Smell the Magic
7.5
Smell the Magic

Album de L7 (1990)

Dans cette micro-vague du grunge qu’était le Riot Grrrl, il y avait, d’un côté, Hole et Babes in Toyland. La partie la plus torturée de ce punk féministe. Puis de l’autre, il y avait les L7 qui sont, finalement, le groupe le plus attachant du genre. Plus décontractées de l’hymen que leurs consœurs, elles avaient cette capacité à être revendicatrices sans se prendre trop au sérieux. Et si le groupe s’engagea dans une série de concerts (Rock for Choice) pour soutenir le droit à l’avortement, leur objectif principal, c’était tout de même de démocratiser un punk rock joué par des nanas.


S’imposer en tant que femme dans un milieu à dominance masculine était déjà un choix couillu. Un choix prouvant une chose : les gonzesses ont le droit de faire autant de conneries que les bonhommes tout en pratiquant un rock & roll bien puissant ! Voilà typiquement le genre de musique qu’il faudrait faire écouter aux filles qui se plaignent du harcèlement sexuel. Avec Smell the Magic, vous les transformerez en guerrières prêtes à émasculer le moindre mec qui les peloterait dans le métro sans la moindre gêne !


Smell the Magic privilégie la provocation un peu bas du front. Donc il ne vaut mieux pas chercher ici la classe ou l’émotion de PJ Harvey. Ce n’est pas le propos. Les L7 revendiquant seulement un droit de parole et d’action dans un domaine (le rock) où les femmes sont souvent réduites à l’état de groupies (ce qui est quand même une avancée). Puisque philosophiquement, et en dépit des questions intéressantes que cela pose sur le féminisme, ça reste con et pas fin pour un sou. Néanmoins, c’est cette démarche brute de décoffrage qui est si réjouissante !


Musicalement, c’est un peu comme leur premier album mais en mieux. Une production plus fine, des compositions plus mémorables, des riffs plus aiguisés et un chant toujours aussi crâneur. Donita Sparks ayant un charisme bien à elle. Surtout quand elle se met à rouler les "r" comme une Amazone en colère (« Fast and Frightening », un de leurs sommets). Une voix décidément parfaite pour coller à leur punk cradingue armé de riffs heavy metal. Rien qui ne soit plus révolutionnaire que du Motörhead en vérité, mais c’est fait avec beaucoup de hargne et plus de variété. Un sentiment de linéarité évité grâce aux copines de Donita qui n'hésitent pas à s'égosiller pour l'accompagner voire la remplacer le temps d'une ou deux chansons


Cet album est ce qu’on attend tous d’un disque de rock qui tâche : une musique qui rue dans les brancards avec du refrain à hurler le point levé. « Shove » et ses paroles pète-sec. Le riff supersonique de « 'Till the Wheels Fall Off » ou celui, autoritaire, de « Just Like Me ». Sans oublier cet hymne qu’est « American Society » qui s’improvisait déjà comme un slogan pour la génération X juste avant le « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana. Ce qui fait que cette sortie a marqué d’une pierre blanche le développement du grunge : c'est la première œuvre studio essentielle d’un style alors que les deux autres qui le vulgariseront ne sont pas encore parues !


C’est même le meilleur disque des L7 et du Riot Grrrl. Du punk metal joué sans prétention et composé par des filles au look de camionneuses. Il n’y a aucune grâce, aucune sensualité mais sa désinvolture et son punch font toujours un bien fou. Une philosophie de vie écrite en gros sur la pochette car Smell the Magic, c’est une expression signifiant l’odeur d’un vagin après une nuit de sommeil et sans s'être douché la veille s'il vous plaît !


Alors vive les moules pas fraîches !


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 10 janv. 2018

Critique lue 277 fois

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