Parce qu’il a marqué ma culture musicale et m’a apporté des émotions bouleversantes, je nourris un profond attachement envers Alice in Chains. Pourtant, l’annonce d’un cinquième disque studio de leur part s’est heurtée à ma profonde indifférence.


Oui, Black Gives Way to Blue est un bon album. Il a définitivement prouvé que Jerry Cantrell était capable de se débrouiller sans Layne Staley (ce qui n’était pas évident d’après ses œuvres en solo). Il était aussi la confirmation que ce groupe était condamné à jouer la même musique. Passé l’excitation de la découverte, il reste une poignée de bonnes chansons, mais certainement pas une sortie essentielle. Surtout qu’écouter du grunge sans le soupçon de magie qui l’avait rendu si important dans les 90s, ça vend autant de rêve qu’un retour de Metallica.


Voici pourquoi The Devil Put Dinosaurs Here me fait comprendre à quel point je suis comme le professeur Malcolm dans Jurassic Park : putain, j’en ai marre d’avoir toujours raison.


Tout est dit dans l’intitulé et la pochette de ce skeud. Cette bande est devenue un dinosaure du crétacé en voie de fossilisation. La tête dans le guidon car jouant ce rock metallisé et très lourd qui a fait sa renommée sans la moindre intention de vouloir surprendre. Que ce soit dans le son et les compositions. Des compositions à la qualité très discutable, parce qu’il est difficile de remarquer des morceaux se détachant dans cette heure de grunge tourmenté. A vrai dire, il y en a deux qui frappent immédiatement par leur évidence. La funéraire chanson titre au refrain tragique et l’exceptionnelle ballade « Voices ». « Low Ceiling » se chantonne pas mal grâce à un refrain également chouette (ainsi que son solo) et le riff lancinant de « Pretty Done » vous laboure le crâne tout en s’imposant tranquillement dans votre mémoire.


Hélas, on ne peut pas dire que le reste soit impérissable. Par la même occasion, il nous fait prendre conscience que la patte du quatuor est devenue un défaut. La longueur des titres étant injustifiée. Puisqu’elle donne la sensation d’écouter une musique répétitive tournant en rond. Bien entendu, cette linéarité a toujours fait partie de leur identité. Cependant, on l’avait assimilée car la puissance des riffs et la beauté des harmonies vocales contrebalançaient cet aspect pour le rendre hypnotique.


Malheureusement, The Devil Put Dinosaurs Here n’est pas Dirt et encore moins le chef-d’œuvre de 1995. Le songwriting étant trop faiblard pour retenir l’attention. « Hollow » est d’ailleurs un drôle de choix en tant que single tant il s’avère banal selon les standards habituels du groupe. L’acoustique « Scalpel » aurait été une sélection plus judicieuse. La fin de cette petite sucrerie marque justement un plongeon dans la médiocrité. « Phantom Limb » renoue avec un format ambitieux (les fameuses sept minutes), mais s’écroule au sol car insuffisamment inspiré pour tenir en haleine sur une si longue durée. Ce qui suit s’avère au mieux agréable (le refrain de « Choke »), souvent oubliable et, donc, sans grand intérêt.


Bien entendu, il est sans doute préférable de s’enfiler cette dernière livraison d’Alice plutôt que de subir un énième combo post-grunge. Puisqu’elle contient au moins quelques bons moments nous rappelant quelle formation immense elle fut. Mais alors dans ce cas-là, il faudrait faire mine d’adorer les derniers relents d’ennui de Depeche Mode sous prétexte d’un (désormais) lointain passé glorieux.


Heureusement, nous sommes en démocratie et nous avons le choix d’ignorer tout ça. Laissons donc Alice in Chains reposer parmi les dinosaures des années 1990, puis passons à autre chose.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 22 oct. 2017

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