Les histoires courtes sont souvent les meilleures

C'est l'histoire d'une rencontre professionnelle qui se transforme en amitié et débouche sur une collaboration professionnelle.

Au milieu des années 70, le groupe Yes, où Jon Anderson officie en tant que chanteur, cherche un nouveau clavier après le départ de Rick Wakeman, titulaire du poste jusqu'alors. Vangelis, qui vient de s'installer à Londres, fait partie des postulants mais ne donne pas suite, sans doute pas pressé de renouer avec l'expérience du groupe après la fin houleuse de sa précédente formation, Aphrodite's Child. Néanmoins, l'homme aux doigts d'or et celui à la voix aérienne nouent les liens d'une amitié qui se resserre dans les années suivantes. Jusqu'à ce que, en 1979, Anderson venant de quitter Yes à son tour, retrouve son compère grec pour se lancer dans un duo sous le nom de Jon & Vangelis.


Short Stories est le titre de ce premier album, et il démarre sous des auspices très encourageantes avec, en ouverture, un "Curious Electric" stimulant et joueur, introduit à grande vitesse par une petite mélodie électronique, bientôt soutenue par une séquence de basse ronflante, un solo d'orgue virtuose et des percussions endiablées. Un peu moins de trois minutes à ce tempo, et voici enfin la voix unique de Jon Anderson, entre chanson et narration sur fond d'accompagnements joyeux, avant une reprise instrumentale triomphale : le ton est donné, et il est singulier.

Autant prévenir, ces deux-là réunis n'ont pas l'intention de faire dans la pop sucrée et millimétrée aux trois minutes - d'ailleurs, ce titre initial affiche 6'42 au compteur, normal en ces âges de rock progressif, dont le duo se réclame d'ailleurs volontiers ici. Le morceau le plus court de l'album fait 2'14, et c'est une anomalie, les autres tournant entre et 4 et 8 minutes.


Après ce démarrage en fanfare, on ne ronronne pas, voici nos athlètes en pleine ballade romantique dans "Each and Every Day / Bird Song". Un titre à deux titres pour un morceau dont les deux parties se répondent pourtant avec harmonie, entre légèreté et lyrisme élégant.

"I Hear You Now" figure dans plusieurs compilations de Vangelis, et on peut se demander pourquoi. C'est un bon titre, bien qu'un peu trop sage et mécanique, le plus classique du disque dans sa construction, même s'il réserve de belles ruptures et que le CS-80 du claviériste fait merveille par ses sons précis et pointus.

"The Road" rejoue la carte de la ballade, en mettant cette fois en avant une guitare acoustique par-dessus les claviers. Sympathique mais assez vite oubliable.

Ce que n'est pas le trublion "Far Away in Baagad / Love Is" ; comme "Curious Electric", il démarre en trombe, tempo rapide, percussions déchaînées et Jon Anderson en mode staccato ; puis vient une rupture, un peu avant les trois minutes, pour apaiser le rythme et revenir vers plus de douceur, dans la partie "Love Is" effectivement ruisselant de tendresse.

Dans la foulée, "One more time" s'étale sur 6 longues minutes, pour une nouvelle mouture de ballade romantique dont la structure hyper bateau piano-nappes-voix ne méritait sans doute pas de s'éterniser autant. C'est joli, là aussi très vite cela s'oublie.

Le bref "Thunder" (2'14) qui s'ensuit a des airs de trublion, avec son pont central très lyrique entre deux passages où le clavier répond discrètement aux petites phrases rapides d'Anderson.

Enfin, "Play Within a Play" conclut par sept minutes déconstruites - d'aucuns diront décousues - : à une intro paisible qui monte tranquillement en volume succède, aux trois minutes (décidément), un gros lâchage instrumental (batterie frénétique, basse énervée et synthés joueurs, tous interprétés par Vangelis) d'une minute, avant de conclure par une dernière échappée douce et légère, dominée par les claviers aériens et les effets sonores enlevés du compositeur.


Cet album plutôt original contient de belles idées, quelques passages vraiment excitants, mais l'impression finale demeure curieusement peu marquante, comme si la singularité de l'un empêchait la virtuosité de l'autre de se déployer ; comme si leurs marques de fabrique peinaient à en former une seule qui paraisse convaincante. Le tout est très plaisant à écouter, sans faire d'étincelles. Une constante dans leur collaboration, qui convenait très bien à un featuring (le sublime "So Long Ago, So Clear" de Heaven & Hell), moins peut-être à un album entier.

Leur association suivante, The Friends of Mr Cairo, fera mentir quelque peu cette idée, mais juste le temps de ce deuxième album, avant que le duo s'essouffle et s'achève même en brouille. Mais ceci est une autre histoire - another short story...

ElliottSyndrome
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le 5 févr. 2023

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