais pas forcément axées sur la vantardise, elles s'intègrent plus dans la texture que dans les images de l'album.
"pride.is.the.devil" fait revivre la mélodie de "Cant Decide" d'Aminé, et montre un J. Cole qui examine comment la nature orgueilleuse de ceux qui l'entourent a détruit des vies, des relations et même laissé une méfiance inconsciente envers ceux qui lui offraient des éloges. Lil Baby prouve que ce n'est pas juste un "Banger" rappeur et s'élève superbement au niveau de son acolyte.
"let.go.my.hand" est profond et introspectif, comme une chanson de 6lack qui fait une apparition avec Bas. La production de Dj Dahi est exceptionnellement touchante avec un Cole utilisant les parallèles de son fils grandissant, (qui est maintenant trop cool pour tenir la main de papa), à sa propre maturité.
"interlude", le titre avant-premère, est, pour moi, un très grand moment de carrière. Quelle chanson putain! En 2 min 13 et dans un seul couplet, J. Cole aborde plusieurs sujets: La violence armée dans les rues des États-Unis - en particulier dans les régions où il a grandi. Il se souvient comment une mère pleurant sur son fils abattu était devenue une observation trop fréquente. Traumatisé presque chaque semaine, cela le rendait plus fort.
Il y a aussi de la vantardise, il dit que beaucoup d'artistes ne pourront même pas égaler ses chiffres de vente même s'ils sortent des doubles albums.
Puis Cole revient à la discrimination raciale aux États-Unis. Il nous rappelle comment le nombre de morts des Afro-Américains continue d'augmenter chaque semaine. Il les qualifie de "sans voix" probablement parce qu'ils sont ignorés et privés d'opportunités équitables dans la plupart des domaines de la société.
Enfin, il termine le couplet en rendant hommage à deux artistes que nous avons perdus récemment - Pimp C et Nipsey Hussle. Tous deux moururent à l'âge de 33 ans. J. Cole établit un parallèle entre ces morts et le décès de Jésus-Christ, qui serait également mort à l'âge de 33 ans. J. Cole sait qu'ils sont tous les trois, ensemble, au ciel.
Les deux coups de poing que sont "the.climb.back" et "close" rappellent le J. Cole de la fin des années 2000 - le premier mettant la violence armée sous le microscope évoque des images impressionnistes obsédantes des étés sanglants et des circonstances violentes qui coûtent la vie aux Noirs. Le second, avec des échantillons de "Valerian Root" de MF DOOM, raconte la descente d'un ami dans les coins les plus sombres de la rue, et surtout de sa vie, et comment cela l'a finalement conduit à la mort prématurée.
La dernière chanson "hunger.on.hillside", pleine de bienveillance, rassure les auditeurs qu'il n'en a pas encore fini et par la même occasion, donne de la force à ses fans.
Sur une jolie prod de Boi-1da, Cole laisse Bas boucler son 6ème album sur ces mots :
"God has a plan for you, and all you've got to do is believe, believe"


Bien que le Hip-Hop continue d'évoluer et d'être même considéré aujourd'hui comme la nouvelle Pop, J Cole fait office, ici, de Titan traditionnaliste inébranlable.
"The Off Season" prouve que sa faim pour le trône n'a pas disparu mais il donne pas l'impression qu'il cherche à tout prix que vous lui disiez qu'il est le meilleur, il veut juste le prouver et il est indéniable que cet album illustre une volonté profonde de réfléchir sur son personnage.
Est ce un classique? Trop tôt pour le dire bien sûr, mais facilement parmi les meilleurs albums de 2021 jusqu'à présent. Aucun doute là-dessus.


8/10

BRKR-Sound
8
Écrit par

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le 15 mai 2021

Critique lue 714 fois

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