1. Il s'est écoulé seize ans entre Le Retour du Jedi et La Menace Fantôme qui ouvre la seconde trilogie Star Wars, cette fois-ci produite, scénarisée et entièrement réalisée par George Lucas. Certains des personnages que l'on trouvait dans la première trilogie sont de retour, mais le créateur de la saga décide de raconter leur tragique destin de jeunesse, au moment où la République semblait diriger de son mieux la galaxie, où le sénat se cachait des monstres qui voulait le corrompre, et enfin lorsque Anakin Skywalker rêvait de libérer sa mère de l'injustice et de l'esclavage en devenant un Jedi. Il n'est pas bien difficile de remarquer que cette prélogie demeure plus sombre que sa grande sœur ; que la fatalité serpente cette histoire bercée par la haine et l'amour, et déchirée par les régimes politiques instables. Entre temps, l'immense compositeur de la saga a notamment écrit les bandes originales de l'essentiel des films de Steven Spielberg, mais a également travaillé pour George Miller, Oliver Stone, Chris Columbus, Sidney Pollack, Ron Howard, Jean-Jacques Annaud et Alan Parker. Des grands films d'aventure, d'autres qui racontent la gloire des Etats-Unis ou la vie de présidents américains, et d'autres encore sur la nature, la mort, les ravages de la guerre. Entre temps, aussi, la musique contemporaine a nettement évolué vers un minimalisme orchestral et davantage symphonique : Philip Glass multiplie les opéras, Arvö Part les chants religieux et John Adams démontre ses talents de dramaturge musical. Sans renier ses origines romantiques, John Williams se laisse pourtant convaincre par ces danses répétitives. Il aura même dirigé en tant que chef d'orchestre du Boston Pops Orchestra de 1980 à 1993 plusieurs œuvres de John Adams, dont on ne peut nier les influences respectives et respectueuses. La Menace Fantôme, ainsi que les films qui le succèdent, bénéficie par conséquent de ce changement de « style » - même si la musique de John Williams reste unique et complexe. D'autre part, ma découverte avec Star Wars s'est faite en premier lieu par un attachement émotionnel avec la prélogie. Mes héros sont Anakin Skywalker, Obi-Wan Kenobi et Padmé Amidala. Il s'agira de raconter leur chute à travers la musique ô combien bouleversante de John Williams.



L’Élu de la Force :



https://www.youtube.com/watch?v=HwshWAd7dj8


Avant de sombrer dans le drame grec avec L'Attaque des Clones et la tragédie romaine avec La Revanche des Sith, les premières notes de John Williams pour cet opus nous replongent doucement et délicatement dans cet univers galactique si particulier. Le grondement du Main Title peut bien attendre, cette fois-ci, son analyse plus tardivement. Le Retour du Jedi se concluait par la mort de Vador et la renaissance d'Anakin Skywalker ; ici, le jeune messie de la Force écarte d'un simple regard angélique les ombres maléfiques du Côté Obscur. Attendri, John Williams se saisit de cette innocence pour écrire un doux thème pour le futur orphelin, nommé tout simplement Anakin's Theme. Avec ce début à la flûte traversière, puis la reprise des violons des deux mouvements du thème, il serait tentant d'assimiler ce dernier à d'autres pièces romantiques de cette même saga, telles que Princess Leia's Theme, Yoda's Theme ou encore Luke And Leia. Une simple écoute, et il semble que John Williams se répète une nouvelle fois. Certes, il se répète, mais pour d'autres raisons qui paraissaient auparavant évidentes. En fait, Anakin's Theme est une réécriture harmonique de l'Imperial March, une version illuminée, idéalisée et dépossédée du Mal. Le caractère sérieux de ce thème chasse rapidement la flûte, écartant de fait le registre romantique, pour mieux se concentrer sur son évidence dramaturgique. Décalant sa mélodie sur d'autres tonalités, John Williams délivre un premier thème complexe, qu'il est difficile de chanter, si riche et si triste pour une apparente pureté. Si le premier mouvement apparaît presque optimiste, le second, magnifié par les cordes à 1:45 éloigne toute trace d'espoir. Très vite, le compositeur ne peut s'empêcher de l'accoupler avec la fameuse marche impériale, assez naturellement d'ailleurs. Bien qu'elle ne soit qu'un faible bourdonnement, son empreinte entaille l'ensemble du morceau et sa malveillance coule dans les veines de cette complainte. Le morceau s'accomplit grâce à sa puissance mélodique, infiniment complexe paradoxalement, puisqu'elle se base sur les mêmes harmonies que celles de la fanfare de Vador  : la nature maléfique de Vador est incontestable, celle d'Anakin est incertaine. Puis, John Williams ouvre le chemin de la Force au futur apprenti d'Obi-Wan dans He Is The Chosen One. Assez caractéristique des bandes originales de la prélogie, ce morceau frôle plusieurs fois l'atonalité sans que le lyrisme des cordes ne soit égaré. D'autre part, le ton s'assombrit déjà, et ce, même chez les cors, qui ont pourtant un son très noble. Le thème de la Force se complexifie autour d'ostinati de violons particulièrement modernes. Malgré une flûte rassurante qui magnifie le thème d'Anakin, la musique du maître compositeur oscille toujours entre cette innocence à travers un glockenspiel et un hautbois gorgé de malice.


