Comment (bien) faire du neuf avec de l'ancien

Une grande messe vivaldienne ?? J'ai immédiatement mordu à l'hameçon qu'agitait Spotify fin juin, sans même regarder la composition de ladite messe. Et de me dire dès les premières mesures : "tiens, ça sonne familier". Pour cause : il n'y a pas de musique inédite dans ce disque. Paul Agnew, co-directeur depuis 2013 des Arts florissants de William Christie, a décidé de reconstituer ce qu'aurait été une messe du prêtre roux (il ne nous en est pas parvenue). Pour ce faire, des pages bien connues de son répertoire sont accolées : le Kyrie (RV 587), le plus connu des trois Gloria (RV 598) et le Credo (RV 591) étaient prêts à l'emploi.


Nos musiciens ont dû faire preuve de plus d'ingéniosité pour le Sanctus et l'Agnus, puisque nous ne connaissons aucune oeuvre de Vivaldi sur cette partie de l'ordinaire de la messe. L'album s'achève donc par une semi-nouveauté : un contrafactum (reconstitution dans le style de Vivaldi). Le Sanctus est réécrit à partir du superbe Beatus Vir (RV 597), éclatant de gaieté. Le Dixit Dominus et le Magnificat sont utilisés pour le Benedictus et l'Agnus Dei.


Du point de vue de l'interprétation, les deux solistes sont excellentes. Lucile Richardot est parfaitement à l'aise dans ce répertoire, elle qui a commencé sa formation en musique sacrée et ancienne, et a l'habitude des oratorios et opéras baroques. Sophie Karthäuser avait déjà chanté Haydn avec Christie, s'était par ailleurs distinguée en chantant les Leçons de ténèbres de Lalande. Et ajoute aujourd'hui Vivaldi à sa carte de visite !

L'ensemble des Arts florissants est excellent, comme d'habitude. Le Gloria in excelsis Deo est nerveux sans verser dans la précipitation, les cuivres sonnent très bien...


Plusieurs intérêts à ce disque :

- Découvrir la culmination des plus belles pages de Vivaldi, dans l'esprit d'une messe apocryphe mais qui porte bien son nom de "grande". Une heure de sublime, au sens de Kant : "est sublime ce qui par cela seul qu’on peut le penser, démontre une faculté de l’âme qui dépasse toute mesure des sens".

- Re-découvrir certaines oeuvres moins connues du même : l'Ostro Picta, le Beatus Vir...

- Entendre les Arts florissants se frotter à Vivaldi (il me semble que ce soit un de leurs premiers enregistrements de musique sacrée vivaldienne) ;

- Pour les musicologues : comparer les contrafactum de la fin de l'album aux oeuvres originales de Vivaldi pour apprécier le travail de reconstitution.

Et je n'ai absolument aucun reproche à faire : c'est un 10/10 à écouter absolument.

LFBuete
10
Écrit par

Créée

le 22 juil. 2022

Critique lue 18 fois

1 j'aime

LFBuete

Écrit par

Critique lue 18 fois

1

Du même critique

Invincible été
LFBuete
6

Quand il faut que la vie soit "belle"

Compliqué à noter. Ce documentaire pousse à réfléchir sur l'invalidité et la mort, on y présente des caractères forts (pas seulement O. Goy, mais aussi Gilles Ménard, Axel Allétru...), le message est...

le 1 juin 2023

4 j'aime

Qu'est-ce que l'Occident ?
LFBuete
8

Définition (élogieuse) de l'Occident, donnant matière à penser

Philippe Nemo est un historien des idées, libéral, fin connaisseur de Hayek et auteur d’une Histoire des Idées politiques en deux volumes. À la lumière de ce vaste travail (2500 pages), il propose...

le 6 févr. 2023

3 j'aime

2

Madres paralelas
LFBuete
7

Idéal-type et gynocentrisme

N'ayant vu qu'un Almodóvar (La Piel que habito), je n'ai pas le recul de certains sur les mérites comparés de ce film. Mais j'ai du coup le regard du spectateur qui n'avait pas d'attentes...

le 20 déc. 2021

3 j'aime