Sister
7.7
Sister

Album de Sonic Youth (1987)

L’indie rock est une étiquette dont le sens prête aujourd’hui à confusion. Si on arrivait à imaginer, à peu près, à quoi pouvait correspondre le rock indépendant dans les années 1980-1990 (du rock fait avec peu de moyens et qu’on retrouvait sur des labels détachés des majors de disques), aujourd’hui, on a surtout l’impression de s’être fait un peu floué sur la marchandise. Floué car ce « genre » concentre dorénavant des formations qui n’ont plus rien de commun musicalement et qui sont souvent plus inoffensives qu’audacieuses. L’embourgeoisement d’un style est inévitable et c’est pour ça qu’il faut toujours séparer le bon grain de l’ivraie.


Si Sonic Youth ne saura pas toujours éviter certains pièges, il aura pourtant tout fait pour être autre chose qu’une icône bobo dans les années huitante. Avec Sister, le groupe franchit un palier important de sa carrière en les faisant sortir de leur no wave encrassée pour embrasser désormais un indie / noise rock décomplexée.
Car cela ne semblait peut être pas évident sur Confusion is Sex ou Evol, mais cette bande a toujours écrit des chansons. Des chansons submergées par des concassages de guitares, mais des chansons quand même.


« Schizophrenia » en un exemple éloquent : une superbe mélodie qui se perd dans des traitements soniques (et novateurs) de guitares. Cela pourrait être même une version pop de Glenn Branca (dont Lee Ranaldo et Thurston Moore furent de parfaits élèves). Le groupe poursuit ni plus, ni moins, ce qui avait été entamé sur EVOL : intégrer des accidents sonores à coup de distorsions de grattes hurlantes sur une écriture millimétrée.


Les plus réfractaires au noise rock diront que c’est à partir d’ici que les New Yorkais deviennent audibles. Je dirais surtout qu’ils réussissent à lisser leur musique sans qu’elle en perde sa substance. « Pacific Coast Highway » se permet même de renouer avec les ambiances glauques de leurs précédentes sorties et de ne pas dénoter sur un disque plus fun que d’habitude.


Sister, c’est aussi la base du rock alternatif Américain et Anglo-Saxon. Comment ne pas déceler dans cette énergie je-m’en-foutiste (« Catholic Block », l’hymne « Hot Wire My Heart »), les râles sourds du grunge et du post-hardcore ? Si Dinosaur Jr. prenait un chemin similaire avec son You're Living All Over Me la même année, ce n’était peut-être pas un hasard. Et quand les zigotos sont d’une humeur à composer une chanson lascive et noisy (« Cotton Crown ») avec une Kim Gordon à la voix plus sexy que jamais, c’est carrément au shoegaze qu’on songe ! « Pipeline/Kill Time » a aussi le même type de démarche que ce que le post-rock tentera peu de temps après. Une déconstruction rythmique et sonore, déconcertante mais fascinante.


C’est d’ailleurs ce qu’on peut reprocher à cet album : prendre tellement de directions que le tout finit par perdre en cohérence. Sister, autre disque de transition ? Certes, mais cela ne l’empêche pas d’être une autre grande réussite de plus pour le groupe le plus rock and roll de la noise. A moins que ça soit le groupe le plus noise du rock and roll ?


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 28 août 2015

Critique lue 729 fois

7 j'aime

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