Pour rencontrer le jeune padawan pour le moment esclave, le maître Jedi Qui-Gon Ji, son apprenti Obi-Wan Kenobi et la princesse Amidala atterrissent sur la planète Tatooïne que le compositeur tente de dépoussiérer. Dès lors, ce n'est pas la première fois que John Williams dépose son emprunte sur ces déserts, dont les tempêtes de sables balaient les précédentes compositions d'Un Nouvel Espoir et du Retour du Jedi. Pour La Menace Fantôme cependant, les symphonies de Stravinsky ne déteignent pas sur The Arrival At Tatooïne; The Flag Parade. Au contraire, les premières mesures s'inclinent devant une clarinette bourgeoise derrière les allures aristocrates de cordes pizzicato. John Williams entame alors un dialogue entre plusieurs instruments à vent, mais le dernier mot revient à la trompette qui acclame un second mouvement. Ce dernier surplombe cette arrivée sur Tatooïne, dévoilant les mystères exotiques de cet astre. Pour ce faire, le compositeur fait de nouveau appel à des percussions venues d'Afrique principalement. Plus inaudible qu'un chuchotement, John Williams conclut cette première partie par quelques notes tonales de la marche impériale. Quant à The Flag Parade, il annonce un retour des leitmotivs épiques et glorieux qui ont sculpté l'orchestre de la Guerre des Etoiles. Le morceau diffère grandement de la dernière parade enregistrée pour la saga, à savoir Parade Of The Ewoks, se distinguant par un motif relativement complexe, presque éteint au milieu des percussions et des cuivres fouettants. Le compositeur décide de le faire retentir avec les trombones plutôt qu'avec les trompettes, le rythme binaire de la caisse claire rappelant la dextérité de la baguette du compositeur. Son goût pour la musique de cérémonie – dont il a composé quelques partitions pour de grands événements mondiaux – se devine par l'intermédiaire de cette énième domination des cuivres sur le reste de l'orchestre. Une nouvelle exécution épique semble se dégager de la piste suivante, Anakin Defeats Sebulba ; lequel évoque, sur les premiers temps, quelques tentatives ingénieuses et discordantes du Retour du Jedi. Toutefois, les appels fréquents de la Force revigorent le cœur faillible du jeune Anakin, à l'aide d'un cor solide. Virevoltant est l'orchestre par la suite et ainsi se définit la musique de la prélogie : généreuse, ample dans ses liaisons et pourtant si légère. Premièrement, il y a le dialogue d'un jeu aérien à la flûte accouplé à des violons plongés dans un rythme presto extraordinaire. En tant que chef d'orchestre, John Williams a acquis un savoir-faire sans égal dans la maîtrise vivace de ses instruments. Dans un second temps, tout n'est que changement constant de hauteurs, que ce soit pour les cuivres, les violons ou la flûte qui s'est égarée dans ce tourbillon symphonique. Il faut malgré tout regretter, pour la deuxième fois, des conclusions hâtives, comme si John Williams se focalisait davantage sur les arrangements en fin de morceau.


