Un couple parfait

Faisant équipe pour la deuxième fois en une année, Boldy James et The Alchemist ont lâché à la mi décembre 2021, Super Tecmo Bo, une expérience plus intime qui solidifie le duo comme l'un des meilleurs couples “rappeur-producteur” de notre temps. Je n’exagère pas.

Avec neuf pistes et un seul invité, le lp n'est certainement pas aussi bourré d'action que son prédécesseur, mais constitue plutôt un regard beaucoup plus confidentiel sur certaines des histoires les plus effrayantes de Boldy. (À noter que les 4 premiers titres se trouvaient déjà sur la version “Expended” de BO JACKSON sortie en vinyle cet été.)

Avec chaque nouveau projet, il semble que le rappeur de Detroit soit toujours un peu plus à l'aise pour révéler davantage de son passé troublé. Son lyrisme amélioré lui permet de mettre en place certains de ses contes les plus sombres. Comme toujours, The Alchemist continue de grandir en tant que beatmaker; prods luxueuses, des pianos ascensionnels, des trompettes jazzy, des cordes étirées, ce sont en fait les drums qui continuent de séparer The Alchemist de tous les autres producteurs. Toujours parfaitement mélangés et vifs, ils restent sa plus grande force.

Les rythmes correspondent parfaitement à la mentalité mafieuse de Boldy et le duo continue de montrer pourquoi ils en sont à leur 5ème projet ensemble.

"Bumps & Bruises" présente une boucle de saxophone nostalgique avec des touches rêveuses qui l'incitent à la réflexion sur sa croissance et à sa place dans le game.

"Moth in the Flame" est un moment exceptionnel et cinématographique, sans doute l'un des meilleurs rythmes d'Alchemist que j’ai pu entendre. Évoquant l'image d'un vol en hélicoptère tard dans la nuit à travers la ville, Boldy rappe en “double time” sur une base de piano rapide et des nappes subtiles.

Son rap est également distinct des collaborations passées. Les crochets ont tendance à être assez discrets, agissant parfois simplement comme des intros et des outros. Il opte souvent plus pour des ponts à la place. Il y a aussi beaucoup de place sur les rythmes pour qu’il brille avec une écriture remarquable et chronologique. À la différence de Bo Jackson où il mettait justement davantage l'accent sur les crochets et l'énergie. Les flux sont simples, mais d'une manière lyriquement engageante plutôt qu'ennuyeuse. Il semble également beaucoup plus mature et méditatif ici que sur tout autre projet (à l'exception de "Manger On McNichols" 2020). Cela ne veut pas dire qu'il n'a jamais été introspectif mais ici, Boldy se reflète comme un vrai OG. Bien qu'il n'ait peut-être pas ouvertement honte des actes sombres sur lesquels il rappe, il en discute franchement. Il le fait vraiment, mais il a l'air un peu fatigué de tout ça : la perte, le stress et les conneries. Sur "No Laughing Matter", il rappe :

“Any drug, I done sold it, when I shoot a gun I unload it

Spent most of my twenties living on the run, it was bogus

Son of a gun so you know murder one was the motive”

Comment ne pas être dedans?

La technicité, le jeu de mots et l'imagerie de Boldy sont plus précis que jamais. Il présente un collage de contes de rue bourrés de rimes internes dans le style le plus décontracté, c’est bluffant.

Le seul invité de l'album est IceColdBishop, qui rappe comme si toute sa carrière en dépendait. “Hot Water Tank” le voit fournir un ensemble de paroles menaçantes mais intelligentes avec un débit particulièrement aigu et saccadé. Lui, j’vais le suivre.

Dans l'ensemble, Super Tecmo Bo fait partie des plus grands travaux de Boldy et Al. Ils ont l'air fraîchement inspirés et ne se contentent pas de ressasser leurs succès passés. Les entendre grandir davantage en tant que duo et livrer un autre projet si passionnant rempli d'améliorations mineures est une énième raison pour prendre conscience de leur apport incroyable dans le Hip-Hop.