N'oublions pas, tout de même, que Tatooïne renferme en elle le poison de l'esclavage et la maladie de la corruption. Autrefois, le tuba balourd surplombait la perversité de Jabba, aujourd'hui la clarinette souligne la ruse de Watto, l'esclavagiste, au début de Watto's Deal; Kids At Play. Cependant, Le Retour du Jedi marqua la fin de la musique entrecoupée de John Williams, et ce dernier a su domestiquer ses violons si bien que la variation du jeu de ceux-ci est frappante. Alors qu'Anakin quitte peu à peu la planète des déserts lointains, et par conséquent sa mère pour rejoindre l'école de la Force, le mélancolique cor anglais se greffe logiquement à cette descente lente vers le Côté Obscur. Pourtant discret, le thème de la Force indique l'éventuelle chute de cet être souffrant. Une lumière étincelante foudroyait ce thème en la présence de Luke Skywalker ; pour son père, celui-ci se désintègre dans l'incertitude alors que le destin a déjà marqué de sa terrible empreinte, les désirs de revanche d'Anakin. Ce n'est certainement pas avec l'insouciance suivante que John Williams pourra rattraper les tristes retentissements de la fatalité, car la fin de son morceau se rafraîchit par les notes rebondissantes de ce même cor anglais, laissant sonner une dernière fois l'innocence trompeuse du thème d'Anakin. Le cordon ombilicale avec Schmi et Tatooïne se défait donc dans Anakin Is Free. Le rêve du Jésus de la galaxie consistait à explorer les étoiles, avec ses talents de pilote : porté une nouvelle fois par le thème de la Force dans sa version la plus enchantée à la flûte, le divorce avec l'astre doré se réalise avec enthousiasme. Puis, inévitablement, l'illusion s'écroule sous le prisme de ce solo de flûte enfantine, loin des schémas romantiques ; les cordes écrasent cette jeunesse vers des années de doléance. Si rassurant est le thème de Schmi au hautbois, composé seulement de tierces maternelles. Le cri d'espoir incarné par le thème de la Force ne fait qu'agrandir la cicatrice béante de cette séparation entre une mère aimante, fragile et son fils angélique dont le visage se noie déjà dans le chagrin. Finalement, la peur submerge Anakin dans La Menace Fantôme, la colère consume son âme dans L'Attaque des Clônes, et enfin la haine dévore son cœur dans La Revanche des Sith.



Naboo :



https://www.youtube.com/watch?v=RB9GcngJXt4


Pas d'inquiétude, le Main Title n'a point été délaissé ! Désormais intitulé Star Wars Main Title pour la prélogie puisque globalement attribué à l'aventure spatiale et non plus au seul personnage de Luke Skywalker, celui-ci est complété par The Arrival At Naboo pour La Menace Fantôme. La fusion entre le London Symphony Orchestra et l'intelligence orchestrale de John Williams s'accomplit définitivement : jamais plus le thème principal ne changera de couleur tant l'équilibre parfait entre les différents phrasés instrumentaux a été formidablement exécuté. Identique aux deux opus suivants, le Main Title étonne toujours par son efficacité, en plus maintenant, d'un accouplement optimal entre les registres. La suite, en revanche, ne se hisse pas à la hauteur d'un tel spectacle. Comme à son habitude, une minute de mystère avec des cordes silencieuses – piano – et un piccolo inquiet nous réintroduisent dans l'univers ; de même qu'une nouvelle fanfare à l’intention de Naboo, la planète de la princesse Amidala, déferle sur cette symphonie. Malgré des ornements volontiers à la trompette, et un mode oriental en fin de marche, ce morceau ne réussit malheureusement pas à surprendre. En effet, The Arrival At Naboo peine à se détacher d'autres mouvements précis du compositeur sur les précédents films de la saga bien que les finitions s'améliorent. Depuis le début de la critique, il n'est nullement fait mention de la musique minimaliste alors que je l'avais évoquée d'entrée dans l'introduction : les premières inspirations se ressentent dans le morceau The Trip To Naboo Temple; The Audiance With Boss Nass. Le subtil mélange entre l'orchestration contemporaine et l'écriture moderne permet la complexité de cette piste qui n'exclut pas les mélismes des cuivres mais accomplit habilement les multiples ostinati. Jamais disparue, la flûte traversière, reflet de l'enfance et de l'inquiétude, vient rappeler qu'il s'agit de l'aventure du jeune Anakin. A l'aube des années 2000, la légèreté des instruments à vent signale l'arrivée des magnifiques compositions pour les deux premiers films de la saga Harry Potter. Mais, connaissant rigoureusement les registres et les modes de jeu de ses instruments, John Williams modifie la gaieté de la flûte en une menace angoissante. Pour autant, et malgré cette maîtrise toujours présente, il y avait peut être moins à souhaiter que des morceaux encore descriptifs dans leur conclusion ; sachant que la trilogie regorgeait elle aussi de pistes démonstratives sans que cela ne transparaissent à l'écoute.


Là où le compositeur perd en intensité dramatique, il gagne en finesse dans le phrasé de son écriture musicale. Dire que la prélogie – voire Le Réveil de la Force - manque de thèmes, de motifs, ou de leitmotivs est à peu près faux : en fait, les thèmes se font nettement moins chantonnants si bien qu'ils égarent leur mélodie selon certains. Dans Jar Jar Introduction; The Swim To Otoh Gunga, plusieurs hymnes bourdonnent, à commencer celui du personnage préféré des fanatiques de la saga, c'est-à-dire Jar Jar. Du fait de sa simplicité, John Williams convoque l'unisson de deux instruments à vent, le hautbois et le basson – le second étant plus gauche, cela correspond tout à fait au célèbre Gungan -, et les violons en pizzicato ajoutent cette légèreté bienvenue, soulignant la maladresse de Jar Jar. Après un interlude sombre, montrant la volatilité et la liberté de l'orchestre anglais, le compositeur revient à ses chœurs adorés. Nul doute que la prélogie honore les voix humaines, les sublimant à chaque mesure, voire les éternisant afin d'en faire disparaître le reste de l'orchestre. Dans cette deuxième partie, on ne peut qu'encenser ces voix féminines sopranos qui magnifient les notes les plus hautes et se lient avec efficacité à une montée chromatique des cordes, toujours legato. Bien que les morceaux soient enjolivés par des vents fugaces – notamment la flûte -, des pointes d'obscurité cheminent par moments ces derniers. Comme pour rappeler Le Retour du Jedi, John Williams reprend des habitudes frivoles du dernier épisode de la trilogie : on peut alors entendre une cacophonie non-dissonante, chaque instrument voulant s'échapper d'une emprise incontrôlable, notamment le son pincé du basson. Meilleur dans sa finition, le morceau laisse place à Passage Through The Planet Core où les chœurs mystérieux ne sont évoqués que deux fois : au tout début puis vers la fin de la piste. Cette fois-ci, John Williams cite davantage ses compositions pour Un Nouvel Espoir et L'Empire Contre-Attaque. Pour ainsi dire, le creux du morceau ne fait qu'exposer un piccolo particulièrement énigmatique escorté par des violoncelles tremolo en nuance piano. Pour achever cette tension, le compositeur nous reconduit à la douceur des violons et semble tisser un thème fortement homologue à celui de la Force. Joué au cor, avec un basson et un tuba en contre-temps, il déploie une certaine grâce et est doté de spiritualisme. Comme dit précédemment, les chœurs féminins concluent le morceau mais John Williams illumine également les percussions – les timbales ruissellent -, et les cuivres – les trompettes martèlent. Quelle agréable sensation … tout de suite, lorsqu'il soigne ses finitions, la bande originale s'élève admirablement.


Tout comme Tatooïne ne se résume pas à l'innocence d'Anakin, Naboo ne peut se réduire à la présence signifiante des Gungans et Otoh Gunga. En effet, il existe une cité appelé Theed où la reine Amidala essaie de gouverner mais est hélas chassée de son trône par la Fédération du commerce et son vice-roi Nute Gunray. Vous vous doutez bien cependant, que cette analyse ne suit aucune logique chronologique ; par conséquent le morceau suivant, Panaka; The Queen's Protectors, explose littéralement – sans que cela égale le Main Title, vous l'aurez compris. On ne dispose que de quelques instants pour étudier le tout tant les enchaînements se font rapidement mais proprement. En revanche, trois mouvements sont à explorer : un premier leitmotiv très cuivré (trompettes et cors) à l'intention de Panaka, un retour bref mais attendu du thème principal et enfin un résumé orchestral et pianistique de Duel Of The Fates, chef d'oeuvre que je commenterai plus tard. Rajoutant des piques de cuivres, le compositeur incorpore enfin du grandiloquent dans sa bande originale. Brutalement, John Williams marque presque un arrêt et exécute un piano subito (la musique s'éteint subitement) ; or l'attente ne demeure pas longue par la suite puisque un retour à l'épique surgit – coloré par des glissati de flûtes et un glockenspiel – dans un ton presto fabuleux telle une fanfare : de la pure musique starwarsienne. C'est avec plus de raffinement que débute Queen Amidala; The Naboo Palace avant que ne transparaissent les tourments de la reine, toujours exprimés via le piccolo. D'ores et déjà, le jeune Anakin rassure Padmé de son thème limpide bien qu'écrit en mode mineur. De la même manière qu'il caractérisait Bespin avec orientalisme, John Williams décrit la Naboo humaine avec le regard d'un occident sur la musique arabo-egyptienne, modestement et respectueusement. La présence du piccolo renforce encore l'étrangeté alors que John Williams retourne à ses démons descriptifs si bien que la fin du morceau s'avère abrupte. Malgré tout, les tonalités s'assombrissent jusqu'à rejoindre la virtuosité des derniers morceaux de La Menace Fantôme, à la fois féroces, saignants et tragiques.



Maître et apprenti :



D'un coup, la musique a perdu de son éclat ; et la lumière des étoiles qui s'étendait depuis Un Nouvel Espoir ne scintille même plus dans la galaxie Star Wars. De la fin de La Menace Fantôme au désenchanté La Revanche des Sith, les bandes originales de John Williams ne seront que le reflet symphonique de la création de l'Empire et parallèlement, celle de l'iconique Dark Vador. Pour le moment dans la composition cinématographique, les Sith ne sont que des ombres qu'il vaut mieux taire. Toutefois, pour ce qui est de la composition symphonique, John Williams ne se prive pas de faire éclater aux oreilles de tous la menace fantôme. Les vingt premières secondes de The Sith Spacecraft; The Droid Battle modernisent quelque part le motif des Dents de la Mer, avec un tuba qui raccourcit au fur et à mesure ses notes et un tambour qui répète un ostinato rythmique. Seulement pour quelques secondes puisque, après, on assiste à l'inverse à un ostinato mélodique qui démontre à la fois la mécanique et la militarisation des droïdes dans l'épisode de 1999. Transposant ce leitmotiv sur plusieurs tonalités par différents instruments, le compositeur se permet néanmoins quelques descentes et montées chromatiques à la flûte ainsi que des glissati pour joindre à la menace de l'imprévisibilité. Le menace réelle ne se dévoile que par la reprise legato des violons de Duel Of The Fates, cette fois-ci plus tragique que démoniaque. Un accord entre cuivres et timbales se réalise afin de nous achever brutalement alors qu'un autre ostinato rythmique ouvre le morceau The Droid Invasion; The Appearance of Darth Maul. La première partie ressemble dans le registre au morceau précédent – même si renforcement des percussions – tout en révélant le véritable thème des droïdes : la marche militaire de ce premier opus de la prélogie étonne par sa droiture identique à celle de la trilogie mais insiste davantage sur les dissonances et/ou la déstructuration. Grâce à ce morceau, ce sont seize années de maturité musicale qui s'inscrivent dans l'écriture organique des bandes originales de Star Wars. Ce n'est d'ailleurs pas parce qu'il subsiste quelques défauts que cette bande originale n'innove pas : John Williams fait intervenir un instrument étrange, entre la voix et le synthétique, comme si on avait soufflé dans les bronches d'un orgue. Je pense néanmoins qu'il s'agit d'une percussion du sud-est asiatique. Puis, cette menace devient familière car le thème de l'Empereur exprime son envie de pouvoir par davantage de puissance dans les basses des chœurs d'hommes. Pour contraster avec ces voix d'une gravité électrisante, le thème d'Otoh Gunga se dresse par la magnificence des sopranos féminines. Malheureusement, le Mal, lui, s'est déjà enraciné dans la prélogie. Le combat est inévitable, et c'est faiblement que le Duel of the Fates sonne le glas de la justice.


« At last we will reveal ourselves to the Jedi. At last we will have revenge. »


https://www.youtube.com/watch?v=KkW_gXw1yok


Korah Matah Korah Rahtahmah
Korah Rahtamah Yoodhah Korah
Korah Syahdho Rahtahmah Daanyah
Korah Keelah Daanyah


Nyohah Keelah Korah Rahtahmah
Syadho Keelah Korah Rahtahmah
Korah Daanyah Korah Rahtahmah


Les mots manquent affolement. Pour la première fois peut être, quelques bêtes lignes ne suffisent plus pour exprimer la beauté d'un tel monument musical dans l'Histoire des bandes originales. La marche impériale fut le thème mythique par excellence de la trilogie, et il était certainement inimaginable qu'un jour John Williams puisse retrouver une aussi grande complexité musicale. Si Duel of the Fates s'inscrit aujourd'hui comme l'une des plus belles démonstrations mélodiques de John Williams sur la saga Star Wars, c'est à la fois parce que le morceau intègre des codes musicaux propres à la première trilogie, mais aussi parce qu'il s'en échappe avec une sorte d'ingratitude. Certes, les premiers échos a cappella d'un chœur à quatre voix rappellent fortement le blast du Main Title et les cuivres trouvent malgré tout leur place au milieu de ce chant pour le Mal. En dehors de ces faits, Duel of the Fates s'extirpe de l'emprise du Bien, dissipant d'un seul souffle la schizophrénie de la marche impériale. Après quoi, le chœur se tait violemment et ainsi s'entame l'ostinato le plus mémorable de ces dernières années - avec celui, dans une moindre mesure, de la série Game of Thrones. Sous forme de canon, où les instruments s'introduisent petit à petit en commençant par la famille des vents – et le mélange malicieux du cor anglais (Bien) avec le basson (Mal) -, le splendide poème n'embrasse sa monstruosité que dans les bras de cris vocaux tranchants. Ce n'est pas tricher que d'adorer avec une passion folle la quintessence des œuvres vocales de John Williams, se rapprochant formellement des travaux de Carl Orff et O'Fortuna plus particulièrement. Fonctionnant sur une polyphonie plus que divine et inhumaine, il est encore difficile de savoir si l'ostinato cisaillé par les violons et les cuivres demeure mélodique ou rythmique. Plus impensable encore ! Aucun changement de rythme. Cette illusion musicale nous est donnée par une formidable exécution des crescendo et des decrescendo. Comme libéré de la tyrannie du Mal, le morceau s'insurge de la formalité orchestrale vers une anarchie harmonique et la multiplication de syncopes. Le Mal ne pouvant que triompher au cours de ce duel – non pas physiquement mais spirituellement -, John Williams réordonne les harmonies pour revenir au mode mineur initial. Or, Duel of the Fates, bien que repris et découpé dans La Menace Fantôme, n'est qu'une œuvre de concert qui ne figure pas entièrement dans le film. En outre, une des nombreuses versions qui se dévoue à la cruauté de cette chanson se nomme Qui-Gon's Noble End : on entend dès lors une interprétation a cappella de la trompette premièrement, puis, vers le milieu du morceau, son murmure lugubre par des hommes assoiffés de sang et de revanche. Entre-temps, il faut écouter une nouvelle orchestration de The Droid Battle alors qu'un maître Jedi tombe, transpercé par la lame rouge. Il n'y avait que la mort pour conclure un tel éloge du Mal : la mort du maître et la mort de l'apprenti. Celle du maître paraît évidente tandis que celle de l'apprenti est double : naturellement, celle de Maul domine mais celle d'Obi-Wan Kenobi, tiraillé entre les larmes et la colère, hurle discrètement.


« Toujours par deux ils vont, ni plus, ni moins… le Maître et son Apprenti. »


Mahdhurah Swehpna
Go Rahdomah Swehpna
Mahdhurah Swehpna
Go Rahdomah Swehpna
Moorittioo, Mahdurah Swehpna


Avec la mort de Qui-Gon Jin, l'ordre Jedi perd l'un de ses plus illustres membres et il laisse derrière lui des années de tristesse et de souffrance. John Williams capture la peine de ses compagnons pour couronner avec estime et grandeur le courage et la sagesse de ces gardiens de la paix avec un début d'adagio dans The High Council Meeting; Qui-Gon Jin's Funeral. En dépit de leur force morale et mystique, le thème de Yoda ne peut s'accomplir pleinement car amputé d'un de ses membres. Tapis dans l'ombre, le thème de Vador à la clarinette grandit doucement alors que l'on pleure les funérailles de l'ancien maître d'Obi-Wan Kenobi. Un chœur mixte traîne cette complainte durant la cérémonie. Coupée par le thème blessé de la Force, cette mélopée pour la mort termine ces pathétiques paroles à l'octave supérieure, aidée par des violons plaintifs. Pour reparler de l'apprenti, Anakin finit par le devenir à la fin du premier épisode de la saga mais au prix du sacrifice : c'est pourquoi les deux thèmes successivement repris dans les End Credits sont Duel of the Fates et Anakin's Theme. Cependant, le compositeur insiste doublement sur la présence discrète de la marche impériale qui n'attend que le moment opportun pour s'émanciper. Sans nier cette logique dramatique, on ne peut que regretter un manque de réinterprétation des thèmes de cet opus. Quant à Augie's Great Municipal Band; End Credits, John Williams l'enveloppe dans un subtil mensonge. En effet, les chœurs d'enfants que l'on entend ne chantent qu'une version modulée et modelée du thème de l'Empereur, déguisé en Chancelier Palpatine. Malgré la similitude de registre, Augie's Great Municipal Band n'exalte pas le même succès que Victory Celebration. Travesti par le rire des enfants et l'euphorie générale des cuivres, l'Empereur ricane dans le dos de ceux qui festoient. Sous l'apparente célébration que la victoire semble susciter, une menace plus dangereuse encore grossit. Une menace fantôme.



D'abord la peur :



Dans l'attente d'une nouvelle bande originale pour la saga Star Wars, les amoureux de Luke, Han et Leia espéraient une musique identique à celle de la trilogie. Force est de constater que John Williams a mûri intellectuellement et musicalement. Avec certitude, la bande originale de La Menace Fantôme suit les traces de ses grandes sœurs et n'a aucun mal à se graver dans l'édifice. Toujours est-il que l'on peut noter des défauts d'enregistrements comme si la musique de Williams avait été charcutée pour la sortie de l'album. Quant au compositeur tout particulièrement, certaines finitions ne coïncident pas d'un point de vue d'écriture orchestrale. En dépit de ces maigres commentaires, la musique de La Menace Fantôme donne une fois de plus l'occasion à John Williams d'expérimenter à l'image de Duel of the Fates, mutagène d'un grand opéra et d'une œuvre minimaliste. Cette nouvelle fluidité instrumentale dans l'univers Star Wars s'apprécie d'autant plus qu'elle sert mélo-dramatiquement le parcours funeste d'un prophète déchu. Qu'elles teintent ! Qu'elles teintent ! Les notes impatientes de la marche impériale.


NB : Seul le morceau Anakin Is Free a été inclus dans cette critique, pour un certain équilibre et parce que j'estimais que c'était nécessaire. En réalité, cette piste figure sur l'Ultimate Edition sortie en 2000.

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le 29 août 2016

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Nonore

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